Le 2 mai 2024, j’ai donné un court webinaire sur le recyclage des batteries, qui incluait également deux autres volets de réduction de leur empreinte écologique. Malgré la courte durée (15 minutes d’exposé et 15 minutes de réponses aux questions), j’ai présenté très simplement les éléments essentiels qui nous donnent toutes les raisons de se réjouir de l’avenir de la mobilité électrique. Ce webinaire CLÉ faisait partie des Rendez-vous Roulons électrique, géré par Équiterre et financé par le gouvernement du Québec. Vous pouvez visionner l’enregistrement du webinaire ici.
Dans cet article, je vais en tracer les grandes lignes et ajouter quelques informations plus techniques. Je vais également parler d’annonces récentes, faites après le webinaire.
Plusieurs façons de réduire l’empreinte écologique des batteries
Le recyclage est la solution de fin de vie pour diminuer l’empreinte écologique des batteries de véhicules électriques (VÉ).
De meilleures batteries au départ. La première façon de le faire concerne la naissance de la batteries. L’idée est de créer de nouvelles batteries avec une meilleure «génétique», pour poursuivre dans l’analogie de la vie et la naissance. Ces nouvelles batteries ont une meilleure empreinte écologique dès le départ. Dans le webinaire j’explique deux façons d’y arriver : premièrement, en ayant moins de matière dans les batteries (plus légères) et deuxièmement en augmentant leur espérance de vie (durée plus longue).
Par exemple, une anode en silicium peut stocker bien plus d’ions lithium que le graphite, et les batterie lithium-air stockent l’énergie dans des réactions chimiques plus énergiques, ce qui permet d’augmenter beaucoup la densité d’énergie. Dans les deux cas, il y aura une diminution substantielle du poids des batteries et donc moins de matière à aller chercher par extraction minière suivi d’un raffinage.
Question de durée de vie, il est évident que si on double le nombre de cycles de recharge d’une batterie, on diminue de moitié son empreinte écologique. Une seule batterie peut faire le travail de deux.
Dans le webinaire, je présente deux tableaux illustrant les nouvelles batteries qui s’en viennent dans les dix prochaines années. Un tableau donne la diminution de poids des divers types de batteries présentées, et l’autre tableau donne le nombre de cycles de recharge des différentes technologies attendues, ainsi que leur kilométrage correspondant au nombre de cycles, en supposant une recharge moyenne de 400 kilomètres. Voici le tableau sur la durée de vie des futures batteries.
Une diapo de mon webinaire pour Roulons électrique, montrant l’augmentation de la durée de vie des futures technologies de batteries qui devraient être commercialisées d’ici 2034.
Une deuxième vie pour les batteries. Puisque les batteries vont durer très longtemps, typiquement plus de 1 million de kilomètres, il est tout à fait pensable de réutiliser la même batterie après une quinzaine d’année dans un VÉ. Cette deuxième vie est le deuxième volet qui assure une diminution de l’empreinte écologique des batteries, avant de les recycler. Par ailleurs, cette deuxième utilisation des batteries va faire diminuer leur prix, bien sûr.
Plusieurs options sont possibles pour une deuxième vie. On peut prendre la batterie usagée et la mettre dans un autre véhicule, comme le fait la compagnie Ingenext de Trois-Rivières. On peut également utiliser la batterie usagée au sol pour stocker l’énergie des réseaux électriques (Megapack de Tesla) ou de nos propres panneaux solaires (Powerwall de Tesla). Le Powerwall ou un autre produit similaire sert également de génératrice en cas de panne électrique. Pour les réseaux électriques, on peut stocker l’énergie d’une ferme solaire pour l’utiliser la nuit, ou stocker l’énergie éolienne la nuit (pas chère) pour la réutiliser aux heures de pointes de la demande dans le jour, où l’électricité est beaucoup plus chère dans bien des endroits.
Une diapo de mon webinaire pour Roulons électrique, montrant l’utilisation d’une batterie usagée pour une deuxième vie à stocker de l’énergie électrique au sol, après sa première vie dans un VÉ.
Le recyclage proprement dit. Ce n’est qu’après la deuxième vie qu’interviendra la majorité des recyclages. La diapo suivante du webinaire montre les résultats de trois études qui ont évalué les gains environnementaux du recyclage au lieu d’aller chercher les minéraux par extraction minière.
Une diapo de mon webinaire pour Roulons électrique, montrant les gains environnementaux du recyclage par rapport à l’extraction minière.
