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Les nouvelles batteries sodium-ion sans nickel, cobalt, lithium, graphite ni cuivre

Le sodium plus abondant et moins cher que le lithium

Dans notre dernier article sur les nouvelles batteries au phosphate de fer (LFP), nous avons vu que la croissance actuelle des véhicules électriques (VÉ) est exponentielle et que le risque d’une rupture d’approvisionnement des métaux critiques pour la fabrication des batteries, comme le nickel et le cobalt, est bien réel d’ici 2030. Nous avons montré que les nouvelles batteries LFP sans cobalt ni nickel sont prêtes pour une commercialisation de masse.

Mais, la vitesse à laquelle on peut extraire et purifier le lithium risque également d’être problématique d’ici 2030. Non pas que la ressource va être épuisée en 2030. C’est plutôt que la rapidité à laquelle on peut mettre en opération de nouvelles mines de lithium risque de mettre le bâton dans les roues de la croissance fulgurante des VÉ, si rien de majeur n’est fait.

Présentement, la demande est tellement forte que le prix du lithium a monté d’un facteur 10 de juillet 2020 à octobre 2022. Dans un article du 6 décembre 2022, Bloomberg NEF révélait que pour la première fois depuis 2010 le prix des blocs batterie avait monté en 2022, passant de 141$/kWh en 2021 à 151$/kWh, en moyenne, une augmentation de 7%! Pour mettre cette situation en perspective, rappelons qu’en 2021 Tesla a vendu 936 000 VÉ et que selon Reuter leurs ventes atteindraient 1,4 millions de VÉ en 2022. Pour 2023, on devrait s’attendre à 2 000 000 VÉ. Les ventes s’alignent donc pour plus que doubler mondialement pour Tesla, de 2021 à 2023. Concernent la compagnie chinoise BYD, le plus gros fabricant mondial de VÉ, la compagnie a triplé ses ventes en une année, de 2021 à 2022 (voir la figure ci-dessous)! Cette croissance exponentielle est beaucoup trop rapide pour ne pas créer d’incertitude quant à la capacité de l’industrie minière de fournir suffisamment de lithium de 2025 à 2030, pour tous les fabricants de VÉ.

Ventes de véhicules électriques de BYD (véhicules 100% électrique et hybrides rechargeables) selon INSIDEEVs

Le lithium (Li) fait partie de ce qu’on appelle les métaux alcalins, qu’on retrouve dans la première colonne du tableau périodique. Il est le plus léger de ce groupe, suivi du sodium (Na). Compte tenu de leurs propriétés chimiques similaires, on peut utiliser également le sodium pour faire une batterie Na-ion. Toutefois, on doit adapter les matériaux des électrodes pour que leurs cristaux ou porosités puissent accueillir les atomes plus gros de sodium. Il y a plusieurs décennies qu’on travaille sur de telles batteries rechargeables, mais des problèmes de réactions chimiques indésirables et de structures d’électrodes ont, jusqu’à récemment, limité la durée de vie des batteries Na-ion à quelques centaines de cycles de recharge seulement.

Le sodium est un élément chimique très abondant. Selon le US Geological Survey, il y a 400 fois plus d’atomes de sodium que d’atomes de lithium dans la croute terrestre, soit 1200 fois plus en poids. Le sodium est l’un des deux constituants du sel de table (chlorure de sodium, NaCl), et il y a de gigantesques dépôts de de sel, donc de sodium, un peu partout sur la planète, constitués par d’anciennes mers asséchées. De plus, il y a 36 kg de sodium par mètre cube d’eau dans les océans! Du fait de son abondance et de la relative facilité à l’extraire et le raffiner, le sodium est très peu cher comparativement au lithium et il est uniformément réparti sur la planète, contrairement au lithium qui est concentré principalement dans quatre pays : le Chili, l’Argentine, l’Australie et la Chine.

On comprend dès lors tout l’intérêt du sodium pour l’industrie effervescente des batteries. Les équipes de chercheurs travaillent fort pour pallier les problèmes techniques et obtenir des batteries sodium-ion performantes qu’on peut commercialiser à grande échelle.

