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Des batteries Li-air fonctionnelles 4 fois plus légères en 2030 ?

Depuis les années 1970, on sait que les batteries rechargeables lithium-air promettent des densités d’énergie très élevées, supérieures à 1 000 Wh/kg! Leur poids serait donc potentiellement quatre fois plus léger que celui des batteries Li-ion NMC (Nickel, Manganèse, Cobalt) utilisées dans la majorité des véhicules électriques (VÉ) aujourd’hui!

Toutefois, jusqu’à récemment, les divers prototypes n’ont pas été à la hauteur pour assurer une commercialisation. Principalement trois problèmes en sont responsables : des pertes thermiques trop élevées (faible efficacité), un nombre de cycles de recharge trop réduit, et des courants trop faibles (faible puissance).

Toutefois, en 2023, des chercheurs de l’Illinois Institute of Technology, à Chicago, en collaboration avec des chercheurs du Argonne National Laboratory, ont  présenté les performances d’un nouveau design de batterie lithium-air qu’ils ont développée, qui constitue une percée technologique dans le domaine! Attachez vos ceintures et regardons ça de plus près.

L’état de l’art avant 2023

Le consortium Battery 1000 regroupe des partenaires pour développer une batterie rechargeable fonctionnelle avec une densité d’énergie massique de 1 000 Wh/kg. Leurs efforts se concentrent essentiellement sur la technologie lithium-air.

Sur leur page Internet, ils commencent par décrire le fonctionnement d’une cellule lithium-air, le constituant de base d’une batterie. L’électrode négative (anode) d’une cellule est composée de lithium métallique (Li) alors que l’électrode positive (cathode) est constituée d’un substrat poreux qui pourra stocker un composé de lithium et d’oxygène provenant de l’air ambiant. Il n’y a donc pas de métaux comme le nickel, le manganèse, le cobalt ou le fer dans la cathode, ni de graphite (forme de carbone) dans l’anode, pour alourdir la cellule.

Schéma d’une cellule de batterie lithium-air. Source :  Wikipedia et texte en français de l’auteur.

Comme dans les autres batteries Li-ion, les ions lithium (Li+) voyagent entre l’anode et la cathode, à travers un électrolyte qui empêche le passage des électrons et d’autres ions néfastes. Lors de la décharge, les ions lithium quittent l’anode pour aller dans la cathode réagir avec l’oxygène de l’air et former un oxyde de lithium (Li2O2). Lors de la charge, cet oxyde se décompose et les ions lithium retournent vers l’anode, alors que l’oxygène est libéré dans l’atmosphère. Des micro, voire nano particules de catalyseurs sont introduites dans le substrat poreux de la cathode pour accélérer les réactions chimiques entre le lithium et l’oxygène.

Le bon choix des catalyseurs est essentiel. Ils doivent permettre aux réactions chimiques de se produire rapidement, sinon le courant est trop faible. Par ailleurs, ces catalyseurs ne doivent pas enclencher des réactions chimiques nuisibles avec les autres constituants de l’air, comme l’azote, le monoxyde de carbone ou l’eau, ce qui encrasse la cellule et l’arrête de fonctionner rapidement. Enfin, pour éviter un échauffement des cellules (les rendant inefficaces) et permettre des courants élevés, l’électrolyte doit très bien conduire les ions lithium. Dans les batteries lithium air antérieures à celle dont nous allons parler plus bas, les pertes en chaleur pouvaient atteindre 30% ou plus, leur conférant des efficacités de 70% ou moins.

En plus de la légèreté des matériaux constituants, ce qui fait que la densité d’énergie est si élevée pour une cellule lithium-air provient aussi du fait que l’énergie est stockée sous forme de liens chimiques covalents entre le lithium et l’oxygène, et non via des liens plus faibles d’intercalation des ions lithium entre les plans d’une structure crystalline, comme dans les batteries Li-ion usuelles.

Des innovations majeures changent la donne

En 2023, les chercheurs du Illinois Institute of Technology (Illinois Tech), dirigés par le professeur adjoint Mohammad Asadi (à droite sur la photo entête de l’article), en collaboration avec l’Argonne National Laboratory, ont publié les résultats impressionnants des tests d’un nouveau prototype de cellule Li-air qu’ils ont développée.

Une véritable révolution s’annonce puisque leur nouvelle cellule de batterie Li-air peut être rechargée 1 000 fois et produire de forts courants, avec des pertes d’énergie négligeables donc une haute efficacité.