Les trois études, dont les références sont données dans la diapo, s’entendent pour dire qu’en utilisant des procédés d’hydrométallurgie ont peut récupérer 95% des minéraux critiques des batteries (20 fois moins de minéraux à miner). Pour l’énergie, l’étude des chercheurs de Stanford sur les procédés de Redwood Materials évalue la réduction de consommation à 77% (4 fois moins). La réduction des gaz à effet de serre (GES) est autour de 66% en moyenne (3 fois moins). La réduction de la consommation d’eau peut atteindre plus de 95% (> 10 fois moins) et celle des oxydes d’azote près de 90% (10 fois moins). Ces gains pour l’environnement sont énormes!
Autres façons de diminuer les GES liés aux batteries. La courte durée du webinaire ne m’a pas permis de présenter d’autres façons de réduire l’empreinte écologique des batteries. J’avais préparé deux diapos pour en parler si des questions avaient été posées, mais il n’y en a pas eu. Voici ces diapos.
Une diapo de mon webinaire pour Roulons électrique, que je n’ai pas utilisée (faute de temps) montrant les minéraux plus respectueux de l’environnement qui vont être utilisés dans les futures batteries.
Une diapo de mon webinaire pour Roulons électrique, que je n’ai pas utilisée (faute de temps) montrant une nouvelle technologie d’extraction du lithium plus propre (L’extraction directe des saumures) et la nouvelle technologie de fabrication à sec des électrodes de batteries de Tesla qui éliminent les énormes fours de 50 m de longueur et le système de récupération des solvants. Le rectangle jaune souligne également qu’en utilisant de l’énergie renouvelable on diminue de façon importante l’empreinte écologique due à l’étape de fabrication des batteries.
Les légendes sous les figures (incluant des hyperliens à mes articles antérieurs) et le texte sur les diapos sont suffisamment explicites pour ne pas élaborer davantage.
Dans mon dernier article concernant les diminutions de GES anticipées pour la fabrication des batteries Li-ion LFP et NMC actuelles d’ici 2050, un graphique tiré d’une publication récente des chercheurs de l’Université Concordia de Montréal montre bien la diminution rapide anticipée des GES liés à l’évolution de la fabrication des batteries d’aujourd’hui. Ces diminutions sont dues aux améliorations des procédés de fabrication et à l’utilisation de plus d’énergie renouvelable, essentiellement, soit les points mentionnés dans la dernière diapo de mon webinaire, deux paragraphes plus haut. Voici ce graphique.
Comparaison des GES émis pour la production des cellules LFP et NMC, dans différentes régions du monde, de 2020 à 2050. Source : Université de Concordia.
Cette dernière figure montre que les émissions anticipées de GES liées à la fabrication des batteries LFP et NMC devraient diminuer de moitié de 2020 à 2030 en raison des technologies améliorées de fabrication et à l’utilisation de plus d’énergie renouvelable.
Donc, l’amélioration des technologies de fabrication des batteries et l’utilisation de plus d’énergie renouvelable constituent un autre facteur important dans la diminution des émissions de GES, qui s’ajoute aux autres points discutés dans le présent article.
Beaucoup d’usines de recyclage en construction
En supposant une durée de vie moyenne des batteries de VÉ de 12 ans, en 2025 on va recycler les batteries des VÉ de 2013, et en 2030 ce sont les batteries des VÉ de 2018 qui seront recyclés. C’est un estimé en première approximation, bien sûr.
En se référant aux statistiques de ventes de VÉ pour ces années-là, on en conclut que pour les États-Unis et le Canada il faudra recycler les batteries d’environ 100 000 VÉ en 2025. En 2030, ce seront les batteries de 400 000 VÉ.
Or, les usines de recyclage de batteries en construction présentement en Amérique du Nord vont pouvoir recycler les batteries de près de 3 millions de VÉ annuellement. Il n’y a donc aucun problème à fournir la demande en recyclage. Voir mon webinaire à ce sujet.
Le recyclage des batteries des VÉ Tesla. Tesla annonçait récemment, dans son Impact report 2023 (pages 110 à 112), sorti en mai 2024, qu’ils ont recyclé eux-mêmes pour 650 MWh de batteries, suffisamment pour équiper 9 000 Model Y RWD (Rear-Wheel Drive, 420 km d’autonomie), et qu’ils ont envoyé à leurs partenaires en recyclage pour 3 GWh de batteries, correspondant à 43 000 Model Y RWD, pour un total de 52 000 Model Y RWD en 2023.
Nous avons vu qu’on aura besoin de recycler les batteries d’environ 100 000 VÉ en 2025 en Amérique du Nord, qui auront été produit vers 2013, 12 ans auparavant. Mais, en 2013 les autonomies des VÉ étaient de l’ordre de 160 km pour les VÉ 100 % électriques et de 60 km pour la Chevrolet Volt hybride rechargeable. La moyenne de l’autonomie se situait aux alentours de 120 km, comparativement aux 420 km de la Model Y RWD. On voit donc que les batteries suffisantes pour 52 000 Model Y RWD, dont Tesla s’est assuré du recyclage en 2023, correspondent déjà à 180 000 VÉ de 2013.