Le plus gros fabricant de batteries, CATL, va commercialiser une batterie au sodium à grande échelle en 2023

Le 29 juillet 2021, le plus gros fabricant mondial de batteries, CATL, annonçait sa première génération de batterie Na-ion. Le président, le Dr Robin Zeng, déclarait :

« Basée sur une série d’innovations dans le système chimique, la première génération de batteries sodium-ion de CATL présente les avantages d’une haute densité énergétique, d’une capacité de charge rapide, d’une excellente stabilité thermique, d’une grande performance à basse température et d’une grande efficacité d’intégration, entre autres. La densité énergétique des cellules de la batterie sodium-ion de CATL peut atteindre 160Wh/kg, et la batterie peut se charger en 15 minutes pour atteindre 80 % de sa capacité de stockage à température ambiante. De plus, dans un environnement à basse température de -20°C, la batterie sodium-ion a un taux de rétention de capacité de plus de 90%, et son efficacité d’intégration du système peut atteindre plus de 80%. La stabilité thermique des batteries sodium-ion dépasse les exigences de sécurité nationales pour les batteries de traction… L’objectif de développement de la densité énergétique de la prochaine génération de batteries sodium-ion est de dépasser 200Wh/kg.» Traduit avec www.DeepL.com/Translator

Le Dr Zeng ajoutait que leurs ingénieurs avaient également développé un système de batterie hybride, qu’ils ont dénommé AB, amalgamant dans un même bloc batterie des cellules Li-ion et des cellules Na-ion, pour augmenter la densité d’énergie grâce aux cellules Li-ion, et les performances au froid grâce aux cellules Na-ion, un heureux mariage. C’est une solution de transition en attendant la deuxième génération plus performante de batteries Na-ion.

Lors de l’évènement de présentation de ces nouvelles batteries, l’assistant directeur de la recherche chez CATL, le Dr Qisen Huang, a souligné un point important, à l’effet que la fabrication des batteries Na-ion est parfaitement compatible avec les équipements de production des batteries Li-ion, ce qui va accélérer leur mise en marché de masse, prévue pour 2023, en même temps que la consolidation d’une chaine d’approvisionnement industrielle.

À part la densité d’énergie, les valeurs pour les autres caractéristiques n’ont pas encore été précisées. Mais, le diagramme suivant, tiré de la présentation de CATL, fait la comparaison de leur première génération de batterie Na-ion avec leurs batteries Li-ion au phosphate de fer (LFP), ce qui nous laisse entrevoir un avenir prometteur.

Diagramme comparatif des performances des batteries Na-ion et Li-ion LFP de CATL (source CATL)

On constate sur ce diagramme que la sécurité et la longévité des deux batteries sont similaires et que la batterie Na-ion se recharge plus rapidement et offre des meilleures performances aux basses températures, alors que la densité d’énergie de leur première génération de batterie Na-ion est inférieure à celle de leurs batteries LFP.

On pourrait donc s’attendre à ce que ces batteries Na-ion durent facilement pour toute la vie d’une voiture électrique personnelle. Par ailleurs, Tesla utilise déjà les batteries LFP blade de BYD dans ses Model Y produits en Allemagne avec une densité d’énergie de 166 Wh/kg au niveau des cellules. Avec 160 Wh/kg pour la première génération (1G) des batteries Na-ion de CATL, on est donc en droit de s’attendre à des autonomies de 400 km environ. On pourra atteindre 500 km avec la deuxième génération (2G) dans quelques années ou leur batterie hybride AB.

