Voitures électriques

Aller-retour Salaberry-de-Valleyfield – Îles-de-la-Madeleine en Spark EV: un défi impossible à relever ?

Par Stéphane Bourque /

Récemment, j’ai décidé de mettre en œuvre une idée qui me trottait dans la tête depuis un bout de temps, soit de faire une visite dans ma région natale avec ma Spark électrique. Avec sa batterie de 19 kWh, on est loin du véhicule idéal pour ce genre de périple. On peut qualifier de plus que modeste son autonomie qui varie entre 70 et 130 kilomètres au gré des saisons. Rien d’impressionnant, mais en revanche, ce petit bolide dynamique possède un système de recharge rapide très efficace permettant de reprendre rapidement la route après un bref arrêt.

Il est évident que ce circuit est une exception qui n’a rien à voir avec l’utilisation normale que l’on s’attend de ce véhicule et par surcroît au mois de mars. Par contre, c’est une bonne occasion pour voir ce qu’il a dans le ventre. Si faire ce voyage en Spark est techniquement possible, il faut savoir que rationnellement parlant ce n’est pas raisonnable du tout : l’autonomie limitée fera en sorte que les recharges seront très fréquentes et on dispose de peu de marge de manœuvre pour faire face aux imprévus. Donc, ce voyage en Spark s’adresse aux adultes avertis. Tenez-vous-le pour dit !

Avant de partir à l’aventure, un peu de préparation s’impose. J’ai d’abord recherché comment le trajet de 1 350 kilomètres était desservi en bornes de recharges. Bonne nouvelle, toute la route se retrouve desservie en bornes rapides (BRCC). Le plus long tronçon entre deux BRCC est présentement de 85 km, ce qui est pratiquement à la portée de toutes les voitures électriques.


Avec l’ajout récent des BRCC à l’Île-du-Prince-Édouard, il est désormais possible de compter sur des recharges rapides tout le long du trajet menant aux Îles-de-la-Madeleine. Image PlugShare.

J’ai remarqué qu’au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard, chaque site de recharge est généralement muni d’une seule BRCC, mais toujours accompagnée d’une borne 240 v (niveau 2). En cas de non-disponibilité de la BRCC, on dispose d’un plan B à portée de la main pour les imprévus. La borne portative 120 volts étant considérée ici comme le plan C pour des raisons évidentes.

Il y a un an à peine, ce périple aurait été plus difficilement envisageable, car il aurait alors fallu que certaines recharges se fassent sur des bornes de niveau 2 qui sont beaucoup plus lentes. Ces dernières conviennent mieux pour les recharges dites de destination, comme lors d’un arrêt pour une nuitée à l’hôtel.

Et c’est parti pour le voyage !
Un dernier coup d’œil à la météo et me voilà en route. Malgré que nous sommes au mois de mars, la température est autour de 0 degré et je bénéficie d’un léger vent dans le dos pour une bonne partie du trajet.

Tout le long du parcours, les recharges se déroulent bien. La puissance atteint rapidement son maximum de 46-47 kW et se maintient jusqu’à 80% où elle commence à diminuer. À chaque recharge, je dois alors me demander si ça vaut la peine de charger davantage en estimant si une recharge à 100% me permettrait d’aller à une station de recharge plus loin par rapport à 80%. Si j’ai une chance de reporter à plus loin mon prochain arrêt je poursuis la recharge sinon, je débranche et je repars aussitôt.

Une fois de retour sur la route, je surveille en parallèle l’autonomie qu’il me reste et le kilométrage à parcourir à l’aide de mon bon vieux GPS. Au besoin j’adapte ma vitesse pour atteindre ma cible ou bien je change d’objectif si je vois que je suis mal parti pour m’y rendre. Il faut se garder une marge de manœuvre raisonnable sans exagération. Trop serré je risque la panne sèche et trop conservateur j’ajoute davantage d’arrêts qui sont déjà assez nombreux comme ça. Rouler en Spark sur de longues distances l’hiver c’est de la gestion à plein temps.

Première journée de parcours sur l’autoroute 20.

Après ma première journée, j’ai parcouru 724 km en 12 heures comprenant 3 heures pour faire 10 recharges. Tout s’est passé rondement avec une vitesse de croisière entre 90 et 100 km/h. À ma grande surprise, je n’ai ressenti aucune fatigue durant la route. Le grand nombre de pauses que m’imposent les recharges n’étant pas étranger à cette situation. À quelque chose malheur est bon. Finalement, je passe la nuit à Grand-Sault.

La deuxième journée se déroule également sans historie. Initialement j’espérais me rendre à Borden-Carleton, mais finalement tout se passe bien et j’ai poursuivi jusqu’à Souris où je serai fin prêt pour le traversier le lendemain après-midi. J’ai donc une demi-journée d’avance sur mon itinéraire. En fin de compte, ce n’était pas la peine de me presser, car en raison des forts vents, la traverse est reportée d’une journée. Ce n’est pas une première. On fera avec cette réalité des maritimes.

