Depuis ses débuts, la Nissan Leaf a représenté une icône pour plusieurs « électromobilistes » précurseurs qui étaient prêts à faire des sacrifices pour rouler 100% électrique. Je tiens d’ailleurs à saluer l’engagement de ces pionniers de la Leaf qui ont plongé tête baissée dans l’électrification des transports il y a déjà plus de 5 ans. Cette voiture avait alors une autonomie passablement limitée, spécialement en hiver, et le réseau de bornes de recharge rapide en était à ses premiers balbutiements.
D’ailleurs, lorsque j’ai acheté ma Chevrolet Volt en 2012, je ne pouvais tout simplement pas envisager l’achat d’une Leaf, faute de bornes rapides entre Montréal et Québec. Les choses ont énormément évolué depuis même s’il reste encore place à l’amélioration.
8 années-modèle plus tard, de la révolution à l’évolution
Lors du dévoilement du premier i-Phone il y a 10 ans, les gens ne se doutaient pas à quel point cette invention dévoilée par Steve Jobs révolutionnerait la téléphonie cellulaire… au point de mettre BlackBerry, le plus gros joueur de l’époque, à genoux.
Si ce fut alors un véritable choc, la sortie d’une version améliorée du i-Phone en 2017 ne suscite plus l’enthousiasme des débuts, le i-Phone 8 à venir en étant un parfait exemple.
C’est la même chose pour la Nissan Leaf.
Si cette deuxième génération s’est beaucoup fait attendre et représente une réelle amélioration à tous points de vue, elle ne constitue pas une révolution dans le monde des véhicules électriques.
Cela étant, jetons un coup d’oeil sur ces améliorations.
Autonomie améliorée
La batterie passant de 30 kWh à 40 kWh, l’autonomie moyenne officielle est passée (selon l’EPA)* de 179 km à 241 km, ce qui représente une amélioration de 35%. Certains diront que ce n’est pas assez. En fait, ça dépend des besoins de chacun. Une chose est sûre cependant : la Nissan Leaf passe maintenant devant les Hyundai Ioniq (208 km), Volkswagen e-Golf (204 km), Ford Focus EV (193 km) et Kia Soul EV (158 km) en terme d’autonomie.
Elle ne va donc pas encore jouer dans la ligue des Chevrolet Bolt EV (396 km) et Tesla Model 3 (355 km et plus), mais Nissan sortira une version à plus grande autonomie pour l’année-modèle 2019 qui devrait alors rivaliser avec eux… ainsi que les Ioniq et e-Golf à plus grande autonomie qui seront elles aussi dévoilées sous peu. Selon les rumeurs, la Leaf 2019 offrira alors une version à batterie de 60 kWh.
Bref, les 12 à 18 prochains mois seront passionnants.
Un prix pour faire face à la concurrence
Offerte à partir de $35,998, la Nissan Leaf S se compare à la Hyundai Ioniq EV ($35,649), la Volkswagen e-Golf ($35,995), la Kia Soul EV ($37,250) et la Ford Focus EV ($30,353). Ainsi, pour un prix de départ à peu près équivalent aux trois premières, elle offre plus d’autonomie que ses concurrents directs. Seule la Focus EV est réellement moins chère.
La Leaf SV sera disponible à compter de $39,598 et la version SL le sera à compter de $41,998.
Pour ceux et celles qui sont déçus du fait que le prix de la Nissan Leaf S 2018 a baissé aux USA alors qu’il a augmenté au Canada, sachez que la version américaine de la Nissan Leaf offerte à moins de $30,000 US n’offre pas le port de recharge rapide de série, ce qui est assez étonnant.
Au Canada, la Leaf S est non seulement offerte avec le port de recharge rapide de série, mais aussi avec l’ensemble hivernal qui comprend le chauffe-batterie, les sièges chauffants avant et arrière ainsi que le volant chauffant. Pour avoir droit à la thermopompe, il faut passer aux version SL ou SV. Étonnant, considérant que la thermopompe devrait logiquement faire partie de l’ensemble hivernal puisque c’est le système qui aide à rendre le système de chauffage de la Leaf plus efficace en hiver.
« Pro-pilot assist » : pas de révolution, mais une évolution
Ce système mis au point par Nissan est, selon les propres termes de Nissan, une aide à la conduite, mais d’aucune façon un pilote automatique, contrairement à ce que certains auraient pu espérer. Ainsi, dès qu’on lâche le volant pendant plus de quelques secondes, un avertisseur nous ramène à l’ordre afin que nous reprenions le volant en main faute de quoi la voiture s’arrête progressivement.
