Entre espoirs industriels et défis titanesques, le secteur du transport lourd québécois vit une transformation historique. Des semi-remorques électriques de 40 tonnes aux camions hybrides conçus dans un garage de Merritt, notre reportage plonge au cœur d’une révolution qui pourrait redéfinir le transport commercial.
Le Québec, terre d’innovation pour les poids lourds électriques
Lion Electric : le géant québécois en péril
L’histoire de Lion Electric, basée à Saint-Jérôme, illustre parfaitement les turbulences du secteur. Pionnière avec son Lion8, premier camion lourd entièrement électrique conçu et fabriqué au Québec dès 2019, l’entreprise traverse aujourd’hui une crise existentielle. Mise sous protection judiciaire, elle mise désormais sur sa nouvelle usine de batteries pour rebondir.
Le Lion8, avec ses 470 chevaux et 2 507 lb-pi de couple, promettait une autonomie de 400 km et des économies de 80% sur les coûts d’exploitation. Conçu entièrement au Québec, incluant sa cabine en matériaux composites dessinée par Paul Deutschman, ce camion de classe 8 représentait l’ambition industrielle québécoise dans le transport lourd électrique.
Edison Motors : la révolution venue de la Colombie-Britannique
Plus à l’ouest, une histoire fascinante se dessine. Chace Barber, ancien camionneur forestier frustré par l’absence du Tesla Semi promis, a décidé de construire son propre camion dans le garage de ses parents à Merritt. Son L500 diesel-électrique hybride, certifié pour la route en 2024, promet de réduire la consommation de diesel de 70% tout en pouvant fonctionner uniquement sur batterie pendant trois heures.
Avec huit camions prévus pour fin 2025 et une usine en développement à Terrace, Edison Motors représente l’innovation artisanale canadienne. Au prix de 450 000,soit150000, soit 150 000 ,soit150000 de plus qu’un diesel conventionnel, le retour sur investissement se fait grâce aux économies de carburant estimées entre 30 et 40%.
Les géants internationaux débarquent
Volvo mène la charge commerciale
Labatt Breweries vient de passer la plus grosse commande canadienne de Volvo VNR Electric, profitant des subventions fédérales iMHZEV (jusqu’à 75 000$) et du programme québécois Écocamionnage. Ces camions électriques serviront à livrer la bière québécoise avec zéro émission, marquant une étape symbolique forte pour l’industrie.
Le mystère Tesla Semi
Pendant que PepsiCo et Frito-Lay testent les Tesla Semi en Californie avec des résultats mitigés (consommation de 105 kWh/100 km, autonomie réelle de 640 km), le Québec attend toujours. Tesla prévoit une production de masse pour fin 2025 dans sa nouvelle usine du Nevada, mais aucune date n’est annoncée pour le marché canadien.
La nouvelle vague : Rizon arrive
Daimler lance sa marque Rizon au Canada avec des camions de classe 4 et 5 offrant jusqu’à 257 km d’autonomie. Les premières livraisons ont débuté fin 2024, avec des véhicules adaptés aux besoins locaux : bennes, réfrigérés, plateaux. Le Québec fait partie des trois provinces prioritaires avec l’Alberta et la Colombie-Britannique.
L’infrastructure : le défi colossal
Le mégachargeur québécois
Hydro-Québec, via Circuit électrique, installe un chargeur de 1,2-1,4 mégawatts sur l’autoroute 15 dans les Laurentides, prévu pour l’été 2026. Ce sera l’un des premiers au Canada, capable de recharger un camion lourd en quelques dizaines de minutes plutôt qu’en heures.
“Notre plus gros problème actuellement, c’est qu’on ne trouve aucun camion avec connecteur MCS pour tester l’équipement”, confie Archambault de Circuit électrique, illustrant le paradoxe de l’œuf et de la poule qui freine le déploiement.
Les programmes de soutien : un levier essentiel
Subventions massives mais fragiles
Le programme fédéral iMHZEV offre jusqu’à 200 000$ par camion selon la classe, mais son avenir reste incertain après la pause brutale des subventions pour véhicules légers. Au Québec, l’Écocamionnage était crucial avant son arrêt soudain, créant de l’inquiétude dans l’industrie. La nouvelle loi 81 instaure un système de crédits pour encourager les ventes de camions lourds électriques, mais les détails restent flous.
Un calcul économique complexe
Avec des prix d’achat deux à trois fois supérieurs aux diesels (300 000$ à 600 000$ pour un électrique contre 150 000$ à 200 000$ pour un diesel), l’équation financière repose entièrement sur les économies d’exploitation :
- Carburant : économies de 60 à 80%
- Entretien : réduction de 60% des coûts
- Durée de vie : potentiellement supérieure grâce à moins de pièces mobiles
Les défis spécifiques au Québec
L’hiver, l’éternel test
Les températures extrêmes réduisent l’autonomie de 30 à 40%, un défi majeur pour les longues distances. Les fabricants développent des systèmes de préconditionnement et de gestion thermique avancés, mais le test hivernal québécois reste le plus redoutable.
La géographie unique
Les routes montagneuses de l’Abitibi ou du Saguenay exigent des performances en côte que seuls les moteurs électriques peuvent vraiment offrir avec leur couple instantané. Paradoxalement, la récupération d’énergie en descente pourrait faire du relief québécois un avantage.
L’hydroélectricité, atout maître
Avec une électricité propre et abondante, le Québec offre le meilleur bilan carbone possible pour les camions électriques. Chaque diesel remplacé représente une réduction massive d’émissions, sans déplacer la pollution vers la production électrique.
L’avenir se dessine maintenant
Selon Geotab, 76% des camions diesel actuellement en service au Canada pourraient être remplacés par des modèles électriques. Au Québec, avec ses distances moyennes plus courtes et son réseau électrique robuste, ce pourcentage pourrait être encore plus élevé.
Les prochains 18 mois seront cruciaux : arrivée de nouveaux modèles, déploiement de l’infrastructure de recharge, clarification des programmes de subventions. Le Québec a tous les atouts pour devenir un leader nord-américain du transport lourd électrique, mais la fenêtre d’opportunité ne restera pas ouverte éternellement.
Pour les entreprises de transport québécoises, le moment est venu de planifier la transition. Avec l’expertise locale d’entreprises comme Roulez Électrique qui peuvent accompagner cette transformation complexe, depuis l’analyse des besoins jusqu’à l’installation de l’infrastructure de recharge adaptée aux poids lourds, le Québec peut écrire une nouvelle page de son histoire industrielle.
Références
Sources québécoises et canadiennes
- Lion Electric Co. – Premier camion lourd électrique québécois
- Electric Autonomy Canada – Couverture des véhicules lourds électriques
- Edison Motors – Camions hybrides fabriqués en C.-B.
- Edison Motors commence la production
Projets et infrastructures
- Labatt commande des Volvo VNR Electric
- Circuit électrique installe un mégachargeur au Québec
- Rizon arrive au Canada
Tesla Semi et industrie internationale
- Tesla Semi – Retours de PepsiCo
- Production Tesla Semi prévue pour 2025
- Flotte Pepsi fortement subventionnée