Le surlendemain, j’embarque donc à bord du CTMA Vacancier qui nous conduit en un peu plus de 5 heures à Cap-aux-Meules. Il ne me reste que quelques kilomètres à franchir et me voilà rendu à destination. Après 2 jours, 1 370 km et 19 recharges rapides on peut dire première étape réussie !

Embarquement à Souris en direction des Îles-de-la-Madeleine.

Petite pause aux Îles-de-la-Madeleine avant le retour
Aux Îles, je n’ai passé que quelques jours sur place pour visiter ma famille et prendre quelques clichés. Durant mon séjour, mes recharges se font avec la borne portative de 120 volts, mais je n’ai pas manqué de faire un essai symbolique de la BRCC de Cap-aux-Meules.

Habituellement mes séjours aux Îles sont plus longs, mais, faute de temps, j’écourterai ma visite. D’ailleurs, il me reste à penser au retour. C’est que j’ai encore un bon bout de chemin à faire !

Embarquement à Cap-aux-Meules pour le chemin du retour.

Je reprends donc à nouveau le traversier pour débarquer à Souris. Durant le chemin du retour, je constate que les conditions climatiques sont un peu moins clémentes qu’à l’aller. Le temps est un mélange de pluie et de neige. Dans ces conditions, l’autonomie n’est pas à son meilleur, mais ça pourrait être pire, car il ne fait pas trop froid et ainsi la consommation au niveau du chauffage se maintient au minimum. Un peu d’énergie pour désembuer et je profite des arrêts aux BRCC pour évacuer l’humidité du véhicule pendant la recharge. Tout le long du voyage, la proportion d’énergie consacrée au chauffage se maintient entre 5 et 8% de ma consommation, ce qui est fort peu.

Bon an mal an, je poursuis mon périple jusqu’à ce que je finisse par trouver une chambre d’hôtel. Finalement ma pause sommeil pour le retour sera à Perth-Andover.

La couleur orange des bornes nous confirme que nous sommes bel et bien sur le Réseau branché du Nouveau-Brunswick.

Le lendemain, je repars en entamant la dernière journée de mon périple. Simple formalité me dis-je. Recharge oblige, je m’arrête à une BRCC à Montmagny. Là il se produit un bogue au moment de la recharge. La recharge n’opère plus et le véhicule reste immobilisé. Rien à faire. J’ai dû me faire remorquer au concessionnaire à proximité qui a réinitialisé le véhicule en quelques minutes. Chanceux dans ma malchance, je m’en tire à bon compte, mais je dois éventuellement éclaircir cette situation, car ça fait deux fois que ça se produit précisément à cette borne alors qu’avec des dizaines d’autres bornes tout à fonctionné rondement sans souci. Trois heures plus tard, me revoilà à nouveau sur la route. Le reste du voyage s’est terminé sans histoire et j’ai rejoint mon foyer en soirée avec à mon actif 4 jours de voyage totalisant 47h31 de route dont 12 heures en recharge pour un coût de 176 $ en recharges publiques. Le tout m’a pris 39 sessions de recharge.

Ce voyage est à peu près de l’ampleur que j’avais estimée, c’est-à-dire très long. J’avais même apporté une couverture chauffante dans l’éventualité d’économiser mes rares et précieux kWh si un froid glacial s’était invité au voyage. Finalement, je n’en ai jamais eu besoin.

Il est évident que je ne suis pas parti avec les conditions idéales : une petite autonomie combinée à la saison hivernale. Ceci ne m’a pas empêché à avoir grand plaisir à faire ce voyage. Vous me direz qu’il faut être un peu fou pour s’embarquer dans une telle aventure, mais quelle belle folie !

Voyez le bilan et les statistiques dans la deuxième partie.

DEUXIÈME PARTIE
Bilan du voyage et statistiques

Comme je le mentionnais dans la première partie, le voyage fut un peu plus ardu au retour. D’abord, la météo est moins favorable avec parfois des vents en contresens. Même en ralentissant la cadence, on sent que la Spark en demande davantage à sa petite batterie. Je constate encore davantage l’effet de vent. Lors de l’aller, j’avais une consommation de 16.8 kWh/100km alors qu’au retour je dépensais 18.9 kWh/100 km. C’est 13% plus d‘efforts pour le même déplacement. Plus tard, la compilation de données m’apprendra qu’à l’aller j’ai eu une moyenne de 92 km d’autonomie par pleine charge alors qu’au retour elle fut de 80.

À un certain moment, où je me suis excité un peu en roulant à 110 km/h, mon autonomie a baissé à 57 km ! Un peu avant, alors que j’adoptais une conduite plus éco énergétique, j’avais obtenu 110 km d’autonomie. Du simple au double quoi ! On comprend maintenant pourquoi il est difficile de répondre avec précision à la question « c’est quoi l’autonomie? ».

