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Extraction du lithium : un volcan éteint au Nevada et des ficelles ingénieuses à Princeton!!

Il est étonnant de voir comment de nouveaux dépôts de lithium et de nouvelles technologies d’extraction et raffinage ont «fleuri» depuis quelques années, alors que la demande est en croissance exponentielle. Rappelez-vous  mon article Impacts de l’extraction et du raffinage du lithium sur l’environnement : 3 – Nouvelle technologie d’extraction de Tesla pour les argiles. Lors de la présentation de ce sujet au Battery Day de Tesla en 2020, Elon Musk affirmait qu’il y avait suffisamment de lithium dans les argiles du Nevada pour électrifier toute la flotte étatsunienne de véhicules!

Or, des géologues viennent d’annoncer la découverte d’un gigantesque dépôt calcaire (argiles durcies) très riche en lithium, dans le cratère d’un volcan éteint depuis longtemps, au Nevada également. Ce sera le premier sujet du présent article.

Je vous ai également parlé de nouvelles technologies plus durables et rapides d’extraction du lithium à partir des saumures, l’extraction dite directe, dans un autre article, qui sont à l’essai dans des projets pilotes.

Et bien, voilà que des chercheurs viennent de dévoiler une nouvelle technologie d’extraction du lithium à partir des saumures qu’ils ont développée à l’aide de «ficelles» spécialement conçues qui accélèrent considérablement le temps d’extraction avec plusieurs autres avantages. C’est le deuxième sujet pour aujourd’hui.

Comme on dit, la nécessité est la mère des inventions.

Le plus gros dépôt de lithium au monde dans le cratère d’un volcan?

Le 30 août 2023, trois chercheurs – Thomas Benson, Matthew Coble et John Dilles – ont publié un article dans le journal scientifique Science Advances dans lequel ils ont rapporté la découverte de ce qui pourrait bien être le plus gros dépôt de lithium connu sur la planète, aux États-Unis, si leur évaluation est exacte.

Ce dépôt est situé à l’intérieur de la caldera (cuvette, cratère) résultant de l’effondrement de l’ancien supervolcan McDermitt au Nevada, lors de sa gigantesque explosion il y a 16 millions d’années (1000 km3 de magma éjecté). Le magma resté dans la caldera était riche en sodium, potassium et lithium et a formé de la roche volcanique en refroidissant, au fond de la caldera. Si j’ai parlé de dépôts dans des roches calcaires plus haut c’est que l’immense cuvette de la caldera s’est remplie d’eau pour former un grand lac et ce sont les sédiments de ce dernier qui se sont accumulés sur des millions d’années au fond du lac, formant le calcaire, alors que le lac s’est asséché par la suite.

Mais, ce qui est particulièrement intéressant c’est que les roches volcaniques riches en lithium, sous les sédiments calcaires, se sont fissurées par l’activité volcanique et ont enrichi en minéraux les eaux très chaudes y circulant. Cette saumure chaude, riche en lithium, a été poussée dans les sédiments calcaires (argiles) sous l’effet de la chaleur et la pression souterraines. C’est ainsi qu’une partie des roches calcaires formées dans la caldera, à Thacker Pass, se sont retrouvées fortement enrichies en lithium, à une concentration de 1,3% à 2,4% du poids en lithium, soit 3 à 5 fois ce qu’on retrouve ailleurs dans les formations argileuses typiques (environ 0,4% du poids). Les estimés préliminaires des dépôts dans toute la caldera sont évalués à 20 à 40 millions de tonnes de lithium! N’oublions pas qu’en 2022 les réserves mondiales de lithium étaient estimées à 22 millions de tonnes, selon le U.S. Geological Survey! La compagnie Lithium Americas, qui a participé activement à cette recherche, compte commencer des opérations minières en 2026 dans la caldera McDermitt, à Thacker Pass où la concentration en lithium est plus élevée qu’ailleurs. Voir la vidéo YouTube «Thacker Pass Project Overview».

Thacker Pass dans la caldera McDermitt au Nevada, près de la frontière avec l’Oregon. Source : Lithium Americas.

Si tout va bien et que les permis sont accordés, cette future mine à ciel ouvert et potentiellement d’autres dans la caldera pourraient combler les besoins en lithium de l’Amérique du Nord et plus. Souhaitons que la nouvelle méthode d’extraction du lithium pour les argiles développée par Tesla, sans acides, puisse être utilisée.

