Voitures électriques

Une Chevrolet Volt avec un prolongateur d’autonomie à l’hydrogène?

Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre LangloisÉco-Énergie à Montréal et Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Il a également siégé sur le comité aviseur responsable d’appuyer Daniel Breton dans le développement de la politique d’électrification des transports du Québec. Un gros merci à lui.

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Maintenant que la poussière est retombée, j’aimerais revenir sur le reportage et le débat du Téléjournal 18 h de Radio-Canada (3 mars 2015) sur la voiture à hydrogène, et en profiter pour répondre à une question posée par nos collègues de l’AVÉQ dans le billet suivant du 5 mars 2015 :

http://www.aveq.ca/actualiteacutes/march-04th-2015.

On peut y lire en effet la question ci-après, posée aux lecteurs :

« Est-ce que l’hydrogène vous intéresserait plus si vous pouviez aussi recharger la batterie du véhicule à la maison via une borne de recharge? » Autrement dit, est-ce qu’une Chevrolet Volt avec une batterie de 80 km d’autonomie électrique et un prolongateur d’autonomie à hydrogène serait plus acceptable?

Tout d’abord le reportage/débat du Téléjournal

J’avoue avoir été déçu de la complaisance de Radio-Canada envers l’hydrogène. Dans le reportage présenté d’entrée de jeu, il n’y avait pas personne d’interviewé pour donner un point de vue différent des fabricants comme Toyota et de ceux impliqués dans la fabrication de l’hydrogène, comme Air liquide. Ensuite, j’avais passé une bonne demi-heure avec la recherchiste pour une pré-entrevue dans laquelle j’ai exposé clairement tous les problèmes avec l’hydrogène. Or, au lieu de me faire parler là-dessus, Patrice Roy me demande pourquoi les voitures électriques se vendent « si peu ».

J’ai dû faire des choix déchirants entre répliquer à Marc Bouchard et être sur la défensive ou expliquer aux téléspectateurs pourquoi l’hydrogène n’a pas de sens. Certains m’ont reproché d’avoir pris l’exemple de la Chevrolet Volt au lieu d’une Tesla, par exemple. Mais j’ai jugé que la Model S est une voiture de luxe merveilleuse mais très chère, et qu’elle ne constitue pas présentement une solution pour une grande majorité de conducteurs.

L’argument principal mis de l’avant par les défenseurs de la voiture à hydrogène c’est son autonomie de 500 km et la possibilité de faire le plein en 5 minutes à une station-service. Or c’est exactement ce que permet de faire également la Chevrolet Volt.

Mais, comme je l’ai démontré dans mon entrevue au Téléjournal, une Chevrolet Volt avec 80 km d’autonomie électrique (2016) émet 10 fois moins de gaz à effet de serre (GES) qu’une voiture à hydrogène utilisant du gaz naturel pour produire l’hydrogène (émissions à l’usine d’hydrogène). C’est l’équivalent d’une consommation de 0,5 litre d’essence/100 km pour la Volt versus 5 litres/100 km pour une voiture à hydrogène.

De plus, l’hydrogène va coûter bien plus cher que l’électricité. Le VP sénior de Toyota Amérique du Nord a parlé d’un plein à 50 $ pour 500 km d’autonomie (http://ecomento.com/2014/08/13/bullish-toyota-admits-hydrogen-wont-be-cheap/). Mais il y a fort à parier que ce sera plus cher au début. Ça veut donc dire que quelqu’un qui roule 20 000 km dans une année devrait payer 2 000 $ d’hydrogène. À 18 kwh du 100 km pour une voiture électrique, on aurait besoin de 3 600 kwh pour parcourir cette distance, ce qui représente une somme de 325 $  (à 9¢ du kwh). L’hydrogène est donc 6 fois plus cher que l’électricité, et ça représente un coût supplémentaire de 1700 $ par année pour la voiture à hydrogène, seulement pour le carburant.

De plus, les voitures à hydrogène coûtent pratiquement deux fois plus cher que les voitures électriques (65 000 $ au lieu de 35 000 $).

Et finalement, un système pour effectuer 30 à 40 pleins d’hydrogène par jour coûte plus de 2 millions $, alors qu’un poste de recharge rapide niveau 3 (400 Volt CC) coûte entre 60 000 $ et 70 000 $. C’est donc 30 fois plus cher pour l’infrastructure d’alimentation en hydrogène que pour les bornes de recharge électriques rapides.

En résumé:

–  10 fois plus de GES pour les voitures à hydrogène que pour une Chevrolet Volt 2016,

–  6 fois plus cher pour l’hydrogène que pour l’électricité,

–  2 fois plus cher pour les voitures à hydrogène que pour les voitures électriques.

Ajoutons à cela qu’il n’y a aurait que quelques stations-service par ville pour l’hydrogène alors qu’on va avoir des centaines de postes de recharge rapide au Québec d’ici 2020, sans compter les milliers de postes de recharge à la maison et au travail.

Bref, dites-moi qui, dans un tel contexte, serait assez masochiste pour s’acheter une voiture à hydrogène?

Il n’y a que l’industrie des carburants fossiles qui en tirerait profit.

La question posée par l’AVÉQ à ses lecteurs

Rappelons cette question.

