Voitures électriques

Électrification des transports: la dure réalité des bâtisseurs québécois

(J’ai écrit ce texte pour tous ces hommes et toutes ces femmes qui subissent cette dure réalité, mais ne peuvent pas parler publiquement de leurs épreuves.)
De plus en plus de Québécois entendent parler de ces hommes et de ces femmes qui sont en train de bâtir un Québec plus durable grâce à leur engagement envers l’électrification des transports.
Camions, autobus, bateaux, motos, voitures, moteurs, monorail, trains, bornes de recharge, minerai, recherche et développement, chimie de batterie, recyclage de batterie, taxis, salons, événements, infrastructures, vente, applications, réseaux, sont toutes des pièces de l’énorme puzzle sur lequel des Québécois travaillent depuis des années voire parfois des décennies afin de faire du Québec un leader en électrification des transports.

Ainsi, bien que nous ne soyions qu’un peu plus de 8 millions de personnes au Québec, on peut compter sur un pourcentage impressionnant d’entrepreneurs, d’ingénieurs, de chercheurs, de promoteurs, de vendeurs,  de “patenteux”, bref de bâtisseurs qui ont à coeur de développer des affaires dans ce “tout nouveau créneau” (qui n’est pas si nouveau) de développement durable qu’est l’électrification des transports.
Sachant que le Québec est l’endroit au Canada où le plus de gens se déplacent en véhicule électrique, on pourrait même croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes en électrification des transports au Québec. Mais acheter une Nissan Leaf ou une Hyundai Ioniq ne contribue que marginalement à l’essor de la majorité de nos entreprises québécoises investies en électrification des transports.
Et ce que vous ignorez probablement, c’est l’ampleur de l’engagement, le dévouement, la persévérance et parfois même le brin de folie nécessaire pour foncer et perdurer dans ce monde extrêmement difficile.
Pensez seulement à Elon Musk… mais avec une infime fraction de ses moyens.
Un fort prix à payer

Au fil des dernières décennies, j’ai eu des très nombreuses discussions sur les obstacles à franchir avant qu’un produit, une technologie, un véhicule voit le jour et aie du succès.
C’est ainsi que j’ai maintes fois échangé avec Raymond Deshaies, Pierre Couture, Karim Zaghib, Sylvain Castonguay, Bruno Tellier, Jean-François Lavigne, Jean-Pierre Legris, Andy Ta, Pierre-Karl Péladeau, Marc Bédard, Louis Tremblay, Sylvain Juteau, Stéphane Pascalon, Mario Langlois, Jean Gariépy, Catherine Kargas, Pierre Ducharme, France Lampron, Renaud Cloutier, Pierre Langlois, Mike Kakogiannakis, Richard Martin, André Bélisle, Yung Cuong, Yannic Asselin, Jean-Marc Pelletier, Louise Lévesque, Guy Lussier, Simon-Pierre Rioux, Martin Archambault et tutti quanti à propos de tous ces projets extraordinaires et comment nous pourrions les concrétiser.

Des histoires terribles
Mais j’ai aussi vu, vécu et partagé beaucoup d’histoires terribles avec plusieurs d’entre eux.
Beaucoup plus que les gens ne peuvent le soupçonner.

  • “On perd notre temps avec des fonctionnaires”
  • “On ne fitte pas avec leur programme”
  • “Le gouvernement se sert de nous pour se faire de la pub… sans nous aider”
  • “Une entreprise “fossile” nous a mis des bâtons dans les roues”
  • “J’ai failli faire faillite”
  • “J’ai fait faillite”
  • “J’ai failli y laisser ma santé physique et psychologique”
  • “J’y ai laissé ma santé”
  • “Mon couple est venu à deux doigts d’en périr”
  • “Ça a mis fin à mon couple”
  • “Mes parents et amis ont dû m’aider sinon j’aurais tout perdu”
  • “J’ai failli abandonner à de nombreuses reprises.”
  • “Je n’en peux plus de tenir mon entreprise à bout de bras”
  • “Ma réputation a été affectée par toutes ces embûches”
  • “J’ai dû faire un choix car je ne pouvais plus continuer”
  • “J’ai tout perdu”
  • “N’eut été du marché extérieur, nous aurions fermé nos portes car nous n’avons pas eu d’appuis ici”
  • “Je suis découragé de la myopie de mes contemporains”

… sont autant de phrases bouleversantes que j’ai entendues de la part de certains de ces hommes et de ces femmes qui ont plus qu’un côté bâtisseur, il y a chez eux un côté idéaliste.
Voilà ce qu’est aussi la dure réalité de l’engagement envers ce secteur si prometteur, mais si difficile à comprendre pour encore trop de gens. Faire avancer des projets en électrification des transports signifie aussi:

