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Évolution des émissions de GES sur le cycle de vie des véhicules électriques à batterie

À en juger par les nombreux commentaires à la suite de mon dernier article, je constate que les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le cycle de vie des différents véhicules suscite beaucoup d’intérêt, de même que les autres paramètres environnementaux qui constituent l’empreinte écologique des véhicules.

J’ai donc décidé de consacrer l’article d’aujourd’hui à ce sujet. D’entrée de jeu, je voudrais souligner que l’empreinte écologique des véhicules électriques à batterie (VÉB), 100% électriques, est déjà moindre d’un bon facteur et va diminuer rapidement dans les dix prochaines années, ce qui n’est pas le cas pour les véhicules à combustion interne (VCI).

En Europe en 2022

L’organisation non gouvernementale Transport & Environment a publié une mise à jour de son étude d’émissions de GES sur le cycle de vie des VÉBs pour l’Europe, en 2022. Le titre de cette mise à jour est « UPDATE – T&E’s analysis of electric car lyfecycle CO2 emissions ».

En ce qui concerne les paramètres des VÉBs, T&E a considéré les consommations d’énergie (électrique ou pétrole) des véhicules dans la vraie vie et un kilométrage total des véhicules de 225 000 km. L’intensité carbone moyenne du réseau électrique européen (EU27), en 2022, est estimée à 261 g CO2 é/kWh. Celle projetée en 2030 est de 171 g CO2é/kWh. Les capacités des batteries varient selon la grosseur du VÉB : petit=45 kWh, moyen=60 kWh, gros=75 kWh, exécutif= 90 kWh. Les consommations électriques retenues sont : petit=16 kWh/100 km, moyen=17,5 kWh/100 km, gros=19 kWh/100 km, exécutif=20,5 kWh/100 km. Pour comparaison, les consommations des véhicules à essence varient de 6,5 L/100 km à 8,5 L/100km, et celles des véhicules diesel de 5,4 L/100km à 6,9 L/100 km.

Les émissions dues à la production des batteries ont été évaluées pour différents pays (Suède, Allemagne et Chine). En Europe, elles sont en moyenne de 79 g CO2é/kWh. Un crédit carbone de 19% des émissions dues à la fabrication d’un véhicule est appliqué pour le recyclage. Voici les résultats de l’étude de T&E pour les émissions totales sur le cycle de vie d’un véhicule européen (EU27) moyen acheté en 2022, rechargé sur les réseaux électriques moyens de différents pays et pour le réseau moyen européen (Europe 27). Les intensités d’émission sont représentées en unités relatives, afin de faciliter les comparaisons en pourcentage. La valeur arbitraire de 100 est attribuée à la plus forte intensité, celle du véhicule moyen au pétrole, qui vaut 241 g CO2é/km. J’ai refait et francisé le graphique.

La valeur de 100 sur ce graphique correspond à des émissions de 241 g CO2é/km, pour 2022. Le VÉ rechargé sur le réseau électrique européen moyen (Europe 27) a donc des émissions de 0,31 x 241 g CO2é/km = 74,7 g CO2é/km.

En regardant ce graphique, on constate qu’un VÉB rechargé en Suède émet 5 fois moins de GES sur son cycle de vie qu’un véhicule au pétrole. Il faut dire que le réseau électrique y est constitué à 61% d’énergies renouvelables et à 29% d’énergie nucléaire. Il n’y a que 10% des centrales qui utilisent des carburants fossiles en Suède. Les émissions en Pologne sont élevées en raison des nombreuses centrales au charbon. Finalement, si on évalue les émissions pour le réseau électrique moyen de l’Europe, on obtient 3 fois moins d’émissions de GES par km sur le cycle de vie que le véhicule moyen au pétrole. L’étude précise que dans le meilleur cas (100% d’énergie renouvelable) le VÉB moyen a une intensité d’émission 6 fois plus faible!

Aux États-Unis en 2021

Une étude similaire à celle de Transport & Environment a été conduite aux États-Unis et publiée en 2022 par des chercheurs de l’Université du Michigan et de Ford. Ils ont considéré trois catégories de véhicules (berline, VUS et camionnette) avec chacune trois motorisations différentes [combustion interne pure (VCI), hybride (VH) et électrique à batterie(VÉB)].

