Alors que le moteur-roue a refait parler de lui ces derniers temps, au Québec, avec la diffusion récente d’un reportage de l’émission Découverte traitant du projet de monorail Trens Québec, imaginé par Pierre Couture, le développement de cette technologie se poursuit toujours, ailleurs, dans le domaine automobile.
Pour ceux qui pourrait l’ignorer, mentionnons qu’une équipe d’Hydro-Québec, dirigée par monsieur Couture, a travaillé sur la mise au point d’un groupe de traction à moteurs-roues et prolongateur d’autonomie pour voitures électriques dans les années 1990 mais que le projet a finalement été abandonné. Voici un reportage que Découverte avait consacré au sujet, à l’époque:
L’idée continue toutefois de faire son chemin sur un autre continent…
Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre Langlois , Éco-Énergie à Montréal et Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Un gros merci à lui.
Aujourd’hui Pierre Langlois nous parle donc de la SIM-CEL, une voiture électrique japonaise à moteurs-roues :
La SIM-CEL, une voiture japonaise à 4 moteurs-roues
Bonjour à tous
en 2010, je vous avais parlé de la formation d’un consortium de recherche et développement, SIM-Drive , pour développer des voitures commerciales à moteurs-roues, au Japon. Voici une diapositive de ma conférence sur les moteurs-roues qui en témoigne
Et bien, cette semaine on apprenait que ce consortium vient de dévoiler son troisième prototype, une voiture sport équipée de 4 moteurs-roues encore plus performants, il s’agit de la SIM-CEL.
Voir:
Sim-CEL has Tesla-quick performance, lasers for high beams
SIM-Drive SIM-CEL to offer comparable acceleration to the 8-wheeled ELiica
Et comme je le dis toujours dans mes conférences, les voitures à moteurs-roues ont la particularité d’offrir une accélération très sportive tout en minimisant la consommation d’énergie (jusqu’à 35 % moins de consommation d’électricité en ville qu’une voiture électrique avec un moteur central). C’est donc la voiture idéale pour que James Bond et David Suzuki puisse faire du covoiturage, et être tous les deux très satisfaits!
Bien sûr, pour cela, il faut des moteurs-roues dignes de ce nom. Et SIM-Drive s’en approche de plus en plus. L’instigateur du consortium, Hiroshi Shimizu, un chercheur qui a rapidement compris les avantages des moteurs électriques dans les roues, a commencé par développer la Eliica, en 2005, avec 8 roues et 8 moteurs dans les roues (voir ma diapo ci-dessous). Mais les moteurs de la Eliica avaient un rotor central (comme le moteur d’une perceuse électrique), et la force de rotation (couple) était beaucoup plus faible, d’où la nécessité de faire tourner les moteurs à bien plus grande vitesse et adjoindre des engrenages pour la réduire au niveau des roues.
Bien que donnant des résultats déjà intéressants, cette approche n’est pas optimale. M. Shimizu a compris qu’il fallait passer à des moteurs à rotor extérieur et à entrainement direct (comme le moteur d’un ventilateur, sans engrenages). De tels moteurs sont plus puissants et ont plus de couple, pour accélérer rapidement et récupérer plus d’énergie en freinant, même lors d’un freinage brusque. Avec de tels moteurs bien conçus, 4 roues suffisent, pas besoin de 8 comme la Eliica.
Comme on le sait, les moteurs-électriques peuvent agir comme frein électromagnétiques pour générer du courant et recharger la batterie. Un moteur électrique central connecté sur deux roues via un différentiel ne pourra récupérer que 25% à 30 % de l’énergie cinétique du véhicule, alors qu’une voiture munie de 4 moteurs-roues pourra en récupérer de 80 % à 90 % si les moteurs-roues sont suffisamment puissants. C’est le secret de l’économie d’énergie des voitures à moteurs-roues. Sans compter qu’avec de telles voitures, il n’y a plus de transmission, ni de différentiel, ni de cardans, ni de joints universels, éliminant par le fait même les pertes d’énergie générées par une chaîne de traction conventionnelle.
Ceci étant dit, revenons à la SIM-CEL et ses performances.
Les nouveaux moteurs-roues sur ce prototype ont une force de rotation (couple) de 850 N-m par rapport au 700 N-m du prototype précédent, avec une puissance de 65 kW chacun (ceux que Pierre Couture avait développés à Hydro-Québec en 1995 avaient un couple de 1200 N-m et une puissance de 100 kW, à 100 km/h).
Avec de tels moteurs, la voiture sport SIM-CEL, avec ses 1580 kg, accélère de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes. Pour fins de comparaison, la Nissan Leaf électrique, qui est pourtant plus légère (1521 kg), prends 11,7 secondes pour atteindre 100 km/h.
Question d’autonomie, la SIM-CEL affiche 324 km, selon le cycle d’essai japonais JC08, alors qu’elle dispose d’une batterie de 29,6 kWh de capacité. La consommation d’énergie est donc approximativement 29,6 kWh/324 km = 91 Wh/km ou 9,1 kWh/100 km, ce qui est très sobre pour une voiture de 1580 kg! À titre de comparaison, La Nissan Leaf avec sa batterie de 24 kWh peut parcourir 200 km selon le cycle d’essai JC08, soit une consommation avoisinant 12 kWh/100 km. C’est donc dire que la Nissan Leaf consomme 33% plus d’énergie électrique par 100 km que la SIM-CEL!
Certains pourraient penser que le profil plus aérodynamique de la SIM-CEL est en bonne partie responsable de cette faible consommation. Mais le test japonais JC08 quantifie la consommation d’énergie dans un environnement urbain congestionné ( http://www.unep.org/transport/gfei/autotool/approaches/information/test_cycles.asp#Japanese ). Dans cet environnement, où les vitesses sont réduites (30 km/h en moyenne), le principal facteur affectant la consommation est le poids du véhicule et non son aérodynamique, qui devient plus importante sur les autoroutes, à grande vitesse. Par conséquent, ce sont principalement les moteurs-roues qui font la différence, et donnent à la SIM-CEL sa sobriété énergétique.
En plus des performances sportives et de la grande sobriété énergétique conférées par les moteurs-roues, le consortium SIM-DRIVE fait valoir sur son site que les moteurs-roues permettent d’avoir plus d’espace pour l’habitacle et offrent plus de flexibilité dans l’aménagement du véhicule.
Pour ce qui est des craintes exprimées par certains concernant la suspension du véhicule, avec plus de poids dans les roues, voici ce que nous dit SIM-DRIVE,
«While there have been concerns that this design, with the large weight under the suspension springs, would result in poorer riding comfort, demonstration tests have shown this not to be the case.»
«Alors qu’on a exprimé des craintes que notre design, avec une grande masse non suspendue, résulterait en un confort moindre sur la route, les essais de démonstration nous ont montré que ce n’était pas le cas.»
C’est de ce genre de voiture, à quatre moteurs-roues, dont rêvait Pierre Couture à Hydro-Québec au début des années 1990. Sauf qu’elle était encore mieux adaptée à la réalité en ayant un petit moteur-générateur à carburant (un prolongateur d’autonomie), de manière à pouvoir utiliser les infrastructures existantes de stations service pour aller aussi loin qu’on veut, tout en faisant plus de 80 % des kilomètres à l’électricité. On était 20 ans en avance!
Bien cordialement
Pierre Langlois, Ph.D., physicien
Consultant en mobilité durable,
Auteur et conférencier
Téléphone : 418-875-0380
Courriel: pierrel@coopcscf.com
Site Internet: www.planglois.com