D’ici un an ou deux, Tesla nous promet une nouvelle batterie révolutionnaire qui pourra durer 1 000 000 de miles, soit 1 600 000 km! Cette batterie va avoir un impact majeur sur la diminution de l’empreinte écologique des véhicules électriques! Nous allons regarder ça de plus près en résumant, en premier lieu, ce qu’on sait de cette future batterie. Par la suite, nous présenterons l’étude comparative faite par le CIRAIG sur le cycle de vie d’une voiture à essence et celui d’une voiture électrique. Cette étude, présentée à Hydro-Québec en 2016, analyse plusieurs critères d’impacts environnementaux, dont les émissions de gaz à effet de serre (GES). Nous terminerons en extrapolant certains résultats de cette étude.
Nous nous limiterons à l’analyse de cycle de vie des GES, et notre extrapolation s’appliquera au cas d’une Model 3 de Tesla (Standard range +, avec 400 km d’autonomie), équipée de la future batterie de Tesla.
D’entrée de jeu, disons que le commun des mortels ne roulera jamais 1 600 000 km avec une voiture personnelle. Cette très grande autonomie est prévue pour les robotaxis. Mais, notre extrapolation sera valable également pour les batteries actuelles de Tesla qui font jusqu’à 400 000 km. De belles surprises vous attendent!
La nouvelle batterie Tesla annoncée pour bientôt
Tesla a annoncé en avril 2019 que la compagnie mettrait en production une batterie pouvant durer 1 600 000 km en 2020. Il y aura fort probablement un report prévisible à 2021, compte tenu de la pandémie.
À propos de cette nouvelle batterie, notons que le groupe de recherche sur les batteries de Jeff Dahn, à l’U. de Dalhousie, qui travaille en étroite collaboration avec Tesla, a publié un article dans The Journal of the Electrochemical Society en septembre 2019 qui confirme la mise au point et l’essai en laboratoire d’une nouvelle batterie Li-ion capable d’un tel exploit.
Leurs résultats démontrent qu’après 5 000 cycles de recharge de 0 à 100 %, à 20 °C (recharge en 1 heure et décharge en 1 heure) leur batterie Li-ion NMC ne perd que 10 % de sa capacité de stockage. Ils démontrent également qu’après 4 000 cycles de recharge de 0 à 100 %, à 40 °C (recharge en 3 heures et décharge en 3 heures) leur batterie ne perd que 12 % de sa capacité. Voici le graphique, tiré de l’article, où leur nouvelle batterie étiquetée «This work» est comparée avec des résultats antérieurs de «Ecker et al.» sur la batterie Li-ion NMC Sanyo UR18650E.
Vous remarquerez sur cette figure que pour obtenir une longévité de 3 500 cycles la batterie Sanyo ne doit être utilisée qu’à 20 % de sa capacité (cycles de recharge de 40 % à 60 % de la capacité, courbe rouge).
Si l’on considère que la durée de vie est terminée après qu’on ait perdu 20 % de la capacité de stockage de la batterie, comme on le fait usuellement, la nouvelle batterie devrait dépasser les 5 000 cycle de recharge, même à 40 °C. Car, n’oublions pas que les véhicules Tesla sont munis d’un système de refroidissement liquide de la batterie qui va prévenir l’atteinte d’une telle température pour prolonger sa durée de vie.
Pour transposer les nombres de cycle de recharge en kilométrage, il suffit de multiplier le nombre de cycles par l’autonomie de la batterie, puisqu’on peut l’utiliser à 100 %. Par exemple, une batterie de 400 km d’autonomie fois 5 000 cycles donne 2 000 000 km! Une batterie de 300 km d’autonomie donnerait 1 500 000 km.
Enfin, notons que le fait d’avoir donné tous les détails sur la composition de cette nouvelle batterie, dans l’article, laisse présumer que Tesla en a une meilleure encore dans sa manche. Il y a de fortes chances qu’ils aient également intégré la technologie de Maxwell que Tesla a acheté en mai 2019. Rappelons que Maxwell a développé un procédé de fabrication dit « à sec», capable de doubler la durée de vie des batteries Li-ion, de réduire leur poids de 30 % présentement, avec un objectif de 50 % en 2025, et de diminuer d’un facteur 16 la surface de plancher requise pour l’usine de batteries, réduisant ainsi leur coût également. Tesla n’a pas acheté Maxwell pour rien…
L’étude de cycle de vie du CIRAIG
Le CIRAIG (Centre International de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services) a déjà réalisé une étude de cycle de vie (ÉCV) pour Hydro-Québec, comparant une voiture traditionnelle à essence à une voiture électrique, dans le contexte québécois. Cette ÉCV publiée en 2016 tient compte de la fabrication des voitures et des batteries de même que leur démantèlement en fin de vie.