Pour les friands de statistiques, j’ai compilé les principales données durant le voyage.

Tableau 2 : Détails du parcours et des recharges durant le retour.


L’utilisation du chauffage occasionnée par le froid n’explique pas à elle seule la diminution de l’autonomie. Le relief, la chaussée tantôt mouillée, tantôt partiellement enneigée combinée aux vents et à la rugosité des pneus d’hiver ont contribué à augmenter l’énergie requise pour effectuer le parcours.

Tableau 2 : Détails du parcours et des recharges durant le retour.

Toutes les bornes auxquelles je me suis arrêté durant le parcours se sont avérées fonctionnelles. Une seule fois j’ai eu à attendre qu’une d’elles se libère avec un temps d’attente de 6 minutes. Il faut dire qu’à ce temps-ci de l’année les touristes se font rares.

Sur les 39 recharges que j’ai effectuées, à 15 reprises je suis arrivé avec 10 km d‘autonomie ou moins. Ceci était en grande partie voulu. J’ai adapté constamment ma vitesse pour qu’elle puisse être le plus rapide possible afin d’optimiser chacune de mes recharges.

La fiabilité de l’estimateur d’autonomie m’a permis de pousser ma chance à quelques reprises pour étirer la distance parcourue avec une recharge. Ici, j’ai réussi à faire 103 km avec une réserve de 5 km. À ne pas faire en compagnie d’une personne nerveuse dont l’amitié vous serait chère.

En plus du temps de recharge, il faut compter environ une dizaine de minutes pour chaque arrêt occasionné par différentes manœuvres. En effet, il faut quitter la route, trouver la borne, l’activer et, une fois la recharge complétée, regagner la route. Ce temps improductif représente des détours et près de 10% du temps de tout le voyage. Parfois c’est encore plus long quand les bornes sont situées au cœur de certains villages.

En tenant compte du temps d’accès aux bornes et des recharges comme telles, ma vitesse de croisière était de 57 km/h. Dans des conditions estivales, j’aurai pu m’attendre à avoir 70 km/h.

Ce qui m’a le plus satisfait de la Spark c’est vraiment l’efficacité de ses recharges. En moyenne, je m’en tirais avec 19 minutes alors que la plus longue recharge fut de 27 minutes. Recharger immédiatement après avoir roulé favorise un départ de recharge à haute puissance vraisemblablement parce que la batterie a eu le temps d’atteindre une température optimale. Dès le départ la recharge monte au-dessus du 40 kW et se maintient à 46-47kW jusqu’à 80% de la recharge. L’efficacité de la recharge a fait en sorte que je devais attendre la fin de cette dernière avant d’aller manger, histoire de ne pas occuper inutilement la borne avec un véhicule dont la charge avait le temps d’être complétée avant que je ne sorte de table.

Station de recharge à Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine.

Ma plus grande crainte fut la météo qui n’était pas idéale, mais l’absence de grand froid m’a facilité la tâche. Le siège chauffant est vraiment le meilleur ami du conducteur de véhicule électrique en hiver. J’ai triché un peu en utilisant des semelles chauffantes me permettant d’économiser beaucoup d’énergie sans sacrifier le confort. Chauffer tout l’habitacle juste pour se réchauffer les pieds aurait été trop coûteux en énergie dans le contexte de ce voyage.

Tableau 3 : Compilation globale du voyage (aller et retour).
Tableau 4 : Données complémentaires.

À noter que sur le tableau complémentaire ci-haut la vitesse de borne à borne est de 79 km/h alors que dans le tableau précédent je parle d’une vitesse de croisière moyenne de 94 km/h. Ceci s’explique par le fait qu’ici je calcule la vitesse entre le moment où ou j’ai arrêté la recharge précédente jusqu’à celui où j’active la suivante. Donc, ce 79 km/h tient compte du temps pour les manœuvres d’accès aux bornes dans les villages, le branchement, l’activation, le débranchement, le rangement du câble et finalement la collecte des mesures en début et en fin de chaque recharge.

Le mot de la fin
Je ne voudrais pas terminer en laissant croire que c’est de la p’tite bière de faire ce trajet. Oui, c’est faisable dans la mesure où on prend le temps de faire une planification réaliste et que l’on ne prête pas au véhicule des capacités qu’il n’a pas, mais sachez que même si aucune recharge n’était nécessaire, ça demeurerait quand même une foutue bonne balade.

Si la Spark peut se taper ce voyage en hiver, force est de constater que les véhicules électriques que l’on retrouve aujourd’hui sur le marché avec le triple en plus en autonomie peuvent facilement remplir les besoins de tous les jours. Donc, le manque d’autonomie et la rareté des recharges tiennent de moins en moins la route comme arguments. Il va falloir dorénavant se trouver d’autres excuses pour ne pas vouloir rouler électrique.

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