Pour ce qui est des matériaux utilisés dans les batteries Na-ion 1G de CATL, la cathode est constituée d’un pigment appelé Blanc de Prusse (Prussian white) qui comporte du fer, du carbone, de l’azote et du sodium, donc, pas de nickel, ni cobalt. L’anode est fait de carbone dur (hard carbon), car le graphite n’accepte pas suffisamment d’ions sodium, donc pas de graphite. Ils ont réussi à rendre le carbone dur très poreux, avec un procédé spécial, pour pouvoir emmagasiner beaucoup d’ions sodium. Il n’y a, bien sûr, pas de lithium non plus. Par ailleurs, les bandes minces de cuivre qui agissent comme collecteur de courant à l’électrode négative (anode) sont remplacées par des bandes d’aluminium, car le sodium ne réagit pas avec ce métal. Donc, pas de cuivre non plus.

Par conséquent, plusieurs matériaux critiques et chers des batteries Li-ion sont remplacés par des matériaux beaucoup plus abondants et moins chers. Cela devrait se répercuter sur le prix des batteries Na-ion, qui vont nécessairement être significativement moins chères que les batteries Li-ion, lorsqu’elles seront produites en grande quantité.

Le plus gros fabricant de VÉ, BYD, commercialiserait quelques petites voitures électriques avec des batteries Na-ion en 2023

Le site généralement bien informé CNEVPOST (China New Energy Vehicle POST) a déclaré le 30 novembre 2022 que, selon ses sources, BYD commercialiserait trois petites voitures tout électrique équipées de batteries Na-ion en 2023, avec des autonomies de 300 km. Il s’agit de leurs modèles Seagull, Qin EV et Dolphin. La Seagull aurait deux options de batteries, Na-ion  à 300 km d’autonomie ou Li-ion à 400 km d’autonomie, se vendant respectivement 8 500$ et 11 300$, selon CNEVPOST.

Petite voiture électrique Dolphin de BYD (Source: BYD)

Si cette information est avérée, c’est toute une révolution qui s’annonce, surtout que BYD compte bien vendre ses véhicules dans plusieurs pays en dehors de la Chine, dont le Japon, l’Allemagne et la Suède, le Brésil et l’Australie.

Une chose est certaine, les batteries Na-ion laissent entrevoir des VÉ moins chers d’ici quelques années.

D’autres compagnies s’apprêtent à commercialiser des batteries Na-ion

Au moins deux autres compagnies développent des batteries Na-ion dont les performances s’approche des batteries Li-ion. Il s’agit de Faradion au Royaume Uni et Tiamat Energy en France. Bien sûr, plusieurs laboratoires universitaires travaillent à leur développement également.

Faradion, fondée en 2011,  offre une batterie Na-ion près des performances d’une batterie Li-ion. Sur leur site, on apprend qu’ils ont obtenu une densité d’énergie de 160 Wh/kg pour leur première génération de batterie et ils sont confiants d’atteindre 190 Wh/kg pour la deuxième génération, qu’ils ont testé en laboratoire. Leurs batteries peuvent être rechargées plus de 2 700 fois à 75 % de profondeur de décharge, avant de perdre 20 % de capacité. De plus, elles sont capables de recharges rapides inférieures à 20 minutes. Sans mentionner le pourcentage, le site mentionne que leurs batteries Na-ion ont démontré une excellente rétention de leur capacité sur une gamme de température de -20°C à +60°C. Pour ce qui est du coût, Faradion affirme, dans un communiqué de presse, que le coût total de propriété est comparable à celui des batteries plomb-acide. Finalement, leurs batteries Na-ion peuvent être déchargées complètement et donc transportées de façon sécuritaire. La compagnie a été achetée en décembre 2021 par le gros conglomérat indien Reliance, qui compte produire les batteries en Inde et vise des applications de stockage d’énergie renouvelable et de véhicules. À noter que Fully charged a fait un reportage sur YouTube en 2022  concernant Faradion, intitulé «Will this CHEAP New Technology Solve Battery Shortages?».

Tiamat Energy, fondée en 2017, est issue de la recherche sur les batteries Na-ion conduites par le CEA, le CNRS et le Collège de France, à partir de 2012, conduisant à un premier prototype fonctionnel en 2015 (photo ci-dessous).