« Est-ce que l’hydrogène vous intéresserait plus si vous pouviez aussi recharger la batterie du véhicule à la maison via une borne de recharge? »

En fait, on pourrait également la poser comme suit :

Afin d’accommoder des voitures électriques avec un prolongateur d’autonomie à l’hydrogène, êtes-vous d’accord pour que le Québec dépense de 1 à 2 milliards $ pour implanter une infrastructure de stations-service pour l’hydrogène et que, ce faisant, il n’ait aucun gain pour les  GES par rapport à des voitures comme la Volt avec un prolongateur d’autonomie à essence?

Il serait évidemment absurde de faire une telle chose, particulièrement en période d’austérité économique, alors qu’il n’y a aucun avantage. Par contre, ce qui serait intelligent c’est de développer une filière de biocarburants de 2e génération faits à partir de déchets et de résidus. Là au moins il y aurait un gain au niveau des GES, et on n’aurait plus besoin de carburants fossiles.

Et je n’ai pas encore parlé des autres irritants de l’hydrogène, dont son caractère explosif. J’en sais quelque chose car j’ai travaillé dans un institut de recherche qui utilise de l’hydrogène. Vous auriez dû voir toutes les mesures de sécurité que nous avons dû prendre de même que la formation requise pour les techniciens. Alors laisser ça dans les mains de Monsieur tout le monde !?!?

Et puis, pour ravitailler une station-service en hydrogène, ça prend 15 camions pour apporter l’équivalent en énergie d’un camion d’essence, car l’hydrogène est sous forme gazeuse. Imaginez 7 à 8 camions d’hydrogène par jour à une station-service, avec le caractère explosif…

Il y a également un autre irritant dont on ne parle jamais. Le platine utilisé dans les piles à combustible à l’hydrogène est produit à plus de 85 % dans un seul pays, à savoir l’Afrique du Sud. C’est un quasi-monopole qui fragilise beaucoup la chaine d’approvisionnement. C’est bien pire que le pétrole au niveau géopolitique, et les fabricants n’aiment pas du tout s’approvisionner à une source unique. Qu’arriverait-il en cas de catastrophe naturelle majeure ou de guerre?

Les arguments de Marc Bouchard

Ne pouvant jouer sur ce tableau des désavantages de l’hydrogène, Marc Bouchard (l’intervenant pro hydrogène au débat du téléjournal 18h), se contente de dire que si Toyota le fait ça doit être sérieux et que les gens ne veulent pas d’une Volt à essence, et ils ne veulent pas changer leurs habitudes d’aller faire le plein à une station-service.

Reprenons ces arguments un par un. D’abord Toyota, le numéro un de l’automobile, ne peut se tromper. Eh bien, M. Bouchard, pour votre information, Kodak était le numéro un de la photographie et a même inventé les appareils-photos numériques. L’entreprise a pourtant fait faillite, car elle n’a pas voulu perdre de profit avec les pellicules photographiques et les produits chimiques pour le développement des pellicules. Il faut croire que l’industrie des carburants fossiles a une très grosse emprise sur les fabricants automobiles. Alors, je prédis que si les dinosaures de l’automobile ne veulent pas changer, et rapidement, ils vont également faire faillite et être remplacés par les Tesla, Apple et Google de ce monde.

Le deuxième argument que les gens ne veulent pas de Chevrolet Volt à essence est faux, puisque la voiture électrique la plus vendue au Québec, et de loin, est la Chevrolet Volt. Ses propriétaires font 80 % à 90 %  de leurs km à l’électricité et peuvent faire le plein d’essence dans toutes les stations-service en 5 minutes, au besoin.

Le troisième argument que les gens ne veulent pas changer d’habitudes et veulent continuer d’aller faire le plein à une station-service ne s’applique certainement pas à tous ceux qui ne vont plus aux stations-service, et partent de chez eux le matin avec une voiture électrique qui s’est rechargée la nuit. C’est comme les téléphones portables. Même s’il faut les recharger une fois par deux jours, pensez-vous que cela a empêché les gens d’en acheter? Se poser la question c’est y répondre. Sans compter que les chargeurs rapides (50 kw) publics vont se multiplier dans les années qui viennent, ceux-ci étant capables de redonner 100 km d’autonomie en 20 minutes. Et, si Tesla a déjà des superchargeurs de 130 kw capables de redonner 240 km d’autonomie en 20 minutes, je ne vois pas pourquoi on ne verrait pas apparaître des chargeurs ultra-rapides publics d’ici 5 ans qui pourraient faire de même ou mieux.

En terminant, il ne faut pas oublier que dès 2017, on aura au moins quatre fabricants qui offriront des voitures électriques à batterie avec 320 km d’autonomie (200 milles). En couplant ces voitures à des chargeurs ultra-rapides aux 50 km, il n’y aura plus aucun problème d’autonomie. Il y a une vingtaine de propriétaires québécois de Tesla qui se rendent présentement en Floride et vont faire le plein dans de tels superchargeurs, en 20 minutes à toutes les 2 heures. Dans 10 ans, ce sera 10 minutes aux deux heures et demie.

Il faut être rassuré toutefois, car même si des gens comme M. Bouchard vont tenter de convaincre les consommateurs d’acheter des voitures à hydrogène, ces derniers ne seront pas assez masochistes pour le faire, sauf bien sûr quelques riches en quête de nouvelle technologie. TROP CHER, PAS DE STATIONS D’HYDROGÈNE ET AUCUN AVANTAGE. Une voiture comme la Chevrolet Volt peut faire mieux et beaucoup moins cher.

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