Les données pour la voiture électrique sont celles d’une Leaf 2013 de Nissan, avec une batterie de 24 kWh (autonomie de 120 km selon l’EPA). Les données pour la voiture à essence sont celles d’une voiture classe A de Mercedes Benz (8,7 L/100 km en ville; 6,3 L/100 km sur autoroute). Le kilométrage réaliste considéré est de 150 000 km, à raison de 15 000 km par année. Le CIRAIG a aussi fait des extrapolations jusqu’à 300 000 km, avec la même batterie. Toutefois, ce dernier kilométrage était plutôt irréaliste, car la batterie aurait perdu 55 % de sa capacité, (autonomie restante de l’ordre de 55 km), selon les données colligées par cet organisme et présentées dans leur rapport. Par ailleurs, concernant le démantèlement en fin de vie et le recyclage des voitures, le CIRAIG a évalué les impacts environnementaux des procédés utilisés mais n’a pas considéré l’utilisation de matériaux recyclés dans la fabrication des voitures ou des batteries.
Ceci étant dit, voici les résultats comparatifs pour les gaz à effet de serre (GES) des voitures, électrique et à essence, tel que présenté par Hydro-Québec.
On y constate qu’après 150 000 km il y a une réduction de 65 % des GES pour la voiture électrique au Québec, sur le cycle de vie, par rapport à la voiture à essence. Si la batterie de la Leaf avait pu perdre moins de 20 % de sa capacité au bout de 300 000 km, on aurait pu considérer réaliste une réduction de 80 % des GES pour la voiture électrique.
Il est intéressant d’étudier un peu le graphique, dans le rapport CIRAIG, qui a donné naissance à la figure synthèse ci-dessus. Voici le graphique en question.
L’axe des valeurs du graphique représente les GES émis est en kg CO2 éq., alors que l’axe horizontal est calibré en kilomètres parcourus sur la vie des véhicules. Remarquez qu’il y a deux courbes, qui sont en fait des lignes droites. La droite noire pleine est pour la voiture électrique alors que la droite pointillée représente la voiture à essence. On constate que les deux droites ne partent pas à la même hauteur. Cette hauteur de départ reflète les GES émis pour fabriquer les voitures. Ces GES de fabrication sont autour de 0,9 sur l’échelle pour la voiture à essence, et de 1,8 pour la voiture électrique. Force est de constater que les GES associés à la fabrication de la batterie de 24 kWh de la Leaf sont pratiquement aussi importants que ceux reliés à la fabrication de la voiture comme telle (sans sa batterie).
La recharge de la voiture électrique au Québec n’émettant pratiquement pas de GES, la pente de la droite noire pleine est très faible et proportionnelle à la consommation électrique de la voiture. Cette consommation est de 19 kWh/km au départ dans l’étude CIRAIG, valeur qu’ils ont majorée de 15 % pour l’utilisation du chauffage et de 7,5 % pour les pertes à la recharge. Après 35 000 km, les GES de la voiture à essence dépassent ceux de la voiture électrique et continuent de monter au fil de son utilisation, en raison de l’essence qui est brûlée.
Extrapolation de l’étude CIRAIG pour une Model 3 de 400 km d’autonomie avec la future batterie Tesla d’une durée de 1 600 000 km
Si la batterie de 50 kWh d’une Tesla Model 3 (autonomie EPA de 400 km) était celle de la prochaine génération, dont nous avons parlé plus haut, cette Model 3 pourrait rouler plus de 1,6 millions de km.
