Le bagage de connaissances de Daniel sur l’électrification des transports est tel qu’il est incommensurable! Daniel se consacre désormais aux «3E» : Énergie, Environnement et Électrification des transports! Bienvenue dans la communauté de Roulez Électrique, Daniel!
Voici une analyse de départ très intéressante au sujet de l’évolution du prix du pétrole et les conséquences sur l’électrification des transports.
Sylvain Juteau
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Depuis quelques mois, nous assistons à une baisse marquée du prix du baril de pétrole au niveau international. Est-ce une bonne nouvelle?
Non.
Si certains se réjouissent à l’idée que cela puisse stopper la concrétisation des projets de pipeline au Canada vu une rentabilité et des profits à la baisse comme ce fut le cas avec le prix du gaz naturel et les projets de ports méthaniers Gros-Cacouna et Rabaska, je suis d’avis que les pétrolières vont tout de même vouloir aller de l’avant considérant qu’elles ont un appui sans précédent de la part du gouvernement du Canada et que ces infrastructures seraient en place pour plusieurs décennies.
Qui plus est, la baisse du prix du pétrole va mener à peu près certainement à une hausse de son utilisation. Ainsi, le prix à la pompe baissant, les consommateurs vont se diriger de plus en plus vers des véhicules énergivores plutôt que des véhicules écoénergétiques à essence, diesel, hybrides ou électriques.
Au fil du temps, à chaque fois que le prix à la pompe a baissé, ce phénomène s’est reproduit.
Des consommateurs aussi volatiles que le pétrole.
Je suis toujours aussi estomaqué lorsque je vois tant de consommateurs qui s’achètent des véhicules en fonction du prix que se vend l’essence au moment précis où ils magasinent pour un véhicule. Lors d’une discussion que j’ai eu il y a quelques temps avec un concessionnaire automobile, il m’a appris qu’ils avaient découvert qu’une hausse brusque du prix du pétrole poussait les gens vers les véhicules plus écoénergétiques, mais que si la semaine suivante le prix baissait de nouveau, c’était le retour aux véhicules plus gros.
Donc, il semble que beaucoup de gens ne réalisent pas qu’ils garderont ce véhicule au moins 3 ans et que le prix du carburant VA changer et ce, très souvent à la hausse depuis quelques années.
Même si le prix baissait momentanément jusqu’à 1 $ le litre, il est plus que probable qu’il remontera dans les semaines ou les mois qui suivront.
La dernière fois a été lors de la crise de 2008. En quelques mois, son prix est passé de 140 à 40 $ le baril et le prix à la pompe est passé de 1,40 à 0,75 $ le litre, ce qui a fait exploser les ventes de gros véhicules. Mais on a aussi vu ce phénomène au début des années 2000, à la fin des années 80 et à la mi-70. Bref, après chaque hausse brusque du prix du pétrole, on a vu des consommateurs se tourner vers des véhicules moins énergivores et le transport collectif. Une fois cette hausse absorbée dans la psyché collective et sans même que le prix ne baisse de beaucoup, les gens recommençaient à se diriger vers des véhicules énergivores tels que des VUS et des pick-ups…
Ce faisant, les constructeurs se retrouvaient alors pris avec de larges inventaires de petits véhicules écoénergétiques, hybrides et autres qui ne se vendaient presque plus. Exit la protection de l’environnement et l’économie d’essence. En 2010, quelques mois à peine après avoir ragé sur les lignes ouvertes contre les pétrolières au moment où le prix de l’essence était à 1,40 $, on se lançait à nouveau à fond vers les VUS et pick-ups!
Cette année-là, en pleine catastrophe écologique de la plate-forme pétrolière « Deepwater Horizon » dans le Golfe du Mexique, au moment où les gens trouvaient tellement épouvantable de voir du pétrole fuir en direct de ce trou dans le fond de l’océan, on assistait pour la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale à des ventes de camions légers supérieures à celles des voitures partout en Amérique du Nord, dont au Québec!
