Nous l’attendions avec impatience, il a été dévoilé hier : Le “Cybertruck” de Tesla, le pickup électrique “extrême” d’Elon Musk.
Parler d’un look hors de l’ordinaire relève de l’euphémisme. Nous sommes ici en présence d’un exercice de style radical. On a beau être des fans de la marque, on sort ici complètement des sentiers battus. Alors que pour les modèles S, X et 3, on a plutôt misé sur une certaine élégance, l’équipe de designers a ici opté pour le look “post-apocalyptique” à la Bladerunner.
Des chiffres impressionnants
Avec une autonomie variant de 400 à 800 (!) kilomètres, une capacité de remorquage de 7500 à 14 000 livres, une accélération de 0 à 60 mph entre 6,5 et 2,9 secondes et un prix variant entre 39 900 $ et 69 900 $ US, ce véhicule présente des statistiques impressionnantes, c’est le moins qu’on puisse dire.
À tel point que ceux-ci démontrent que Tesla peut clairement menacer l’hégémonie des constructeurs automobiles traditionnels avec leur technologie électrique.
SAUF QUE tous ces chiffres n’en feront pas un succès pour autant.
1- On a qu’à regarder la “boîte” du camion pour constater que celle-ci risque d’être peu pratique pour les travaux du quotidien. Où met-on un support de toit ou une échelle sur un tel véhicule ?
2- Hormis des inconditionnels de la marque, je doute fort que les principaux utilisateurs de pickups se ruent vers les magasins Tesla. Non seulement ceux-ci sont-ils généralement plus conservateurs que la moyenne des gens, mais ils sont aussi visuellement plus conservateurs que la moyenne des consommateurs.
Electrek affirme que le marché “is missing the point” en ayant plombé la valeur de l’action de Tesla suite au lancement de ce camion. Je pense au contraire que le marché a malheureusement bien compris que les acheteurs traditionnels de pickups seront fort peu nombreux à s’intéresser à ce camion qui risque au contraire de devenir un objet de moquerie de la part de ces gens.
Nous tous qui sommes convaincus de l’intérêt de l’électrification des transports avons souvent tendance à surestimer le côté rationnel des gens ET à sous-estimer le côté mouton de Panurge de la majorité d’entre eux. Ce camion s’étant peinturé dans le coin (c’est le cas de le dire avec toutes ces arrêtes!), il ne passera jamais la rampe de la marginalité.
Ce véhicule n’est pas sans rappeler le Pontiax Aztek… dont le succès a été pour le moins mitigé.
Ce que je trouve particulièrement décevant de ce véhicule, c’est qu’il risque de devenir un objet de culte pour certains inconditionnels de la marque, mais qu’il n’élargira d’aucune manière le marché des acheteurs potentiels de véhicules électriques. Or, c’est justement ce que dit vouloir Elon Musk : des véhicules électriques pour les masses. Le Cybertruck de Tesla est tout sauf un véhicule électrique pour les masses alors que le marché des pickups est le plus important marché en Amérique.
Certains aimeront, mais je suis persuadé qu’ils seront rares.
À mon humble avis, les dirigeants de GM, Ford, FCA… et Rivian doivent être très heureux ce matin.
Malgré ses spécifications impressionnantes, Elon Musk a malheureusement voué ce camion à la marginalité.
… À moins que son look à mi-chemin entre un Hummer H1 et un avion furtif n’ait été spécifiquement désigné pour l’armée ou la police? Ça pourrait peut-être leur assurer un carnet de commandes bien rempli.
Daniel Breton
266 articles
Premier chroniqueur spécialisé en véhicules verts au Canada, Daniel Breton est aujourd’hui président et chef de la direction de Mobilité Électrique Canada, blogueur et consultant en matière d’énergie, d’environnement et d’électrification des transports. Sa carrière politique comme député à l'Assemblée nationale, puis comme ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs a été marquée par son implication envers l’environnement. C’est en tant qu’adjoint parlementaire de la première ministre du Québec qu’il a été responsable de la Stratégie d’électrification des transports. Daniel a été chroniqueur sur de nombreuses plateformes reconnues (journaux, télévision et sites Web) et a donné plusieurs conférences sur l’énergie et les transports verts. Mentionnons également qu’il a été conférencier invité au Bangladesh à l'occasion du Sommet de Copenhague, président fondateur du groupe Maîtres chez nous-21e siècle (MCN21) ainsi que coordonnateur et porte-parole de la Coalition Québec-Vert-Kyoto.