OK, je ne suis pas Sylvain Juteau. Donc ça ne sera pas Montréal-Miami, soyons modestes. Notre première sortie en mode pur électrique au volant de la Volt qui nous est prêtée sera Longueuil… Sainte-Adèle.
Si possible, on rechargera en route pour se rendre le plus loin possible avant de tomber en mode essence, ce qui est inévitable, puisque nous nous rendons jusqu’au Grand lac Nominingue, où j’ai mon chalet.
Le week-end s’annonce magnifique pour ce premier roadtrip père-fils aussi écolo que possible. La voiture est prête, fraîchement rechargée, on monte, on part et on roule! Daniel est le pilote, je suis copilote et accessoirement de service à la rédaction. On fait le plein au départ, pas loin de la maison.
Premier effet de rouler enfin électrique : disparition de la culpabilité ressentie dans l’utilisation d’une voiture pour se promener. Bien sûr, il y a un peu d’usure des pièces, mais l’idée de brûler des kilowatts plutôt que des litres d’essence est vraiment cool.
Autonomie prévue avec le plein : 575 km sur le tableau de bord digne d’une console de jeu, dont 62 kilomètres électriques projetés + 513 pétroliers. Ceux qui ont des goûts pour les technologies sont servis par la panoplie d’indicateurs. Moi, j’en raffole.
Pas surprenant que les conducteurs électriques développent une fascination pour l’autonomie : je découvre qu’à chaque seconde, le flot d’énergie, la qualité « écolo-énergétique » de la conduite, tous est indiqué, analysé, décortiqué, permettant de vivre une symbiose conducteur-voiture.
Nous roulerons de Longueuil jusqu’au Grand Lac Nominigue, où j’ai mon chalet. Nous en avons pour 220 environ km. Le GPS, en raison du trafic, nous annonce 2h20.
Il y a quelques bornes de recharge en chemin, on verra si ça pourra aider. Nous choisissons de traverser la ville pour expérimenter la conduite urbaine.
On traverse Montréal
On prend Jacques-Cartier et on remonte Delorimier. Très agréable de rouler en ville. On sent que les cyclistes et piétons remarquent moins l’approche de la voiture. Le petit klaxon doux situé à gauche du volant permet de nous annoncer sans leur causer un arrêt cardiaque. Tout baigne, et je suis émerveillé de voir le mode L récupérer l’énergie. La voiture est une sorte de super hybride avec une capacité d’autonomie en plus.
Rendus au pont de la Rivière des milles-iles, nous n’avons dépensé que 13 km sur l’autonomie électrique prévue, même si nous avons déjà roulé 37 kilomètres. Je ne comprends pas trop, mais il faut croire que la conduite de mon fils est efficace – c’est à dire éconoénergétique.
Le temps magnifique pousse les gens vers le nord. Pour l’instant, nous sommes un peu pris dans le gros trafic sur l’autoroute 15. Aucune idée de l’effet sur l’autonomie, tandis que Google Maps m’indique au moins une bonne heure pour y arriver. Pas grave, nous ne sommes pas pressés. C’est un road-trip bien relaxe.
Comme copilote, je surveille Plugshare, que je viens d’installer, si nous trouverons une borne de recharge là où nous pourrons aussi en profiter pour diner. J’en localise une à Sainte-Adèle, à l’Hotel-SPA sur la rue principale. 50 km de distance. Je ne sais pas si nous pourrons tenir en mode électrique pur.
Très agréable d’avoir un chauffeur (1). Cela dit, le lourd trafic ne semble pas nous avantager. Le fils s’inquiète des coches de batterie qui s’envolent graduellement sur le tableau de bord. On ne se rendra peut-être pas à Sainte-Adèle en pur électrique. Viserons-nous plutôt la Porte du nord? On verra.
L’autoroute se libère peu avant Saint-Jérome. Le fils roule à 100 km/h, puis constate que la « boule » d’efficacité énergétique du tableau de bord flotte au-dessus la cible d’économie. Il ajuste donc sa vitesse jusqu’à 93 km/h, ce qui centre la « boule ». Tout baigne.