Quelques mois plus tard, lorsque le prix est remonté à 1,40 $ le litre, des consommateurs se sont retrouvés pris à la gorge par les coûts en essence de leurs gros VUS. J’ai vu un type entrer presque en larme chez un concessionnaire car il voulait rapporter son Dodge Durango qui en était rendu à lui coûter plus de 800 $ d’essence par mois! Essayez donc de rapporter un tel véhicule après un an ou deux et vous constaterez combien un concessionnaire va vous offrir. Imaginez lorsque le prix du carburant est élevé…
Baisse des investissements
Une baisse du prix du pétrole équivaut aussi à une baisse des investissements dans les énergies vertes. Qu’il s’agisse de gaz naturel ou de pétrole, plus leurs prix baissent, moins il est payant d’investir dans les énergies et les transports verts. L’exemple de l’impact qu’a eu la baisse du prix du gaz naturel sur le marché du nord-est des États-Unis sur la baisse des profits à l’exportation d’électricité d’Hydro-Québec est éloquent.
C’est aussi simple et mal fait que ça.
Que faire?
Pour les gouvernements.
Des mesures qui peuvent être mises en place pour pallier aux aléas du prix du pétrole et son impact :
-sur le réchauffement climatique;
-sur les choix en matière de transport collectif et individuel;
-les investissements ou désinvestissements d’entreprises et de gouvernement vers les sources d’énergies et transport plus verts;
-sur la géopolitique québécoise;
-sur l’économie du Québec.
Ces mesures sont :
–une taxe carbone progressivement de plus en plus élevée :
Alors que les pétrolières prétendent que la nouvelle taxe carbone qui sera appliquée aux raffineries d’ici dès janvier 2015 risque d’augmenter le prix de l’essence jusqu’à 10 cents le litre, la baisse du prix du baril de pétrole et donc du prix à la pompe rendra cette hausse presque imperceptible et amènera des revenus importants au gouvernement qui seront réinvestis dans le transport collectif (électrifié ou non), le transport électrifié individuel et diverses autres mesures afin que nous diminuions notre dépendance au pétrole.
-un bonus-malus :
Cette mesure est simple. Il s’agit de taxer de plus en plus les véhicules énergivores en fonction de leur consommation et de créditer les véhicules écoénergétiques.
Par exemple, pour un véhicule dont la consommation combinée est de :
– entre 6 et 7 litres/100 km le prix à payer pour le véhicule ne changerait pas;
-8 litres/100 km, le prix à payer pour le véhicule augmenterait de 5 %;
-9 litres/100 km, le prix à payer augmenterait de 10 %;
-10 litres/100 km, le prix à payer augmenterait de 15 %.
Et ainsi de suite. C’est ce qu’on appelle le malus.
Ce malus aiderait à financer le bonus qui serait appliqué ainsi :
-Baisse de 5 % du prix d’un véhicule dont la consommation est de 5 à 5,99 l/100 km.
-Baisse de 10 % du prix d’un véhicule dont la consommation est de 4 à 4,99 l/100 km.
-Baisse de 15 % du prix d’un véhicule dont la consommation est de 3 à 3,99 l/100 km.
Et ainsi de suite…
(N.B. : Ces paramètres sont écrits à titre d’exemple. Le gouvernement français a graduellement renforcé les malus et il semble qu’il éliminera sous peu tout bonus pour un véhicule qui n’est pas hybride ou électrique. Par ailleurs, des exemptions ont été mises en place pour les grandes familles et les gens qui ont absolument besoin de tels véhicules pour leur travail.)
Il va sans dire que si les pétrolières s’opposent à la taxe carbone, il est fort possible que les constructeurs s’opposeraient à un bonus-malus. Cette mesure est importante car beaucoup de gens ne changeront pas leur choix de véhicule simplement à cause d’une taxe carbone qui fait augmenter le prix du litre de quelques sous. Seul un bonus-malus digne de ce nom amènera les récalcitrants à reconsidérer leur choix de véhicule en fonction de sa consommation… et des pénalités qui y seront rattachées. On en a eu un exemple en France et ça a fait une réelle différence.
-une loi Zéro Émission (ZEV)
Cette loi ou ce règlement aurait pour but de forcer les constructeurs automobiles à vendre un certain nombre de véhicules rechargeables et donc de les offrir à prix raisonnable.
La bataille est loin d’être gagnée
Entre le transport par pétrole et le transport électrique, la bataille dure depuis un siècle et elle a été gagnée haut la main par le pétrole jusqu’à date. Si on annonçait récemment la revanche de la voiture électrique (comme l’indiquait le film…), je suis persuadé que des mesures gouvernementales concrètes et de l’information populaire restent absolument incontournables sinon on risque de reculer de nouveau.
Et ce serait inexcusable.