Certaines personnes ont demandé à Pierre Langlois s’il n’y avait pas lieu de réviser sa position sur les voitures à hydrogène utilisant une pile à combustible (PAC) dans le contexte d’un surplus d’électricité au Québec. Il répond aujourd’hui à cette question.
Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre Langlois ,Éco-Énergie à Montréal et Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Il a également siégé sur le comité aviseur responsable d’appuyer Daniel Breton dans le développement de la politique d’électrification des transports du Québec. Un gros merci à lui.
Transport routier: produire de l’hydrogène avec nos surplus d’électricité, est-ce raisonnable?
Bonjour à tous
Certaines personnes m’ont demandé s’il n’y avait pas lieu de réviser ma position sur les voitures à hydrogène utilisant une pile à combustible (PAC) dans le contexte d’un surplus d’électricité au Québec. L’idée étant qu’on pourrait produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau avec le surplus d’électricité.
Le premier point que j’aimerais faire valoir en relation avec cette possibilité est le fait que la pénétration du marché des véhicules avec une nouvelle technologie est très lente, même lorsqu’il y a des incitatifs et des rabais à l’achat. Prenons les véhicules électriques à batterie et les hybrides rechargeables comme exemple. Ces véhicules à motorisation électriques qu’on recharge sur le réseau sont rendus 5 000 sur les routes du Québec après 5 ans de commercialisation, sur un parc de 5 millions de véhicules légers, soit 0,1 % de pénétration en 5 ans. Si on atteint 2% de pénétration en 2020 (100 000 véhicules) ce sera très beau, après 10 ans sur le marché. Or, on ne devrait plus avoir de surplus d’électricité en 2030 (dans 15 ans), si on arrête de construire des barrages inutiles. Et en supposant une pénétration aussi rapide que celle des véhicules à motorisation électrique, les voitures à hydrogène pourraient atteindre une pénétration de 10 % 15 % en 2030.
Maintenant, il est IRRÉALISTE de penser que les voitures à hydrogène aient une pénétration aussi rapide que les voitures à motorisation électrique utilisant une batterie rechargeable sur le réseau. Les raisons sont bien simples:
- les voitures à PAC-hydrogène coûtent plus de 60 000 $ alors qu’une Leaf de Nissan coûte 35 000 $ et une Chevrolet Volt 38 000 $.
- l’hydrogène va coûter au moins 6 fois plus cher que l’électricité
- les postes de ravitaillement en hydrogène vont coûter près de 10 fois plus cher qu’une borne de recharge rapide pour voiture électrique
C’est une technologie très dispendieuse. Même si les ventes commençaient en 2015 au Québec, il n’y aurait vraisemblablement pas plus de quelques pourcents de pénétration en 2030, alors que les surplus d’électricité vont être résorbés, si on arrête de construire des barrages hydroélectriques inutiles.
Et n’oublions pas que ça prend 3 fois plus d’électricité à une voiture à PAC-hydrogène pour parcourir le même nombre de km qu’une voiture électrique à batterie. La raison est simple, la filière hydrogène est très inefficace. Au lieu d’envoyer l’électricité de nos barrages directement dans la batterie d’un véhicule, il faut produire l’hydrogène via électrolyse (30 % de pertes) le transporter et le comprimer (15 % de pertes) et retransformer l’hydrogène en électricité dans la PAC du véhicule (45 % de pertes), pour un total de 66 % de pertes.
Les défenseurs des voitures à hydrogène font valoir qu’on peut faire le plein en 5 minutes ce qui est bien mieux qu’une voiture électrique. Mais ils prennent bien soin de ne pas comparer avec les voitures hybrides rechargeables comme la Chevrolet Volt (qui peut également faire le plein d’essence en 5 minutes, au besoin. Avec une autonomie électrique de 80 km pour la Volt 2016 (photo ci-dessous), les gens vont pouvoir faire 90 % de leurs km à l’électricité, et aller en Floride s’ils le désirent en faisant le plein dans toutes les stations-service existantes, alors qu’il n’y aurait qu’un nombre limité de postes d’approvisionnement en hydrogène.
Par ailleurs, nous avons vu au Salon de Détroit, au début janvier 2015, que trois fabricants (GM, Tesla et Nissan) promettent pour 2017 des voitures entièrement électriques avec des autonomie de 320 km (200 miles) et un prix autour de 35 000 $. Or, en 2017 il devrait y avoir une centaine de postes de recharge rapide de niveau 3 sur le territoire québécois, qui vont pouvoir ajouter plus de 100 km d’autonomie électrique en 20 minutes. Les longs trajets vont devenir alors tout à fait réalistes, moyennant une pause de 20 minutes aux 2,5 heures.
Définitivement, la meilleure façon d’utiliser nos surplus d’électricité dans les transports c’est de renforcer encore la filière des véhicules électriques et hybrides rechargeables avec une autonomie de plus de 50 km à l’électricité. Oubliez l’hydrogène, qui vise seulement à poursuivre plus longtemps l’ère des carburants fossiles (95 % de l’hydrogène sur la planète est produit à partir des carburants fossiles).
Bien cordialement
Pierre Langlois, Ph.D., physicien
Consultant en mobilité durable,
Auteur et conférencier
Téléphone : 418-875-0380
Courriel: pierrel@coopcscf.com
Site Internet: www.planglois.com
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