Ce nombre vaut pour l’ensemble des usines Tesla et il est difficile de connaître la part pour l’Amérique du Nord. Elle devait être d’au moins la moitié, car, en 2013 il n’y avait pas d’usine en Chine ni en Europe. Bref, Tesla, le Leader des ventes de VÉ en Amérique du Nord montre sans équivoque qu’ils tiennent le recyclage très au sérieux.
CONCLUSION
Le recyclage des batteries fait diminuer de beaucoup leur empreinte écologique, puisque, comme nous l’avons vu, on récupère 95% des minéraux actifs, on consomme 4 fois moins d’énergie que d’aller les chercher dans la terre, on émet 3 fois moins de GES et on consomme 10 à 20 fois moins d’eau! Toutefois, comme la mobilité électrique n’en est qu’au début, on ne peut pas espérer voir beaucoup de matériaux recyclés dans les nouvelles batteries des VÉ à court terme, puisqu’il n’y a présentement que 3% environ du parc mondial de véhicules sur les routes qui sont électriques.
Mais, il y a également d’autres façon de réduire l’empreinte écologique des batteries, à part le recyclage. Les nouvelles batteries qui s’en viennent dans les dix prochaines années vont avoir bien moins d’impact sur l’environnement dès le départ. Les nouvelles batteries LMFP arrivent sur le marché en 2025 avec des performances rivalisant les batteries actuelles (NMC) et une durée de vie 2 fois supérieure. Et des batteries solides avec une anode en silicium et lithium qui devraient être commercialisées d’ici 2030 vont durer 4 fois plus longtemps. Leur empreinte écologique va donc diminuer d’un facteur 2 et 4, puisqu’une seule batterie va pouvoir faire le travail de 2 ou 4 batteries. Après une quinzaine d’année dans un VÉ, on va pouvoir leur donner une deuxième vie au sol pour stocker l’énergie des réseaux électriques, ce qui va permettre d’intégrer plus d’énergie solaire et éolienne, entre autres.
Il n’y a pas que la plus grande durée de vie des batteries qui peut réduire leur empreinte écologique. Une autre façon consiste à réduire la quantité de matière qu’elles contiennent, donc réduire leur poids, afin d’avoir moins recours à l’extraction minière et au raffinage subséquent. Par exemple, des anodes en silicium peuvent stocker beaucoup plus d’ions lithium que le graphite usuel, ce qui peut réduire le poids des batteries du tiers. Les batteries lithium-air ont recours à des réactions chimiques plus énergiques pour stocker l’énergie, ce qui peut potentiellement réduire d’un facteur 4 le poids des batteries. Il en est de même pour les batteries lithium-soufre dont les prototypes sont 2 à 3 fois plus légers.
Enfin, nous avons vu que l’amélioration des procédés de fabrication des batteries et l’utilisation de plus d’énergie renouvelable dans les usines, de même que de nouveaux procédés d’extraction du lithium, qui devraient débuter en 2026, vont également réduire l’empreinte écologique des batteries, dès le départ. Ces trois volets, meilleurs procédés de fabrication, meilleurs procédés d’extraction et utilisation de plus d’énergie renouvelable, devraient diminuer les émissions de GES de moitié d’ici 2030.
Bref, en tenant compte de l’ensemble des avenues de diminution de l’empreinte écologique des batteries, dont je viens de faire une synthèse, incluant le recyclage, on est en droit de s’attendre à une diminution d’un facteur 5 de l’empreinte carbone des nouvelles batteries qui seront fabriquées en 2030, d’un facteur 10 en 2035 et possiblement d’un facteur 15 en 2040, sur leur cycle de vie, par rapport aux batteries fabriquées aujourd’hui!
Par conséquent, même si aujourd’hui plusieurs études de cycle de vie démontrent que déjà les VÉ ont des émissions de GES 3 fois plus faibles que les véhicules au pétrole en Europe et en Amérique du Nord, la fabrication des batteries va avoir une empreinte écologique négligeable d’ici dix ans et l’énergie électrique pour recharger les VÉ va être alors bien plus propre qu’aujourd’hui, en moyenne. L’écart entre les deux technologies (électrique et thermique) va donc s’agrandir de façon importante, toujours en faveur des VÉ.
En terminant, mentionnons qu’il y a beaucoup de nouvelles usines de recyclage en construction pour les batteries, et qu’en 2030 on devrait pouvoir recycler les batteries d’environ 3 millions de VÉ en Amérique du Nord (avec une batterie de 450 km d’autonomie), alors qu’on aura besoin d’en recycler que 400 000 à 500 000, . Donc, pas d’inquiétude de ce côté.