Des ficelles ingénieuses pour extraire et séparer le lithium des saumures

Comme nous l’avons vu dans mon premier article sur les impacts de l’extraction et du raffinage du lithium, qui traite des méthodes traditionnelles, extraire le lithium des saumures implique de grands bassins d’évaporation qui couvrent typiquement des dizaines de km2, et cela peut prendre plus d’une année avant la récolte. Par ailleurs, pour que cette façon de faire soit efficace on a besoin d’un climat aride afin de favoriser l’évaporation et éviter que la pluie remplisse les bassins d’eau. Le procédé est donc limité à des endroits peu nombreux dont les hauts plateaux andins en Amérique du Sud (Chili, Argentine et Bolivie).

Mais voilà qu’une équipe d’une dizaine de chercheurs, travaillant principalement au «Andlinger center for energy and the environment» de l’Université de Princeton, sont en train de révolutionner la technologie d’extraction du lithium des saumures par évaporation. Au lieu de se limiter à la surface d’un bassin de saumure, ils font de l’évaporation en trois dimensions, grâce à des ficelles spéciales suspendues verticalement et dont les bouts inférieurs trempent dans le réservoir de saumure!

Une des principaux chercheurs du projet d’évaporation par ficelles, Meiqi Yang, étudiante graduée à l’Université Princeton, effectue des expériences dans le laboratoire. Source : Université Princeton.

Bien sûr, les ficelles sont constituées de fibres spécialement conçues pour optimiser le procédé. C’est la force de capillarité qui fait monter la saumure dans les ficelles, comme c’est le cas pour la sève dans les arbres, en vainquant la force de gravité.

Les chercheurs de Princeton estiment qu’on pourrait réduire le temps d’évaporation d’un facteur 20 et la surface des bassins d’un facteur 10, à terme, par rapport aux bassins traditionnels d’évaporation! C’est énorme comme potentiel, mais ce n’est pas fini! La cerise sur le gâteau c’est que le sodium se cristallise au bas des ficelles et le lithium dans le haut. Le procédé sépare les différents sels sans recours à des produits chimiques, comme on le fait avec les technologies traditionnelles d’extraction du lithium des saumures!

Ces gains fantastiques signifient que la technologie des ficelles pourrait permettre d’extraire le lithium dans bien plus d’endroits, pas nécessairement arides, et d’exploiter des saumures moins concentrées en lithium, qu’on écarte avec les technologies traditionnelles parce que non rentables.

Les ficelles sont constituées de matériaux peu dispendieux et les chercheurs ne voient pas d’obstacle majeur pour passer du labo à un projet industriel en extérieur. D’ailleurs, un des chercheurs, Sunxiang Zeng dirige une entreprise essaimée (startup) PureLi Inc., pour perfectionner le procédé et le rendre à l’échelle commerciale.

Conclusion

Comme on dit, quitte à me répéter, la nécessité est la mère des inventions. Souvent, une situation problématique qui semble critique ou difficile sous certains aspects peut se résoudre assez rapidement grâce à la recherche! Nous en avons vu des exemples dans les deux dernières années avec les nouvelles batteries Li-ion sans nickel ni cobalt, et aussi avec les batteries sodium-ion sans lithium, qui viennent soulager l’inquiétude que nous avions concernant les chaines d’approvisionnement de minéraux critiques dans un contexte de croissance exponentielle de la demande pour les batteries Li-ion.

Maintenant, dans cet article, c’est tout d’abord la découverte d’un immense dépôt argileux (calcaire) de lithium aux États-Unis, qui contiendrait, à lui seul, autant sinon plus de lithium que les réserves mondiales estimées en 2022!

Et comme souvent les bonnes nouvelles ne viennent pas seules, nous avons vu ensuite la découverte d’une nouvelle technologie d’extraction  du lithium des saumures, utilisant un nouveau procédé de super-évaporation, qui a le potentiel d’être 20 fois plus rapide et prendre 10 fois moins de superficie de terrain, tout en séparant physiquement les différents sels, permettant de récupérer le lithium sans produits chimiques, ou du moins beaucoup moins! Cette prouesse qui sort des labos de l’Université Princeton est rendue possible grâce à des «ficelles ingénieuses» constituées de fibres spécialement conçues pour optimiser leur capillarité et leur porosité en regard des différents sels dissouts et leur solubilité.

C’est la magie de la science!

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