Le 18 mai 2017, une équipe de chercheurs de l’Université Rice à Houston, dirigée par le professeur James Tour, a annoncé qu’ils avaient mis au point un prototype de batterie Li-ion capable de stocker trois fois plus d’énergie que les batteries Li-ion commerciales, tout en conservant 80 % de sa capacité de stockage après 500 cycles de recharge! Normalement, les gains importants sur la densité d’énergie des batteries Li-ion se traduisent par une courte durée de vie, de quelques dizaines de cycles de recharge, d’où le caractère prometteur de cette nouvelle technologie.
Pour fixer les idées, en supposant une batterie de 100 kWh (environ 500 km d’autonomie pour une voiture électrique) et un kilométrage annuel de 20 000 km, une telle batterie ne sera rechargée qu’une cinquantaine de fois dans une année. Donc, 500 cycles de recharge correspondent, dans ce cas, à une dizaine d’années d’utilisation, au bout desquelles la batterie afficherait une capacité de 80 kWh et une autonomie de 400 km. Toutefois, puisque cette batterie serait trois fois plus légère que les batteries utilisées par Tesla présentement, rien n’empêche de doubler sa capacité à 200 kWh, et aboutir à 160 kWh au bout de 10 ans, avec une autonomie qui passerait de 1000 km à 800 km sur cette période. Sans compter qu’une telle batterie de 200 kWh serait 33% plus légère que les batteries actuelles de 100 kWh de la Model S 100D de Tesla. Voilà ce que signifie cette découverte importante des chercheurs de l’Université Rice, qui ont publié leurs résultats dans un article de la revue ACS Nano, de l’American Chemical Society, daté du 16 mai 2017.
Pour augmenter la densité d’énergie des batteries Li-ion, il faut mettre de côté le graphite qui compose l’anode. Ce matériau, composé de feuillets empilés d’atomes de carbone, a pratiquement atteint ses limites de capacité de stockage d’énergie. Afin d’aller plus loin, l’équipe du professeur Tour a mis au point une nouvelle anode, composée d’une forêt de nanotubes de carbones liés à une couche de graphène (structure hexagonale d’atomes de carbones formant une feuille d’un atome d’épaisseur). La couche de graphène est déposée à la surface d’une mince feuille de cuivre. Voici l’agencement des atomes de carbone sur la nouvelle anode, selon une illustration du groupe de James Tour (Université Rice).
Les chercheurs ont vérifié qu’une telle anode, beaucoup plus légère qu’une anode en graphite, permet d’accueillir 10 fois plus de lithium pendant la recharge! Et, la grande surprise a été de réaliser que les nanotubes de carbone empêchent les dendrites de se former lorsqu’autant de lithium est déposé sur l’anode. Ces dendrites sont des excroissances de lithium qui poussent sur l’anode et éventuellement détruisent la batterie, en établissant un pont avec l’autre électrode (la cathode), ce qui produit un court-circuit. La batterie peut alors prendre en feu ou même exploser, selon la chimie de ses constituants.
Notons que les dendrites prolifèrent lorsqu’on veut utiliser une mince feuille de lithium métallique comme anode, à la place du graphite, une solution qu’on sait pouvoir conduire à des batteries stockant plus d’énergie. Les chercheurs de l’Université Rice ont ainsi résolu un problème majeur lié aux batteries Li-ion, qui empêchait, entre autres, d’utiliser du soufre dans la cathode, une chimie reconnue pour pouvoir tripler la densité d’énergie des batteries Li-ion commerciales.
Ayant en main leur nouvelle anode au graphène-nanotubes de carbone, ils ont pu mettre au point des batteries lithium-soufre (Li-S) avec une densité massique d’énergie (énergie spécifique) de 752 Wh/kg, capable d’être rechargées 500 fois et maintenir 80 % de leur capacité. Notons que les batteries Li-ion NAC, que Tesla utilise pour ses véhicules électriques, ont une densité d’énergie d’environ 250 Wh/kg. Les batteries Li-S prototypes de l’équipe Tour, grosses comme un 25¢, sont donc exceptionnelles!
Il y a, bien sûr, encore plusieurs informations qui manquent, comme la densité de puissance (possibilité de recharge rapide?), la plage des températures d’utilisation, l’aspect sécuritaire, et le coût anticipé. Mais, n’oublions pas qu’on n’en est qu’au tout début de cette nouvelle filière de batterie, et que, si l’un de ces paramètres est déficient, la recherche n’a pas dit son dernier mot. L’important c’est qu’on connaît, désormais, une deuxième façon d’enrayer le problème des dendrites dans les batteries Li-ion.
Pour ce qui est de la première façon, rappelez-vous un de mes articles récents où je vous parlais de l’équipe du professeur Goodenough de l’Université du Texas à Austin, qui, eux aussi, nous ont présenté une batterie Li-ion prototype capable de stocker trois fois plus d’énergie. C’était en février 2017. Pour éliminer les dendrites, ils utilisent un électrolyte solide sous forme d’une très mince couche de verre, qui conduit très bien les ions lithium mais stoppe les dendrites. L’anode de leur batterie est une mince feuille de lithium métallique.
Des batteries trois fois plus légères que celles d’aujourd’hui c’est ce qui va nous conduire aux avions électriques régionaux, aux bateaux électriques pour le cabotage, aux trains régionaux à batteries et aux camions lourds électriques, en plus des véhicules électriques légers à plus grande autonomie. Un avenir électrisant devant nous!
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