Comme les électromobilistes le savent, la consommation d’énergie d’une voiture électrique est mesurée en kWh/100 km. Voici un graphique qui illustre cette consommation (selon l’EPA) pour les voitures électriques les plus populaires, avec un seul moteur. J’y ai mis la masse des voitures en kg ainsi que leur autonomie EPA en km.
On y constate qu’en valeur absolue la Hyundai Ioniq électrique offre la plus faible consommation. Mais, son autonomie n’est que de 198 km, comparativement à celle de la Model 3 qui s’élève à 496 km. Pour obtenir cette grande autonomie, la Model 3 a une grosse batterie qui ajoute 310 kg de plus à la voiture, comparativement à la Ioniq. Il est normal qu’un véhicule plus lourd consomme plus d’énergie. On ne peut donc pas déterminer quelle voiture est la plus efficiente avec un graphique de consommation d’énergie qui ne tient pas compte de la masse du véhicule. Pour pouvoir comparer des voitures de masses différentes, il faut diviser la consommation de la voiture par sa masse, en tonne. C’est ce que j’ai fait dans le graphique ci-dessous.
Là, on voit que la championne est la Model 3. Sa consommation d’énergie par tonne est 22 % plus faible que celle de la Nissan Leaf 2018.
Cette excellente performance de la Model 3 est en grande partie due au nouveau moteur, plus efficient, et à la nouvelle génération d’électronique de puissance, également plus efficiente.
Un moteur à induction (moteur asynchrone), comme celui des Model S et X, a typiquement une efficacité maximale inférieure à 90 %. Par contre, le nouveau moteur arrière de la Model 3, est un moteur synchrone à reluctance commutée, assisté par des aimants permanents intérieurs, selon un article de Clean Technica daté du 28 mai 2018, et écrit par Steve Bakker. Ce dernier se base sur les photos réalisées lors du démontage d’une Model 3 par l’entreprise de Sandy Munro. Or, les bons moteurs synchrones à reluctance commuté, avec des aimants permanents à l’intérieur du rotor, ont une efficacité supérieure à 95 %. On aurait donc un gain en efficacité au niveau du moteur de 7 % environ.
En ce qui concerne l’électronique de puissance (onduleurs, redresseurs, convertisseurs DC-DC) la Model 3 est la première voiture électrique commerciale à utiliser le carbure de silicium (SiC) au lieu du silicium, comme semiconducteur (voir l’article de Clean Technica cité plus haut). Cette nouvelle technologie permet de réduire jusqu’à 80 % des pertes associées à l’électronique de puissance basée sur le silicium. Et, selon l’article «Wolfspeed launches a new silicon carbide MOSFET for EV inverters» dans le magazine électronique Charged (14 mars 2017), les pertes attribuables à l’électronique de puissance au silicium, dans une voiture électrique, sont de l’ordre de 7 %. Une diminution de 80 % de ces pertes signifierait donc un gain d’environ 5 % dans l’efficacité de la Model 3, dû à l’électronique de puissance au carbure de silicium.
Toyota a mis en ligne une vidéo explicative sur les avantages du carbure de silicium ICI. La compagnie japonaise estime que pour leurs voitures hybrides ordinaires (non rechargeables sur le réseau) les pertes électriques, dues aux semiconducteurs de puissance au silicium atteignent 20 %. Toyota prévoit diminuer la consommation de carburant de ses voitures hybrides de 10 % en introduisant les semiconducteurs au carbure de silicium, au début des années 2020 (voir l’article «Toyota improve hybrid fuel efficiency by 10 % with SiC inverter» du blogue Electric vehicle news, 21 mai 2014). Il faut dire que dans une voiture hybride il faut passer deux fois dans l’électronique de puissance, puisqu’on recharge d’abord la batterie avec le générateur à essence, avant d’utiliser l’électricité stockée pour actionner le moteur électrique. En ce qui concerne les voitures électriques à 100 % on ne passe qu’une fois, sauf pour le freinage regénératif, ce qui explique le plus faible gain pour une voiture électrique.
Mais, revenons à la Model 3 de Tesla. En additionnant les gains dus aux nouvelles technologies de moteur et d’électronique de puissance, on a un gain total d’approximativement 12 % dans l’efficacité, qui se traduit dans une diminution de la consommation d’énergie de 12 %. C’est un impact majeur, qui permet de réduire la taille de la batterie de 12 % et économiser, même si l’électronique au SiC est plus chère.
Décidément, Tesla prend les choses TRÈS au sérieux en ce qui concerne leurs véhicules électriques! Ils innovent tous azimuts : moteur, électronique de puissance, batteries à haute densité d’énergie, conduite autonome, toit en verre, tableau de bord épuré, mises à jour automatiques, réseau de superchargeurs…
Si Tesla réussit à sortir une voiture électrique plus abordable, ils vont être réellement durs à battre, car la conduite de la Model 3 est sublime (je l’ai essayé récemment).
Pierre Langlois