Les auteurs ont utilisés pour les paramètres des véhicules des valeurs données par les statistiques des véhicules neufs. Les kilométrages totaux des trois types de motorisations sont : berline = 294 000 km (17 ans), VUS = 328 000 km (17,8 ans), camionnette = 330 000 km (18,6 ans). Pour les capacités des batteries des VÉBs, elles sont : berline = 74,3 à 78,3 kWh, VUS = 98,9 à 102 kWh, camionnette = 119,7 à 123,9 kWh. Ces batteries donnent aux véhicules une autonomie de 480 km (300 miles). Les consommations électriques des VÉBs ont une valeur de : berline = 14,8 kWh/100 km à 15,5 kWh/100 km, VUS = 19,9 kWh/100 km à 20,8 kWh/100 km, camionnette = 24,3 kWh/100 km à 25,3 kWh/100 km. Les consommations de carburant pour les VHs sont : berline = 5 L/100 km à 5,6 L/100 km, VUS = 6,2 L/100 km à 6,7 L/100 km, camionnette = 7,6 L/100 km à 8 L/100 km. Enfin, les consommations considérées pour les VCIs ordinaires sont : berline = 7,5 L/100 km à 8,5 L/100 km, VUS = 8,8 L/100 km à 9,8 L/100 km, camionnette = 11 L/100 km à 11,6 L/100 km. Les valeurs inférieures caractérisent les modèles de base et les valeurs supérieures correspondent aux modèles de luxe (premium).

En ce qui concerne les intensités d’émission moyennes du réseau électriques étatsunien, les chercheurs ont utilisé celles données par le programme Cambium du National Renewable Energy Laboratory (NREL) qui les évalue sur une base semestrielle de 2020 à 2050. Selon l’Energy Information Administration (EIA), l’intensité d’émission de GES du réseau électrique moyen des États-Unis, en 2022, était de 390 g CO2é/kWh (0,86 lb CO2é/kWh).

Par ailleurs, en ce qui a trait à la fabrication et à la mise au rancard des véhicules dans cette étude, le modèle GREET 2021 du NREL a été utilisé pour évaluer les émissions de GES.

J’ai fait le graphique ci-dessous pour les résultats de l’étude étatsunienne sur les cycles de vie, en prenant la valeur moyenne des intensités d’émission du tableau de la Figure 3 de leur article, et en convertissant les valeurs de g CO2e/mile en g CO2é/km. J’ai exprimé les valeurs en unités relatives en attribuant une valeur de 100 à la valeur la plus élevée, de manière à comparer plus facilement, en pourcentage, les différentes valeurs, sachant que la valeur 100 correspond à 348 g CO2é/km.

La valeur de 100 sur ce graphique correspond à des émissions de 348 g CO2é/km, pour 2021. La berline  électrique moyenne rechargé sur le réseau électrique étatsunien moyen  a donc des émissions de 0,24 x 348 g CO2é/km = 83,5 g CO2é/km.

Les émissions des berlines nous montrent qu’il y a également une diminution d’un facteur 3 pour la berline électrique comparativement à celle à combustion interne lorsqu’on considère une recharge sur le réseau électrique moyen des États-Unis. À noter qu’on retrouve ce facteur 3 en Europe également, pour une recharge sur le réseau électrique moyen européen.

Par ailleurs, à la page 32 du Rapport d’impact 2022 de Tesla, on apprend que les émissions de GES sur le cycle de vie de leur Model 3 sont coupées de moitié si l’on recharge la berline avec des panneaux solaires au lieu de la recharger sur le réseau électrique moyen des États-Unis. C’est donc dire que notre facteur 3 du paragraphe précédent devient un facteur 6 fois moins d’émissions qu’une berline à essence, comme en Europe. Ce facteur 6 de diminution des GES sur le cycle de vie correspond au cas d’un réseau électrique à 100 % renouvelable, comme au Québec et en Norvège.

Voici un autre graphique que j’ai réalisé, à partir de la figure 1 de l’article des chercheurs de l’Université du Michigan et de Ford, sur les émissions de GES liées à la fabrication et la mise au rancard (disposal) d’une berline thermique (VCI) et d’une berline électrique (VÉB) sur leur cycle de vie.

Les fluides correspondent aux huiles, liquides de refroidissement et lave-glace sur la vie des véhicules. La mise au rancard donne de faibles émissions, ce qui implique que les auteurs n’ont pas tenu compte du recyclage.

Les émissions pour la fabrication et la mise au rancard sont 66% plus élevées pour la berline électrique. Dans le cas où l’on recharge la berline électrique avec de l’énergie renouvelable, ses émissions vont demeurées presque constantes même si on double son kilométrage, ce qui est un bon moyen de réduire les émissions par kilomètre d’un facteur 2. Ce n’est pas le cas d’une berline à essence, car si on double le kilométrage on va doubler sa consommation de carburant et les émissions de GES, sensiblement.

