Question : Le Canada va-t-il atteindre son objectif de réduction de GES pour 2030 ?
Réponse : Fort probablement pas.
Pourquoi ?
Parce que :
- Il n’a pas de plan :
Le Canada, outre le fait qu’il n’a jamais atteint un seul objectif de réduction de GES qu’il s’est fixé, n’a pas de plan de lutte aux changements climatiques, comme l’a très justement souligné François Cardinal dans son éditorial du 4 octobre 2016 (voir ICI). Donc, le gouvernement Trudeau a beau avoir signé l’Accord de Paris et avoir imposé une taxe carbone, il ne dit nulle part dans quelque plan que ce soit comment il compte atteindre son objectif de -30% d’émissions de GES pour le Canada d’ici 2030 par rapport à ses émissions de 2005.*
*(Ceci veut réellement dire une baisse de ses émissions de 14% d’ici 2030 par rapport à 1990, qui est la vraie année de référence de Kyoto que suivent la majorité des pays de la planète. On est donc loin des objectifs de diminution de 40% de l’Europe ou de 37,5% du Québec pour 2030 par rapport à leurs émissions de 1990.)
Pas de plan, donc pas de direction. Et dire que j’ai entendu Stéphane Dion critiquer les autres partis lors de la dernière campagne électorale à propos du fait « qu’ils n’avaient pas de plan de lutte aux changements climatiques ». Il ajoutait même: « C’est bien beau fixer des objectifs, mais sans plan, ça n’a aucune crédibilité ».
Je suis bien d’accord avec M. Dion. Sans plan, le déjà trop timide objectif du gouvernement Trudeau n’a AUCUNE crédibilité.
En passant, le gouvernement Couillard non plus n’en a pas de plan chiffré de lutte aux changements climatiques, ni pour 2030, ni même pour 2020 (voir ICI). Dans son document, nulle part n’indique-t-il de combien de tonnes de GES les mesures qu’il a mises en place et celles qu’il compte mettre en place seront diminuées.
Et lorsqu’on regarde à quel point est mal géré le Fonds Vert (voir ICI), on peut être pas mal certain que le Québec non plus n’atteindra pas son objectif de réduction de GES de -20% d’ici 2020 par rapport à 1990, comme il raté son objectif 2008-2012 de Kyoto.
- Ce gouvernement appuie le développement de nouveaux projets gaziers, pétroliers et de pipelines
Aussi récemment que la semaine dernière, le gouvernement Trudeau a donné son aval au projet gazier Pacific Northwest Energy Project qui a lui seul augmentera les émissions de GES de la Colombie-Britannique de 8,5% (voir ICI).
L’an dernier, le gouvernement Trudeau a félicité le gouvernement Albertain qui a annoncé qu’il comptait « limiter » les GES associés à l’exploitation des sables bitumineux à 100 Mégatonnes. Pour être plus clair, cela veut dire qu’il appuie le fait que l’Alberta augmente ses GES venant de l’exploitation des sables bitumineux de plus de 40% d’ici 2030.
Ainsi, comme le disait récemment Bill McKibben de l’organisme www.350.org, dans une entrevue qu’il accordait au journal National Observer : « Trudeau can’t charm his way around the mathematics of climate change » (voir ICI).
Et que dire des projets Énergie Est et Keystone XL que lui et ses ministres appuient ?
Rappelons que c’est nul autre que Stéphane Dion (voir ICI), « M. Environnement » lui-même qui disait être « déçu » par le rejet du projet Keystone XL par le président Obama il y a moins d’un an, soit moins de 3 semaines avant le début du Sommet de Paris sur les changements climatiques !
Rappelons encore cette déclaration de la nouvelle ministre fédérale de l’Environnement Catherine McKenna (voir ICI) qui disait que le Canada avait besoin des emplois pétroliers.
Rappelons aussi ces paroles du ministre fédéral des Ressources naturelles Jim Carr (voir ICI) qui disait cette année que le bas prix du pétrole ne stopperait pas les projets de pipelines et qu’il fallait amener ce pétrole vers les côtes.
Rappelons que le premier ministre Justin Trudeau (voir ICI) a lui-même dit appuyer les projets de pipelines et qu’il fallait amener ces produits au marché… sauf le projet de pipeline Northern Gateway. D’ailleurs, il a appuyé publiquement le projet Énergie Est (voir ICI).
Et rappelons en terminant que le gouvernement Trudeau a décidé de prolonger plusieurs programmes de subventions aux compagnies gazières et pétrolières (voir ICI), ce qui va à l’encontre de sa promesse de mettre fin à ces subventions lors de la campagne électorale de 2015.
Donc, le Canada n’atteindra à peu près certainement pas son objectif de réduction de GES, même si celui-ci est vraiment très timide car ce qu’il fait contredit beaucoup trop ce qu’il dit.
Et le Québec dans tout ça ?
Quel impact aura la lutte aux changements climatiques au Canada pour le Québec ?
Jetons un coup d’œil.
Il est écrit en page 178 du dernier budget fédéral (voir ICI) que :
«Dans le contexte du cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique, le gouvernement s’est engagé à créer le fonds pour une économie à faibles émissions de carbone.
Le budget de 2016 y consacre
2 milliards de dollars sur deux ans, à compter de 2017-2018. Ce fonds soutiendra des mesures provinciales et territoriales visant à réduire de façon concrète les émissions de gaz à effet de serre, qui s’ajoutent aux plans actuels et permettent de réaliser des réductions considérables au cours de la période visée par la cible canadienne déterminée à l’échelle nationale. Des ressources seront affectées aux projets qui offrent les réductions des émissions de gaz à effet de serre les plus grandes, en termes absolus, au plus bas coût par tonne.»
Ainsi, comme ces fonds iront :
- « aux projets qui offrent les réductions des émissions de gaz à effet de serre les plus grandes », cela exclut à peu près tout projet au Québec, puisque les plupart des grandes industries québécoises qui offraient les plus grands potentiels de réduction de GES (alumineries, papetières, etc.) ont DÉJÀ fait les gros efforts qui devaient être faits,
- « aux projets qui offrent les réductions des émissions de gaz à effet de serre au plus bas coût par tonne. », cela exclue aussi le Québec car les projets de baisses de GES qui coûtent peu cher au Québec ont déjà été fait, ne laissant que des projets de baisses de GES qui coûteront beaucoup plus cher, notamment en transport.
Ainsi, les Québécois paient en triple:
- En diminuant leurs émissions de GES grâce à des investissements dans les énergies renouvelables depuis ½ siècle sans l’appui du fédéral,
- en subventionnant l’exploitation gazière et pétrolière des provinces « fossiles » via les milliards versés par le fédéral à ces entreprises depuis de nombreuses années,
Et finalement,
- en subventionnant AUSSI ces mêmes provinces via le budget fédéral pour qu’elles diminuent leurs émissions de GES.
C’est ce qu’on appelle le principe de pollueur payé plutôt que celui de pollueur payeur.
En conclusion, dans le dossier de la lutte aux changements climatiques au sein du Canada, les Québécois se font avoir et pas à peu près.
Voilà où nous en sommes avec la lutte aux changements climatiques au Canada.