Tenue de route améliorée
La nouvelle Leaf est plus solide sur la route que sa devancière. Sa conduite est plus précise et elle prend les courbes avec un peu plus d’aplomb que la Leaf 1.0. Cela dit, la différence n’est pas énorme, vu qu’il s’agit de la même plateforme.
La puissance étant passée de 107 chevaux à 147 chevaux et le couple étant passé de 187 lb-pi à 236 lb-pi, la voiture est évidemment plus vive. Le fameux 0-100km/h a été abaissé de 2 secondes, passant d’environ 10,5 sec à 8,5 sec. On est loin d’une Tesla, mais la différence est bien réelle.
CELA DIT, lors de notre essai routier, Simon-Pierre Rioux et moi avons constaté un manque de traction étonnant à l’accélération, ce qui faisait glisser et crisser les pneus avants. Était-ce dû aux pneus, au fait que nous étions 4 hommes adultes à bord, à la suspension ou à peu de tout cela? Difficile à dire, mais on va devoir jeter un coup d’œil là-dessus lors de notre essai prolongé. Les pneus qui seront offerts au Canada seront des Bridgestone plutôt des Michelin. Nous verrons donc ce qu’il en est lors d’un essai à plus long terme chez nous.
Grâce à une meilleure isolation, la nouvelle Leaf est plus silencieuse que sa devancière, ce qui fait qu’on entend moins les bruits de pneus. Quant aux nids de poule, je ne pourrai malheureusement pas vous dire comment elle se débrouille puisque je n’en ai vu aucun au Nevada! Il me faudra pour cela la tester au Québec…
Consommation d’énergie un peu élevée.
Avec une consommation officielle d’électricité de 18,7 kWh / 100 km (selon l’EPA), sa consommation d’énergie est un peu plus élevée que la concurrence. Elle est clairement plus élevée que celle de la Ioniq (la championne de l’efficacité) dont la consommation officielle selon l’EPA est de 15 kWh /100 km, de celle de la Bolt EV à 16,9 kWh / 100 km ou de la e-Golf à 17,5 kWh / 100 km. Seules les Ford Focus EV et Kia Soul EV ont une consommation d’énergie plus élevée dans la catégorie avec une consommation affichée de 18,75 kWh / 100 km.
e-Pedal dans la bonne moyenne
Les représentants de Nissan ont fait beaucoup de cas de leur e-Pedal, un modèle de freinage régénératif plus élaboré et efficace que le simple mode B. Si en actionnant ce bouton, on peut effectivement constater un freinage régénératif passablement plus efficace que le mode B de la Leaf de précédente génération, ce système n’est pas au niveau des Bolt EV ou Tesla. Cela dit, le mode B existe toujours.
Quoiqu’il en soit, c’est une autre amélioration appréciée car une fois qu’on goûte à la conduite à une pédale, on devient vite un habitué.
Poids en hausse
Des 1518 kilos à 1555 kilos de la version précédente, la Leaf 2018 pèse maintenant entre 1560 et 1592 kilos. Au moment où les constructeurs tentent tous de diminuer le poids de toutes les voitures, l’augmentation de grosseur de la batterie et les nouveaux gadgets semblent avoir fait en sorte que Nissan n’a pu y arriver. Dommage.
Coefficient de trainée… très légèrement amélioré
D’un coefficient de trainée de 0,29 pour la Leaf 2017, celui de la Leaf 2018 est maintenant de 0,28. Aussi bien dire que c’est imperceptible. Cela dit, plus une voiture se veut pratique (et c’est le cas de la Leaf), plus il est difficile d’offrir un coefficient de trainée moindre que celui-ci.
Un look plus conventionnel… et apprécié
Pour ceux et celles qui aiment se démarquer, la nouvelle Leaf décevra peut-être car elle est clairement rentrée dans le rang. Cela dit, être moins conventionnel ne veut pas nécessairement dire être plus beau. (J’ai des souvenirs d’amis punks en tête). La nouvelle Leaf sera fort probablement mieux acceptée du grand public par sa silhouette moins « spéciale », mais certes plus élégante.
Et si tout comme moi vous souhaitez que le plus grand nombre passe à l’électrique, mieux vaut une silhouette qui ne les rebutera pas, ce qui était le cas pour bien des gens avec la première génération.
Intérieur amélioré
L’intérieur de la nouvelle Leaf est de meilleure facture que la génération précédente. Les sièges sont mieux finis avec une surpiqure élégante et des rayures évoquant les années 60. Le volant se prend mieux en main et l’ergonomie a été améliorée.