Un dernier graphique tiré de l’étude étatsunienne nous informe sur le nombre de kilomètres que l’on doit parcourir avec les divers véhicules électriques avant d’avoir des émissions de GES cumulées inférieures à celles des véhicules à combustion interne correspondants. C’est le graphique de la Figure 2a que nous reproduisons tel quel ci-dessous. Les courbes vertes représentent les émissions cumulées de la berline électrique (vert plus foncé, plus basse) et de la berline à combustion interne (vert plus pâle, plus haute). Rappelons que la durée de vie des berlines dans la simulation est de 294 000 km (184 000 miles).

On constate que les deux courbes se croisent autour de 18 000 miles, soit environ 29 000 km. À 20 000 km/année, on parle donc d’environ 18 mois pour que la berline électrique paye sa dette de GES, essentiellement due à la fabrication de sa batterie. Après cela, l’écart grandit toujours en faveur du VÉ, pour arriver à 3 fois moins de GES cumulés en fin de vie pour le VÉB (BEV sur le graphique) versus le VCI (ICEV sur le graphique). Une autre constatation qu’on peut faire à partir de ce graphique c’est que le surplus de GES dû à la fabrication des berlines électriques est annulé après environ 10% de l’utilisation du véhicule (29 000 km sur 294 000 km).

Plusieurs façons de réduire les GES et l’empreinte écologique

Recharger à l’énergie renouvelable. Nous venons de voir qu’on peut réduire les GES sur le cycle de vie d’un facteur 2 en rechargeant les VÉB avec de l’énergie renouvelable, comparativement aux réseaux électriques moyens des États-Unis et de l’Europe. Et, on sait qu’on devrait y arriver pour 2050 environ, et à beaucoup d’endroits en 2040. D’ici 2030, il y a toujours la possibilité d’installer des panneaux solaires sur sa maison, pour les propriétaires, alors que leur prix ne cesse de chuter.

Le recyclage des batteries. Des chercheurs de l’Université Stanford en Californie ont évalué la diminution de GES provenant de batteries recyclées par rapport aux émissions de la filière minière traditionnelle. Leur article «Life cycle comparison of industrial-scale lithium-ion battery recycling and mining supply chains» présente leurs résultats dans la Figure 3b, en fonction de la provenance de l’électricité utilisée. La réduction est échelonnée de 38% à 87%. La plus grande réduction étant, bien sûr, reliée à l’utilisation d’énergie renouvelable, comme au Québec. D’ailleurs, l’entreprise québécoise de recyclage de batteries Lithion Technologies mentionne qu’ils vont réduire de 80% les GES. Certains diront que ces réductions s’appliquent à de futurs VÉs et non à ceux déjà sur les routes. Je ne suis pas d’accord avec cette façon de voir, car si les mêmes matériaux se retrouvent dans 5 ou 10 VÉs, il faut diviser les GES totaux par le nombre de VÉs qui les utilisent, dont ceux sur nos routes, car ils vont être recyclés.

Des batteries qui durent plus longtemps. Nous avons vu dans mon article de synthèse sur les nouvelles batteries, du 31 janvier 2024, que le nombre de cycles de recharge des futures batteries va augmenter considérablement. Déjà, Gotion High Tech va commercialiser en 2024 une batterie LMFP avec 4 000 cycles de recharge, au lieu du 1 500 cycles des batteries NMC considérées dans les deux études que nous avons passé en revue plus haut. 4 000 cycles, c’est également le nombre de recharges qu’a obtenu les chercheurs de l’Université de Drexel à Philadelphie avec leur batterie lithium-soufre. Par ailleurs, dans mon dernier article sur une nouvelle batterie solide à longue durée, publié le 22 février 2024, je vous ai fait part que des chercheurs de Harvard ont développé une nouvelle batterie à état solide, utilisant du silicium et du lithium métallique à l’anode, quipeut être rechargée 6 000 fois! C’est 4 fois plus que les batteries NMC actuelles! C’est la jeune compagnie Adden Energy qui a entrepris de la commercialiser.

Bien sûr, un individu ne va pas utiliser ces nouvelles batteries qui vont pouvoir durer des millions de kilomètres. Mais, on peut leur donner une deuxième vie au sol. Il faudra alors diviser les GES émis par leur fabrication par 2, 3, 4 ou plus,pour leur première vie de la batterie dans un VÉB.

Des batteries qui utilisent moins de matières premières. Dans mon article de synthèse sur les futures batteries, j’ai montré également que les batteries à état solide vont être 2 fois plus légères, celles au soufre 3 fois plus légères et les batteries Li-air 4 fois plus légères que les batteries NMC actuelles. Elles peuvent stocker plus d’énergie par atome de matière active et sont de ce fait plus efficaces. Or, si on extrait moins de matières premières des mines, on diminue d’autant l’empreinte écologique de ces batteries. Un autre chemin pour diminuer les GES dus à la fabrication des batteries.