Second effet de la conduite électrique : l’objectif, ce n’est pas de faire crisser ses pneus, de klaxonner les plus lents et de faire gronder le moteur, mais plutôt d’être « parfait » dans notre conduite. Enfin, le plus possible. Voilà les germes d’une éthique de la conduite qui me semble tout à fait rafraichissante.
Le fils jette un coup d’oeil rapide à sa conduite: 99% d’efficacité, on ne peut pas faire beaucoup mieux. Mais oui! 100%! dit-il avec fierté. Puis, à nouveau 99%. Pas mal pour une première sortie. Mais c’est une journée plutôt chaude, alors l’air climatisé fonctionne, à 23 degrés, et il consomme… 19% de l’énergie.
Vous allez me dire : pourquoi ne pas ouvrir les fenêtres et fermer la climatisation? La question est pertinente, nous en avions d’ailleurs discuté avec Yannic Asselin, de Gravel auto Ile-des-soeurs, qui prête la Volt pour la semaine. D’après lui, l’usage modéré de la climatisation serait préférable à l’ouverture des fenêtres, en particulier sur l’autoroute, pour maintenir le coefficient aérodynamique de la voiture.
Arriverons-nous à Sainte-Adèle?
La route est libre à partir de la Porte du Nord. Mais nous sommes inquiets : la batterie est en baisse, il ne reste que 11 km d’autonomie électrique pour nous rendre à Sainte-Adèle. Nous avons roulé jusqu’ici 73 km, pour une utilisation électrique totale de 9.9 kWh jusqu’ici.
Le fils ajuste le régulateur de vitesse à 94, la boule est bien au milieu, mais les km disponibles continuent à baisser lentement. Arriverons-nous à Sainte-Adèle?
Sans blague, j’imagine qu’avec une voiture purement électrique, il doit parfois y avoir ce genre de stress si on a mal planifié: arriver ou pas. Alors qu’avec cette électrique « à autonomie prolongée », pas de stress. Mais on aimerait bien se rendre à notre but.
Rien à faire, pas de borne à proximité, le fils m’annonce que nous allons bientôt rouler en mode « gaz », puisque nous n’avons plus que 5 km d’autonomie et d’après Google maps, il nous reste 13 km à franchir.
En face de nous, des retardataires. Le fils s’impatiente. Il veut doubler. Longue discussion. Nous optons plutôt pour redoubler de patience. Continuons à viser une conduite optimale.
Il ne reste plusque 3 kms d’autonomie. Nous n’y arriverons pas. Puis, 1 km. Il va falloir se résoudre à retomber dans les combustibles fossiles et… Le gaz!
On passe au gaz
Le moteur vient de s’enclencher, pour la première fois. Mais on l’entend à peine, c’est surprenant. Il n’est vraiment pas bruyant. Rappelons, pour ceux qui ne connaissent pas la Volt, qu’il s’agit d’une génératrice qui ne propulse pas directement la voiture mais se contente de recharger la batterie. Tout de même, au compteur… 79 kms en mode électrique pur. Pas si mal pour un premier essai.
Il nous reste 8 km jusqu’à l’Hôtel-SPA, où une borne devrait se trouver. Nous remontons maintenant la vieille route 117, empruntée souvent dans mon enfance, quand nous montions au chalet.
Ah! Voilà l’hôtel, sur la gauche. Mon fils est d’autant plus content qu’il est affecté par une sérieuse envie de pisser. Nous nous stationnons et marchons jusqu’à la réception.
« Bonjour. Nous aimerions manger. La borne est-elle disponible? »
L’employée vérifie. Je regarde en même temps dans l’application, et constate qu’elle est réservée aux clients. Mais elle nous dit gentiment qu’ils peuvent nous accommoder.
« Mais la salle à diner n’est pas disponible aujourd’hui. Il y a un mariage, elle est réservée. » Déception! Elle nous suggère gentiment le Saint-Hubert croisé plus bas, qui disposerait d’une borne, affirmation qui étonne son collègue.
La vessie du fils tiendra-t-elle? Il pense que oui, après avoir desserré sa ceinture, ce qui renforce le côté Yo de son style.
On file donc au Saint-Hubert en descendant la rue principale. On fait le tour, mais aucune prise en vue. J’appelle le restaurant : avez-vous une prise?