On peut accéder à Apple Car Play et Android Auto, ce qui est maintenant la norme. Cela dit, en tant que propriétaire d’une leaf, Simon-Pierre a été quelque peu interloqué au début par les nouvelles fonctions, mais il s’est rapidement habitué, ce qui démontre le côté intuitif des options, fonctions et applications de la voiture.
L’espace cargo derrière la banquette arrière est demeuré exactement le même : 668 litres.
« GOM » plus précis
Une des premières questions que Simon-Pierre et moi avons posé aux gens de Nissan a été si le fameux “Guess O’Meter” ou “indicateur d’autonomie” de la Leaf a été amélioré. Ils ont dit avoir amélioré l’algorithme afin que celui-ci ne soit plus un modèle d’imprécision comme avant, l’exemple à suivre étant celui de Hyundai Ioniq. Nous n’avons pas pu parcourir assez de kilomètres pour savoir à quel point l’indicateur d’autonomie a été amélioré, mais dès que nous en aurons la chance, nous ne manquerons pas de le vérifier.
Câble de recharge de niveau 2 de série
Nissan offre maintenant un câble de recharge de 240 Volts de série, ce qui fait que vous pouvez charger cette voiture en 8 heures sans acheter une borne de recharge si vous installez une sortie de 240 Volts. C’est évidemment moins performant que si avez une borne de recharge, mais ça suffira sans doute à bien des propriétaires qui rechargent leur voiture la nuit à la maison… et vous permet de sauver au moins $500 pour l’achat d’une borne.
Bien que la nouvelle batterie soit 33% plus grosse que l’ancienne, Nissan a augmenté sa densité énergétique, ce qui fait qu’elle ne requiert pas plus d’espace que l’ancienne. La vitesse de recharge a aussi été améliorée, mais il faut aussi considérer que le fait que celle-ci soit plus grosse veut dire une recharge à 80% en à peu près 40 minutes.
Thermorégulation de la batterie : pas d’amélioration
C’est à n’y rien comprendre. Même les plus ardents fans de la Leaf reconnaissent que sa grande faiblesse est le système de thermorégulation de sa batterie, ce qui nuit à la fois à son autonomie hivernale et au confort des passagers à bord. Or, après plusieurs questions, la réponse est tombée : pas de changement.
C’est probablement la plus grande déception de cette Leaf 2018.
Conclusion : la révolution n’aura pas lieu en 2018
Ceux qui rêvent toujours de révolution sont généralement déçus. Ce sera probablement le cas pour eux avec la nouvelle Nissan Leaf. Pour ceux qui, plus pragmatiques, savent apprécier les évolutions, cette Leaf 2018 constituera probablement pour eux une étape de plus vers l’autonomie électrique complète pour le plus grand nombre.
Connaissant plusieurs fans de la Nissan Leaf, j’ai le sentiment que plusieurs d’entre eux vont acheter la nouvelle version… comme le font les fans des i-Phone.
Le désert du Nevada
S’il s’est avéré pratique pour Nissan d’organiser cet évènement à Las Vegas, cela m’a aussi permis de constater à quel point cet état du sud des USA est loin d’être en voie d’électrifier son parc automobile. Outre les Leaf 2018 amenées par Nissan, on y a que très rarement vu des véhicules électriques : 2 Tesla S, un BMW I3 et une Leaf de première génération.
Quant aux bornes sur la route… c’est effectivement le désert.
*: http://www.fueleconomy.gov/feg/Find.do?action=sbs&id=38428&id=38431&id=38549&id=38168
Daniel Breton
266 articles
Premier chroniqueur spécialisé en véhicules verts au Canada, Daniel Breton est aujourd’hui président et chef de la direction de Mobilité Électrique Canada, blogueur et consultant en matière d’énergie, d’environnement et d’électrification des transports. Sa carrière politique comme député à l'Assemblée nationale, puis comme ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs a été marquée par son implication envers l’environnement. C’est en tant qu’adjoint parlementaire de la première ministre du Québec qu’il a été responsable de la Stratégie d’électrification des transports. Daniel a été chroniqueur sur de nombreuses plateformes reconnues (journaux, télévision et sites Web) et a donné plusieurs conférences sur l’énergie et les transports verts. Mentionnons également qu’il a été conférencier invité au Bangladesh à l'occasion du Sommet de Copenhague, président fondateur du groupe Maîtres chez nous-21e siècle (MCN21) ainsi que coordonnateur et porte-parole de la Coalition Québec-Vert-Kyoto.