Des procédés d’extraction plus durables. Dans mon avant dernier article sur la production de lithium à partir des saumures géothermiques en Californie, j’ai décrit le nouveau procédé d’extraction directe que la compagnie Controlled Thermal Resources (CTR) va utiliser pour produire du lithium dès 2025. L’empreinte écologique du lithium produit va être beaucoup plus faible. Il en est de même du soufre dans les batteries Li-S qu’on développe présentement. Le soufre est un résidu des raffineries de pétrole qui a été utilisé tel que vendu par ces raffineries pour produire des batteries prototypes qui fonctionnent très bien.

Des méthodes plus efficace pour fabriquer les VÉBs. Enfin, il n’y a pas que pour les batteries qu’on peut réduire les GES, la fabrication des véhicules eux-mêmes va devenir plus efficace en raison de nouvelles approches de fabrication. Cette fois, je vous réfère à mon article du 10 septembre 2023 intitulé «Diminuer le coût et l’empreinte écologique des VÉ avec des technologies de fabrication innovantes». J’y parle de trois nouvelles façons de faire, toutes initiées par Tesla : le giga-moulage, les blocs batterie structurels et l’assemblage en parallèle des parties d’un VÉ : devant, derrière, dessous, dessus et côtés. Tesla a présenté l’assemblage en parallèle qu’ils appellent «Unboxed Process» à leur  évènement Investor Day du 1er mars 2023 (voir la vidéo YouTube «2023 Investor Day» à partir de 47 minutes depuis le début). Ces trois innovations permettent d’éliminer des centaines de robots et diminuer la superficie de l’usine pratiquement de moitié, tout en augmentant la cadence! Ajoutons à cela l’utilisation d’énergie renouvelable, comme le fait Tesla avec ses panneaux solaires sur le toit de leurs giga-usines, et on diminue de beaucoup l’empreinte écologique pour la fabrication des véhicules eux-mêmes.

Combien de réductions de GES au total? Si on prend en compte tous les chemins de réduction de GES que nous venons d’expliciter, ce n’est pas un facteur 3 de moins de GES qu’un véhicule à essence qu’on aura, mais un facteur 10 vers 2035 et 15 ou plus vers 2045.

CONCLUSION

Lorsqu’on parle d’émissions de GES sur le cycle de vie d’un véhicule, il y a essentiellement trois catégories de contributions : la construction du véhicule, son utilisation et son recyclage en fin de vie (contribution négative).

Éventuellement, lorsque la quasi-totalité des véhicules sur nos routes seront des VÉBs, il y aura très peu de ponctions de ressources naturelles pour les batteries puisqu’elles seront recyclées à 95%. Et le recyclage va diminuer les GES de 80% par rapport à la filière traditionnelle (extraction minière). L’utilisation de l’eau et de l’énergie vont également être réduites d’environ 80%.

Concernant l’utilisation des VÉBs, très peu de GES vont être produits puisque les VÉBs seront rechargés avec de plus en plus d’énergie renouvelable.

Il reste la fabrication des VÉBs. Nous avons vu que plusieurs chemins vont nous  conduire à une réduction des GES: de nouvelles batteries qui durent plus longtemps, qui utilisent moins de matières premières, lesquelles seront produites avec des procédés d’extraction et de raffinage plus durables.

Ces nouvelles batteries vont être commercialisées dans les 10 prochaines années. Le recyclage se fait déjà, et les nouveaux projets d’usine de recyclage vont suffire amplement. Pour ce qui est de la décarbonation des réseaux électriques cela prendre vraisemblable ment 30 ans avant qu’elle soit complétée au niveau mondial.

Toutefois, nous avons vu que les VÉBs émettent déjà 3 fois moins de GES sur leur cycle de vie que les véhicules à combustion interne (VCIs) en Europe et aux États-Unis, en comptant des recharges sur leurs réseaux électriques moyens. Ce facteur est plus grand que 5 déjà pour certains pays, États ou Provinces, comme la Norvège, la Suède, le Vermont, l’État de Washington, ou le Québec.

Avec les nouvelles batteries, le recyclage et plus d’énergie renouvelable, vers 2035 on devrait avoir un gain de 10 pour les VÉBs neufs moyens de l’Europe et des États-Unis, par rapport aux VCIs, au lieu de 3 présentement. Et, en 2045 ce sera fort probablement un facteur 15, avec l’implantation de plus d’énergie renouvelable.

Soyons fiers de rouler électrique!

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