  • Passer par dessus les lobbies puissants qui travaillent très fort pour que les choses n’avancent pas;
  • Passer d’un ministre à un autre ministre pour tout leur expliquer en partant souvent de zéro car ils n’y connaissent rarement grand chose et plus souvent qu’autrement rien du tout;
  • Savoir que ces ministres se fient alors sur certains fonctionnaires qui n’y connaissent pas non plus grand chose, qui n’ont pas de moyens ou qui manoeuvrent en coulisse pour faire échouer des projets;
  • Devoir échanger avec des employés de cabinet qui sont tout aussi néophytes que leur ministre sur ce sujet;
  • Passer par dessus l’énorme quantité de niaiseries, de faussetés, de désinformation et de “fake news” véhiculées dans les médias traditionnels et sociaux;
  • Tenter de vendre des véhicules électriques que vous ne pouvez avoir en inventaire avant plusieurs mois;
  • Passer par dessus le fait que des technologies fossiles concurrentes reçoivent toujours des subventions;

Ayant moi-même traversé des épreuves similaires en affaires puis en politique, je comprends très bien ce qu’ils et elles endurent.
De Raymond Deshaies… à Nordresa

Toute ma vie, je vais me rappeler de mon échange avec Raymond Deshaies qui, de son lit d’hôpital quelques jours avant son décès, m’avouait que son engagement sans relâche pour aider ses contemporains via ses projets d’autobus hybrides (développés dès les années 60) avaient fait de lui un paria auprès de tout un pan du milieu des affaires et de la politique car ce qu’il proposait bousculait beaucoup de gens puissants et connectés et à quel point cela avait gâché sa vie de famille, ses finances et sa santé.
Je sais à quel point notre arrivée au pouvoir en 2012 et notre stratégie d’électrification des transports en 2013 avait suscité chez eux un réel espoir que les choses débloquent vraiment car ils savaient à quel point mon engagement et celui de Mme. Marois était sincère. On y croyait.
Je sais aussi à quel point le gouvernement de Philippe Couillard qui a suivi a aussi été celui où souvent “les bottines ne suivaient pas les babines” et combien nombres d’entrepreneurs du secteur de l’électrification des transports se sont littéralement fait niaiser et manipuler par des élus, dont des ministres, qui n’ont pas tenu leurs promesses. Le programme d’austérité de ce gouvernement a aussi touché l’électrification des transports puisque les budgets de R & D, d’industrialistion, de commercialisation et d’exportation ont été coupé de rien de moins que 75%. Pour nos bâtisseurs, c’en était décourageant.
Je sais à quel point les différents gouvernements qui ont passé au niveau fédéral n’ont pas fait grand chose qui vaille car ils n’y ont qu’un intérêt mitigé. Je sais aussi combien une majorité de fonctionnaires au sein des ministères clés à Ottawa ne connaissent vraiment pas grand chose à l’électrification des transports. Disons le franchement, le pétrole a beaucoup plus d’amis en haut lieu et au sein de la fonction publique canadienne que les énergies renouvelables et l’électrification des transports de l’autre côté de la rivière des Outaouais.
C’est pourquoi je peux tout à fait comprendre la transaction qui a vu Nordresa passer aux mains d’une entreprise américaine. À force de se cogner la tête sur des portes closes pendant des années pour faire avancer des projets sans trouver de soutiens dignes de ce nom auprès d’élus ou de partenaires d’affaires de chez nous, Sylvain Castonguay a fait la seule chose qui lui restait à faire afin de continuer à faire progresser son entreprise: la vendre en espérant que Dana aille aussi loin que possible grâce à son expertise et son équipe… et en espérant que des emplois soient, au passage, créés au Québec. L’expérience de Nordresa est donc un parfait exemple d’une entreprise québécoise qu’on a pas soutenu comme elle l’aurait mérité.
Il n’y a évidemment aucune garantie que des emplois seront créés ici, mais à un moment donné il faut avancer, même si c’est ailleurs que chez nous. Considérant l’apport colossal qu’a eu Sylvain Castonguay pour le secteur de l’électrification des transports québécois, je ne peux que respecter sa décision et lui souhaiter le meilleur des succès. Si ça m’attriste, je peux tout à fait le comprendre. Je ne voudrais certainement pas que sa vie professionnelle et personnelle suive le même chemin que celui de Raymond Deshaies.
Et la suite?
Il y a quelques jours, les ministres Julien et Fitzgibbon découvraient et parlaient avec enthousiasme du rapport sur le potentiel que représentait le secteur des batteries pour l’avenir économique et écologique du Québec. Même si les initiés n’y voyaient là rien de neuf, j’étais bien heureux d’entendre des élus du gouvernement Legault manifester de l’intérêt devant la possibilité de faire du Québec “un leader de calibre mondial en électrification des transports” d’autant plus que pour ce gouvernement, le timing est idéal.
Il y a un réel potentiel pour ce gouvernement de faire avancer de façon concrète et audacieuse l’électrification des transports, ce que nous souhaitons tous car l’urgence climatique trouve une de ses pistes de solutions dans ce domaine.
Reste qu’au delà des discours, les bâtisseurs du Québec en électrification des transports veulent du concret car, pour faire du Québec un véritable leader, ils et elles doivent sentir qu’ils ont l’appui des gouvernements, des gens d’affaires ET des citoyens.
Car, bien plus que des projets d’affaires, ce sont des pièces d’un projet de société.
 
 
 
 
 

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