Suite à mon dernier article, certains ont émis des commentaires comme quoi l’hiver, au Québec, les véhicules autonomes risquent d’être dysfonctionnels, surtout dans les tempêtes de neige. Je réalise bien que ça va être plus difficile, et qu’on pourrait avoir un retard de 5 ou 6 ans, pour solutionner les problèmes de visibilité. Par ailleurs, il y a des conditions extrêmes où les hommes ne peuvent conduire à plus de 20 km/h, ou même ne peuvent pas conduire du tout. Il va en être de même pour les véhicules autonomes, mais c’est rare. Ceci étant dit, regardons quelles astuces sont étudiées présentement pour affronter l’hiver en véhicule autonome.
La jeune compagnie WaveSense veut commercialiser un système de radar à pénétration de sol (RPS) qui cartographie les structures géologiques sous les routes, afin de se guider, même quand on ne voit pas les lignes blanches sur la route. Cette technologie de guidage a été développée au Lincoln Laboratory du MIT. Les radars à pénétration de sol (ground penetration radar), quant à eux, sont utilisés depuis longtemps par les géologues et les archéologues, qui veulent savoir ce qu’il y a sous leurs pieds.
Dans une première phase, un véhicule muni d’un système RPS cartographie le dessous des routes, par beau temps, et la carte géologique souterraine peut être stockée sur le disque dur des véhicules autonomes (VA) qui vont l’utiliser par la suite (image au-dessus du texte). Un de ces VA, qui circule, va comparer la carte qu’il produit en permanence à celles qui sont stockées, pour savoir où il est à 4 cm près, à 100 km/h!
Des véhicules prototypes de WaveSense arpentent présentement (hiver 2018-2019) les rues de Boston. En production de masse, la compagnie estime qu’il pourrait en coûter seulement 100 $ pour le capteur RPS. Et, pour ce qui est de la radiation, WaveSense répond qu’elle est environ 10 fois plus faible que celle d’un téléphone portable.
Question de mieux voir dans la neige, la pluie ou le brouillard, l’imagerie active par crénelage temporel améliore de beaucoup la visibilité. L’INO (Institut National d’Optique), à Québec, travaille depuis longtemps sur le sujet et a développé une expertise mondiale reconnue. Leur système VISI+ peut être adapté à tous véhicules et offre des performances impressionnantes (voir la vidéo YouTube dont le titre commence par VISI+).
Le principe de fonctionnement est simple. Un laser invisible émet un faisceau lumineux par impulsions et la caméra qui enregistre les images n’ouvre son obturateur que pendant quelques dizaines de milliardièmes de secondes, à intervalles réguliers. La lumière parcourant environ 30 cm par milliardième de seconde, seuls les photons (particules de lumière) en provenance d’un créneau de distance de quelques mètres pourront former une image. Les autres photons, qui proviennent de la réflexion sur la neige entre l’objet et la caméra vont être bloqués et ne contribueront pas à brouiller l’image, ni ceux qui sont réfléchis par des objets ou de la neige plus loin que les objets dans le créneau examiné. Bien sûr, le système effectue un balayage temporel du créneau d’ouverture, pour former l’image des objets à toutes les distances, une tranche à la fois.
Je m’arrête là pour aujourd’hui, mais je suis persuadé qu’il y a encore d’autres approches pour relever le défi des hivers québécois. La nécessité est la mère des inventions!
Pierre Langlois
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Le physicien Pierre Langlois, Ph.D., est consultant, auteur, chroniqueur et conférencier en mobilité électrique. Travailleur autonome, il est complètement indépendant vis-à-vis des groupes de pression. Reconnu comme vulgarisateur scientifique hors pair, Pierre Langlois est un intervenant majeur en mobilité durable, décoré de la médaille de l’Assemblée nationale en 2014 pour sa contribution importante à l’électrification des transports du Québec. Il est notamment l'auteur du livre « Rouler sans pétrole » (2008) et co-auteur de « L'Auto électrique... et plus! » (2018) ainsi que du livre « Le guide pratique de la voiture électrique… et plus » (2021), avec Daniel Breton. Pierre Langlois a obtenu la mention spéciale du jury au Concours Roberval à Paris qui couronne les meilleurs ouvrages de la Francophonie en communication scientifique et technique, en 2008, pour ses deux premiers livres « Sur la route de l’électricité », vol. 1 et 2. À titre de consultant, il a été mandaté par le Réseau des ingénieurs du Québec pour effectuer l’étude « Propositions pour engager le Québec sur la voie de la mobilité durable » en 2010, et a été le principal conseiller scientifique pour l’élaboration de la Stratégie d’électrification des transports du gouvernement Marois en 2013. Il a également été expert conseil pour le gouvernement du Canada, des compagnies, des instituts de recherche et de Mobilité électrique Canada. Pour plus de détails, voir son site à www.planglois.com .