« Non… Mais il y en a une à l’Hôtel de Ville, pas loin. »
On continue. Le conducteur tient le coup, mais Google maps nous fait tourner en rond. Pendant ce temps, j’avise qu’une autre prise est disponible à L’Hotel-Chanteclerc, pas très loin. Je lis l’information fournie par Plugshare: « Il y a une « cabane » avec une sortie 120V accessible à partir du stationnement. Il faut aller demander la permission en premier. » Hum. 120V, ça sera plutôt symbolique, comme charge.
Juste à ce moment, on avise le Subway sur le boulevard Sainte-Adèle. Après consultation de l’ensemble des membres de l’équipe, on prend une difficile décision : la vessie avant la batterie. Ce qui se traduit en langage post-ado par : « Fuck it la charge, je m’en vais pisser. » C’est sans appel.
On s’arrête donc au Subway, terme de notre roadtrip (presque) électrique.
Notre premier bilan
Un coup d’oeil au tableau de bord nous permet de faire le bilan suivant:
– 99.3 km au total sur 11.3 kWh,
– 79 km roulés électriques,
– 20.3 km sur essence (à force de tourner en rond dans Sainte-Adèle),
– 1.5 litres d’essence utilisée au total,
– soit 1.46 L aux 100 km.
Le fils disparu aux toilettes, je me dirige vers le comptoir, où nous commandons deux clubs au thon. Je ne sais pas pourquoi, rouler électrique pousse même mon fils à manger santé.
De notre banquette, nous contemplons Sainte-Adèle qui s’étend dehors, par cette magnifique journée, encore fébriles après une première épopée électrique qui nous a demandé courage, persévérance, abnégation, et surtout, une certaine capacité vésicale. Et ce fut un grand plaisir de conduite, à n’en pas douteux. Nous y reviendrons.
On repart ensuite pour le chalet, en mode essence, ce qui sera tout aussi nouveau pour nous. Du point de vue des passagers, quasiment pas de différence, mis à part le ronronnement discret du moteur à essence.
Je trouve fascinant d’observer alors les modifications constantes effectuées par la voiture dans les modes de propulsion, qu’on peut suivre à la seconde près sur le tableau de bord: propulsion pure essence dans les montées; recharge partielle de la batterie sur le plat; propulsion mixte essence-électrique dès que la batterie peut à nouveau fournir; extinction du moteur a essence et recharge de la batterie dans les descentes; propulsion pure électrique quand la batterie est suffisamment rechargée, etc.
On croirait suivre pas à pas les travaux d’une centrale d’optimisation de l’énergie, ce qui permet de prendre bien conscience de tout ce qui est en jeu dans la conduite mixte.
Tout cela nous enthousiasme tellement que nous ne pouvons résister à un arrêt au marchand de sculptures en ciment après Labelle, sur la 117. Je remarque le hibou, mais ma femme n’apprécierait pas. Finalement, je me décide pour Simplet, très laid, que je mettrai dans l’entrée.
Arrivée et fin de l’épopée!
Et au bout de cette modeste épopée, nous arrivons enfin au Grand lac N
ominingue, pour le bilan énergétique final que je note avant de rebancher la voiture sur la prise 120 V du chalet avec la borne fournie avec la voiture. 4 litres au 100 km au total pour environ 225 km, pas si mal!
Après un bon souper et une excellente nuit de sommeil, nous sommes frais et dispos pour attaquer une tâche herculéenne le lendemain: réussir à décoincer les fenêtres doubles afin de les laver convenablement, ce qui n’avait pas été fait depuis 29 ans!
Comme quoi conduire électrique, c’est vraiment tout à fait inspirant. Au moins autant que la vue du lac à l’arrivée.
Alain Vadeboncoeur, le père
(1) Ça nous donne des idées pour un futur roadtrip: si nous essayons un jour une Cadillac rechargeable, le fils s’habillera en chauffeur et je m’assoirai à l’arrière, en habits sports à la mode, verres fumés et oreillette Bluetooth en prime, et sortirai de la voiture rapidement en transportant avec moi une petite mallette noire. Me semble que ça aurait du style. Tout le contraire de moi.