Électrification des TransportsPolitiqueVoitures électriques

Voici pourquoi je travaille à l’électrification des transports

Depuis de nombreuses années, je travaille à convaincre les gens de passer aux modes de transports partiellement et entièrement électriques. On me demande parfois pourquoi je mets tant d’effort à informer les consommateurs, les gouvernements, les médias et les institutions de l’intérêt de la transition vers les véhicules électriques.

Voici donc les raisons qui m’ont poussé à consacrer tant d’efforts à ce dossier.

Grandir à deux pas d’une raffinerie

Le hasard a fait en sorte que de 2 ans à 12 ans, j’ai habité à quelques centaines de mètres de 8 raffineries aux abords de Montréal-Est. C’est ainsi que dès mon plus jeune âge, j’ai côtoyé les cheminées crachant de la pollution atmosphérique, de mauvaises odeurs et de la poussière.

Qui plus est, j’ai été personnellement témoin de déversements, d’incendies et même de l’explosion d’un camion-citerne qui s’était renversé sur la rue Sherbrooke alors qu’il venait tout juste d’aller remplir son réservoir à un des postes de ravitaillement.

J’ai vu la panique dans les yeux des enfants et des adultes lorsque le camion qui brûlait aux coins des rues Georges V et Shebrooke a explosé. J’ai vu des gens hurler et courir sur la rue, en passant même par dessus les voitures. J’ai vu des bouches d’égoût sauter dans les airs comme des bouchons de champagne, blessant les gens au passage. Jamais je n’oublierai cet événement. D’ailleurs, l’explosion du camion-citerne qui a eu lieu sur l’autoroute Métropolitaine en 2016 m’a rappelé de douloureux souvenirs.

Plus tard, j’ai moi-même travaillé comme répartiteur dans une de ces compagnies alors que j’étais adolescent. J’ai vu à quel point cet endroit pouvait être dangereux et qu’il fallait être extrêmement prudent… ce que les gens n’étaient pas toujours.

Du pétrole dans le fleuve

Habitant aux abords du fleuve St-Laurent, j’ai commencé à faire de la planche à voile dans les années ’80. C’est alors qu’il m’est arrivé à quelques reprises de passer à travers les algues avec ma planche et de découvrir que celles-ci étaient engluées de pétrole, ce qui avait fait en sorte que le dessous de ma planche s’était à plus d’une reprise retrouvée avec une couche d’au moins 1 centimètre d’épais de pétrole partout en dessous de ma planche. Je me retrouvais alors pris à passer des heures à la nettoyer.

J’ai vu les impacts sur la santé qu’avait toute cette pollution atmosphérique sur la santé des gens du coin.

Et j’ai aussi compris que bien des gens de notre coin vivaient grâce aux emplois créés par cette pollution.

1973 et 1979: Les deux crises du pétrole

La file aux pompes à essence

C’est en 1973 que j’ai découvert l’impact du pétrole sur notre quotidien. En effet, la croissance économique fulgurante observée au cours des années 50-60 dans la plupart des pays industrialisés a reposé en grande partie sur l’accès à un pétrole abondant et bon marché. Pendant les années 1960, la demande pétrolière a crû de plus de 7% par an. Dès 1972, la production de pétrole aux États-Unis atteignant un pic pétrolier, les États-Unis ont importé une quantité toujours croissante de pétrole, notamment du Moyen-Orient. En parallèle à cette augmentation de la demande mondiale, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) formée en 1960 s’est réunit en 1970 et 1971 afin de mieux contrôler le prix du pétrole.

Lors de la conférence de Koweït le 19 octobre 1973, l’OPEP a décidé d’une augmentation de 70% des prix du baril et quelques jours plus tard une réduction mensuelle de 5% de la production pétrolière. L’OPEP a alors stabilisé les prix moyens du brut autour de 12 $ de l’époque par baril, quatre fois le niveau d’avant la crise.

Cela a causé un choc qui a eu des impacts partout dans le monde. On a alors vu des files d’automobilistes aux stations-services et un prix du litre qui a augmenté de façon drastique. Évidemment, cette hausse aussi importante que subite a eu un effet immédiat sur la capacité de payer des simples citoyens puisque la forte hausse du prix se répercutait sur le prix de tous les produits: aliments, équipements, bâtiments, etc.

Après une accalmie de quelques années, nous avons vécu en 1979 une seconde crise pétrolière au moment de la guerre Iran-Irak. Une fois de plus, le prix du pétrole a fait un bond drastique. Comme je possédais à cette époque une gigantesque voiture américaine qui consommait environ 40 L/100 km, j’ai dû m’en départir.