Plusieurs innovations ont été introduites. La première est un nouveau catalyseur peu couteux  (phosphure de trimolybdène) dans la cathode, particulièrement performant, qui agit aussi bien pour accélérer la formation de l’oxyde de lithium Li2O que pour dissocier ces molécules lors de la recharge. De plus, leur nouveau catalyseur évite la formation de molécules indésirables à partir de l’azote, l’eau ou le monoxyde de carbone, également présents dans l’air. Ce sont ces molécules qui encrassent la cathode et rendent la cellule dysfonctionnelle après un nombre très réduit de cycles de recharge.

L’autre innovation majeure est la mise au point d’un nouvel électrolyte solide hybride qui conduit 15 fois mieux les ions lithium Li+ que les électrolytes liquides qui avaient été essayés dans le passé. Cet électrolyte solide empêche également l’oxygène de se rendre à l’anode.  Et, ils ont mis une couche de protection en carbonate de lithium sur l’anode, qui bloque tout sauf les ions lithium.

L’équipe a atteint, avec son nouveau prototype, une densité massique d’énergie de 685 Wh/kg, ce qui est trois fois plus que les cellules Li-ion NMC (Nickel, Manganèse, Cobalt, 230 Wh/kg)) les plus utilisées dans les véhicules électriques d’aujourd’hui. Mais, ce n’est qu’un début avec ces nouveaux composants, qui ne sont pas encore optimisés. Mahammad Asadi est confiant qu’ils peuvent atteindre plus de 1 000 Wh/kg, soit des batteries Li-air 4 x plus légères que les batteries Li-ion NMC d’aujourd’hui!

Bien sûr c’est un prototype de laboratoire, et il y a encore beaucoup de travail avant d’en arriver à une batterie commerciale éventuelle. Mais c’est extrêmement encourageant!

Si l’on arrive à un produit commercial d’ici possiblement 8 ans, cela veut dire que les véhicules électriques (VÉ) s’allégeraient de 200 kg à 400 kg ou plus, selon le véhicule. On aurait alors des VÉs qui consomment bien moins d’énergie au 100 km et moins de matières premières pour leurs batteries. L’empreinte écologique des VÉs diminuerait d’autant.

Une mallette de 8 kg pourrait contenir une batterie qui permet une autonomie de 100 km à une voiture électrique. Cette batterie pourrait être sortie du véhicule et rechargée à l’intérieur à la maison ou au bureau, sur les prises de 120 volt ordinaires, pour les citadins sans prises extérieure pour recharger leur VÉ.

Sans compter que l’aviation électrique continentale prendrait véritablement son envol de même que les taxis aériens à décollage vertical.  

Conclusion

Nul doute que l’équipe de chercheurs dirigée par le professeur Asadi a fait faire un bon de géant aux batteries Li-air, en les rendant fonctionnelles et non seulement une curiosité de laboratoire. Ces scientifiques ouvrent la porte à des batteries 4 x plus légères que les batteries Li-ion les plus utilisées aujourd’hui dans les VÉs (NMC).

Un autre avantage de ces batteries c’est qu’elles n’utilisent pas de nickel, ni manganèse, ni cobalt, ni graphite, tous des minéraux critiques, pour les remplacer par des matériaux abondants et bon marché, voire gratuits, comme l’air.

Bien sûr, il reste beaucoup à faire pour en arriver à un produit commercial et rencontrer les autres critères qui assurent le succès commercial, comme le coût et les températures d’utilisation. Mais, le fait que l’électrolyte soit solide (sans eau) devrait faciliter les choses par temps froid.

La perspective de réduire le poids d’un VÉ de 200 kg à 400 kg implique également une amélioration significative de leur efficacité énergétique de même qu’une diminution supplémentaire de leur empreinte écologique. C’est un cercle vertueux.

Pour les citadins sans prise extérieure pour recharger leur voiture électrique, on pourrait avoir une portion de la batterie qu’on extrait, sous forme d’une mallette de 8 kg permettant de rouler 100 km qu’on rechargerait à l’intérieur d’un bâtiment sur une prise ordinaire.

Enfin, il ne faudrait pas sous-estimer l’impact de batteries aussi légères sur l’aviation continentale, les taxis aériens à décollage vertical et le cabotage (navigation à courte distance). Une filière à suivre de près pour les années 2030.

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