Puisqu’elle aurait deux fois plus de capacité que la batterie de la Leaf 2013, pour extrapoler le graphique présenté plus haut, il faudrait, en première approximation, ajouter 0,9 à la valeur des GES à la sortie d’usine de la voiture électrique (à 0 km), ce qui donne 2,7 comme point de départ sur l’échelle des valeurs (axe vertical). Il faut dire que le moteur et les engrenages de la Model 3 ont été testés sur route et fonctionnent encore très bien après 1 600 000 km eux aussi. Ils ont été conçus pour ça. Par ailleurs, pour ce qui est de la pente de la droite, comme la Model 3 a une consommation de seulement 15 kWh/100 km au lieu du 19 kWh/100 km de la Leaf, considéré dans l’étude CIRAIG, nous l’avons réduite en proportion.
Maintenant, nous assumons qu’une voiture conventionnelle à essence aura une durée de vie inférieure à 400 000 km. Il en faudra donc quatre pour rouler 1 600 000 km. Pour extrapoler le graphique de l’étude CIRAIG, il faudra par conséquent ajouter la valeur de l’ordonnée à 0 km (0,9) à chaque 400 000 km. On suppose que les pentes des droites restent les mêmes. Pour rester conservateur, disons que la carcasse de la Model 3 ne dure que 800 000 km, alors que sa batterie et son moteur peuvent faire 1 600 000 km. Il faudrait alors ajouter, grosso modo, la valeur de l’ordonnée à 0 km pour la voiture sans sa batterie (0,9), au bout de 800 000 km. Le résultat de ces considérations est le graphique suivant réalisé par l’auteur de cet article.
Ce dernier graphique nous permet de constater qu’au-delà de 800 000 km parcourus, grâce à la future batterie de Tesla, une voiture électrique comme la Model 3 Standard range + de Tesla, avec une autonomie de 400 km, aura des émissions de GES sur son cycle de vie réduites d’un facteur 8 à 10 par rapport à une voiture à essence, au Québec.
N’oublions pas que ces résultats extrapolés s’appliquent à une voiture électrique de 400 km d’autonomie (EPA), ce qui est bien plus que le 120 km de la voiture Leaf 2013 de Nissan qui apparaissait dans l’étude originale du CIRAIG (2016).
Bien sûr, le commun des mortels ne pourra pas faire 1 600 000 km en moins de 20 ans, mais ce sera possible pour des robotaxis qui vont rouler plus de 80 000 km par année. Toutefois, les propriétaires d’une Model 3 Standard range + qui peuvent parcourir 400 000 km avec la batterie actuelle, vont quand même émettre 4 fois moins de GES qu’une voiture à essence, sur le cycle de vie.
Sans compter que nous n’avons pas tenu compte qu’au Québec on consomme désormais beaucoup de pétrole des sables bitumineux et de pétrole de schiste, qui augmentent possiblement jusqu’à 20 % le bilan en GES pour l’utilisation des voitures à essence. Voir, à cet effet, notre article « Les GES des transports au Québec, parlons des vraies affaires». Nous n’avons pas tenu compte également de la réutilisation des matières premières qui découle du recyclage des batteries, ce qui aurait diminué davantage leur empreinte écologique.
En conclusion
Inutile de dire que la future génération de batterie de Tesla, même si elle ne durait que 800 000 km au lieu des 1 600 000 km annoncés, va constituer un pas de géant pour diminuer l’empreinte écologique des véhicules électriques. 8 à 10 fois moins de GES qu’une voiture à essence équivalente, sur le cycle de vie, c’est stupéfiant!
Si la future batterie n’était utilisée que 250 000 km dans la vie du véhicule, on pourra alors diviser par 6 les GES dus à la fabrication de la batterie, pour l’utilisation dans le véhicule, puisque la batterie aura une deuxième vie au sol afin de stocker de l’énergie solaire par exemple, ou encore être installée dans d’autres véhicules électriques.
Enfin, les propriétaires d’une Model 3 Standard range +, munie de la batterie Panasonic standard déjà sur le marché, peuvent rouler 400 000 km, auquel cas ils vont quand même émettre 4 fois moins de GES qu’une voiture à essence, sur le cycle de vie, au Québec.
Alors, les dénigreurs des véhicules électriques qui utilisent l’argument de l’empreinte écologique des batteries pour discréditer les électromobilistes vont devoir trouver un autre stratagème. Bonne chance! Surtout qu’on peut encore faire mieux avec les véhicules 100 % électriques, comme nous le verrons dans mon prochain article.