École secondaire, cégep et université: la géopolitique de l’énergie

Dès 1974, j’ai commencé à m’intéresser aux véhicules moins polluants dans mes cours d’écologie. On parlait du smog en Californie et de la voiture à hydrogène comme de LA solution pour contrer la pollution atmosphérique. On nous disait alors que c’était une question de temps avant qu’elles ne remplacent les voitures à essence (sic). Nous en étions aux début de l’EPA et des normes antipollution pour les voitures. En 1979, c’est au Cégep et à l’université que j’ai véritablement découvert les aspects géopolitiques du pétrole et toute l’influence de cet “or noir” sur la vie des gens, des entreprises et des gouvernements. J’ai ainsi appris que des coups d’état, des assassinats et des guerres ont été perpétrés pour l’accès et le contrôle de cette ressource. Je me rappelle même d’une conversation que j’avais eu avec un invité dans notre classe sur le sujet. Cet illustre invité s’appelait Robert Bourassa (qui avait perdu ses élections en 1976) et je l’avais confronté avec le fait que je trouvais que sa vision de l’économie était ancrée dans un certain néocolonialisme où, selon lui, notre économie se porterait bien… si nous pouvions remettre à leur place les pays producteurs de pétrole de l’OPEP. Eh oui, déjà il y a 40 ans, je pouvais être assez “revendicateur”. Certains diraient “effronté”…

Dans ma famille, on discutait souvent d’automobiles. En effet, mon oncle Chuck, né à Détroit, avait travaillé chez Ford aux USA, puis chez GM à Sainte-Thérèse. Nous échangions souvent sur la “qualité” des voitures américaines VS celle des voitures japonaises qui commençaient à prendre leur place sur le marché. En tant qu’ancien soldat dans l’armée américaine, il voyait l’achat d’une voiture allemande ou japonaise comme rien de moins qu’une trahison puisqu’il s’agissait là de nos deux anciens ennemis de la seconde guerre mondiale. C’est pourquoi le jour où une de mes cousines s’est acheté une VW Rabbit, ça a créé tout un émoi dans la famille.

Années ’90: guerre et énergie

Les années ’90 ont débuté avec une démonstration assez claire de l’effet du pétrole sur la géopolitique. En effet, le 2 août 1990, la guerre du golfe Persique est déclenchée par l’invasion du Koweït, une petite nation du golfe Persique, par les forces armées irakiennes. Le président américain George H.W. Bush assemble vite une coalition de 35 nations. La coalition demande à l’Irak de se retirer et cherche à prévenir de possibles incursions militaires en Arabie saoudite. Le 15 janvier 1991, l’opération Bouclier du désert est bientôt déclenchée dans le but de libérer le Koweït de l’occupation irakienne. L’Irak est d’abord sujet à des bombardements aériens massifs commençant le 17 janvier 1991, suivis par une série d’opérations impliquant des fantassins, des chars d’assaut et d’autres forces terrestres déclenchée le 24 février.

Le scandale des bébés koweitiens

Le 14 octobre 1990, une femme se présentant comme « infirmière » a témoigné devant le Congrès des États-Unis, à propos d’une supposée attaque des forces militaires irakiennes, dans un hôpital au Koweït. Celles-ci auraient tiré plusieurs bébés de couveuses, puis les auraient laissés mourir sur le sol.

Le scandale créé de toute pièce par le gouvernement américain, a vite été diffusé sur les télévisions du monde entier, pour que l’influence de celui-ci se mondialise. Le but premier était de montrer que l’Irak, et plus précisément le dirigeant actuel Saddam Hussein était l’incarnation du mal pour justifier la guerre du Golfe, qui est présentée comme une nécessité  par les États-Unis à l’époque. Grâce à cette fausse nouvelle l’avis mondial avait vite tranché et reconnu, comme le souhaitait le gouvernement américain, Hussein comme le mal.

Cette « fake news » a été orchestrée grâce à la complicité de la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington, Nayirah Al-Sabah, jouant le rôle de « l’infirmière Nayirah ». Chargée de parler devant le Congrès les larmes aux yeux, d’une scène horrible se déroulant sous ses yeux: des militaires irakiens enlevant des bébés prématurés de leurs couveuses pour les laisser mourir ensuite.

Les sénateurs et représentants étant alors très touchés, la mascarade a donc fonctionné. Le verdict est unanime, Hussein et son armée sont des monstres. Ce mensonge a été un des arguments décisifs pour convaincre la population américaine de faire la guerre contre Saddam Hussein.