Batterie Na-ion prototype du CNRS présenté en 2015 (source CNRS)

Sur le site de de la compagnie on découvre que les batteries Na-ion Tiamat ont une densité d’énergie de 120 Wh/kg, peuvent être rechargées en 5 minutes, endurent plus de 5 000 cycles de recharge, sont plus sécuritaires que les batteries Li-ion et ont une densité de puissance enviable allant jusqu’à 5 kW/kg.

Dans un article de L’usine nouvelle du 28 novembre 2018, on apprend que Tiamat s’intéresse à des applications dans les véhicules hybrides, mais que leurs batteries pourraient également équiper des automobiles 100% électrique urbaines avec des autonomies de l’ordre de 200 km et pouvant recharger en 5 minutes. Dans un autre article plus récent (9 décembre 2021), le président de la compagnie, Hervé Beuffe annonce la signature d’une entente avec le groupe français Startec pour la fabrication de blocs batterie dans des applications de puissance. Puisque leurs cellules Na-ion utilisent les mêmes équipements de fabrication que les cellules Li-ion, présentement Tiamat sous-traite la fabrication de leurs cellules. Mais, leur objectif est de démarrer une usine de production en France pour 2025 et avoir une capacité de production de 5 GWh par année en 2030, ce qui pourrait faire rouler 150 000 VÉ de 200 km d’autonomie (batteries de 33 kWh).

Conclusion

Depuis quelques années, il est devenu évident que l’approvisionnement en lithium pour les batteries des véhicules électriques (VÉ) serait problématique à moyen terme, compte tenu de la croissance fulgurante des VÉ. La demande en lithium est tellement forte que son prix a grimpé d’un facteur 10 en 15 mois, dans les deux dernières années!

Face à cette situation préoccupante, le plus gros fabricant mondial de batteries, CATL, a travaillé fort au développement d’une filière de batteries au sodium-ion (Na-ion). Cette compagnie chinoise a annoncé en juillet 2021 qu’ils avaient développé une première génération de batterie Na-ion avec une densité d’énergie de 160 Wh/kg au niveau des cellules de la batterie, similaire à celle des batteries Li-ion au phosphate de fer. Leur commercialisation est prévue pour 2023. Le fait que ces nouvelles batteries Na-ion n’utilisent pas de lithium ni cobalt ni nickel ni graphite ni cuivre, mais des matériaux beaucoup plus abondants et moins chers laisse entrevoir un prix 30% inférieur aux batteries Li-ion, lorsqu’elles seront fabriquées en grande quantité.

Par ailleurs, des rumeurs sérieuses pointent vers le fait que BYD, le  3e plus gros fabricant mondial de batteries sortirait également des batteries Na-ion en 2023 et des petits VÉ 100% électrique qui en sont équipés, avec une autonomie de 300 km pour un prix inférieur à 9 000 $! BYD entreprend d’exporter leurs VÉ à l’extérieur de la Chine, dans de nombreux pays.

D’autres compagnies plus petites développent également des batteries Na-ion (Faradion au Royaume Uni et Tiamat Energy en France) mais n’ont pas les ressources financières et les 5 000 chercheurs de CATL.

Il est important de souligner que les batteries Na-ion sont plus sécuritaires que les batteries Li-ion par rapport aux incendies potentiels, qu’elles se rechargent en 15 minutes à 80%, qu’elles durent deux fois plus longtemps que les batteries Li-ion et qu’elles ont de très bonnes performances aux basses températures. Ajoutons à cela, comme nous venons de le dire, qu’elles vont être 30% moins chères que les batteries Li-ion. Sans compter que leur impact écologique dû à leur fabrication est moindre que celui des batteries Li-ion car les matériaux qui les constituent sont plus abondants et plus facile à extraire.

Bref, l’avenir des batteries Na-ion semble très prometteur et elles arrivent à temps pour désengorger les chaînes d’approvisionnement des batteries Li-ion d’ici 2030, pour les VÉ avec une autonomie de 300 km à 400 km (possiblement 500 km avec la deuxième génération de ces batteries), ou pour le stockage d’énergie dans les réseaux électriques.

Un dossier particulièrement important à suivre pour la mobilité électrique!

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