Années 2000: de L’Afghanistan à l’Irak… en passant par Beauharnois et Lévis

Au début des années 2000, dans la foulée du Sommet des Amériques, j’ai travaillé très fort avec des amis et collègues en faveur de l’essor des énergies renouvelables et des transports durables et contre des projets gaziers et pétroliers. Nous étions alors confrontés à de multiples projets gaziers: Le Suroît, Rabaska, Cacouna, Grande Anse, Bécancour, les gaz de schiste, etc. Tous des projets qui avaient apparemment pour but d’assurer notre “sécurité énergétique”… et qui augmenteraient de manière drastique nos émissions polluantes et de GES. Ah oui, je me suis alors acheté ma première voiture hybride, une Honda Insight, et ai été de ceux qui ont remis au monde le Parti Vert du Québec.

Mes débuts comme chroniqueur en mobilité durable

En 2004, j’ai reçu un appel pour le moins inusité. On cherchait quelqu’un qui s’intéressait à la fois à l’automobile et à l’environnement et qui pourrait écrire sur le sujet. Il semble que personne d’autre que moi ne remplissait ces critères. J’ai alors commencé à écrire pour Auto123. Après quelques semaines, nous nous sommes rendus compte de l’engouement pour le sujet. Ça a duré quelques mois… jusqu’à ce qu’on trouve que je fouillais trop mes dossiers et qu’on me remplace par “des communiqués de presse” des constructeurs sur les véhicules dits “verts”. J’ai fait un court séjour à l’émission “Le Guide de l’auto” et suis ensuite passé au journal Le Devoir grâce à l’appui du chroniqueur Philippe Laguë qui m’a offert une tribune extraordinaire. J’étais alors retourné à l’université pour étudier en communication et environnement, ce qui m’a été très utile.

La politique

En 2008, j’ai été candidat pour le NPD à la demande de Jack Layton où j’ai contribué à rédiger la plateforme en énergie et électrification des transports du parti.

En 2012, j’ai été ministre de l’environnement ET fut le premier élu responsable d’une stratégie gouvernementale d’électrification des transports au Canada. Nous nous étions alors mérité un prix pour la stratégie la plus audacieuse en Amérique et je dois dire qu’à ce jour aucune stratégie n’est parvenu à surpasser ce que nous avions prévu il y a déjà 7 ans.

De 2014 à aujourd’hui: focus sur l’électrification des transports

Après notre défaite électorale de 2014, j’ai décidé de me concentrer exclusivement sur le sujet de l’électrification des transports, délaissant quelque peu le plus grand sujet de l’énergie. J’ai fait cela pour une raison fort simple: je savais que de nombreux intervenants fort crédibles occupaient déjà le champ de l’énergie et je me suis dit que le secteur précis de l’électrification des transports demeurait méconnu et trop souvent malmené par moultes intervenants qui colportaient une quantité effarante de fausetés, de préjugés et de demi-vérités. C’est ainsi que je suis encore une fois retourné à l’université en gestion durable du carbone et me suis mis à collaborer à ce blogue, puis au JdeMtl, à RPM, chez Montréal Auto Prix, à m’impliquer au sein de l’AVÉQ, avec l’équipe du Salon du Véhicule Électrique de Saint-Hyacinthe, au journal Mobiles, chez Automédia, etc. Et grâce au soutien de Jacques Duval, Sylvain Juteau, des Éditions de L’Homme, de Pierre Langlois et d’autres collègues émérites, j’ai travaillé à la publication de livres sur l’électrification des transports dont un nouveau apparaitra dans quelques semaines.

Début d’un nouveau chapitre: Mobilité Électrique Canada

J’ose croire que mon engagement des dernières décennies a contribué un tant soit peu à une certaine conscientisation citoyenne envers les enjeux écologiques, économiques, technologiques et sociaux de l’énergie, des changements climatiques et de l’électrification des transports. Pour moi, ce dernier sujet est sans conteste UNE DES solutions à notre avenir collectif. Je le dis et le répète: l’électrification des transports n’est pas et ne sera jamais LA solution à tous nos problèmes de changements climatiques et de pollution atmosphérique, mais je peux affirmer avec certitude qu’elle fait absolument partie de la panoplie des solutions d’avenir.

Et c’est pourquoi demain le 9 mars 2020 je débuterai un nouveau chapitre de mon engagement envers l’électrification des transports en tant que Président et directeur général de Electric Mobility Canada – Mobilité Électrique Canada, une association nationale à but non lucratif vouée exclusivement à la promotion de l’électromobilité comme moyen novateur et efficace de combattre les changements climatiques, de stimuler l’économie canadienne et dont la mission est d’accélérer stratégiquement la transition vers la mobilité électrique partout au Canada.

Souhaitez-moi donc bonne chance.

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