L’arrivée du gouvernement Trudeau au pouvoir a suscité beaucoup d’espoir auprès des gens qui appuient le secteur de l’électrification des transports. C’est normal puisque nous sortons de presque 10 ans de gestion de l’énergie et des transports par un gouvernement conservateur qui a tout misé sur le gaz et le pétrole, ce qui faisait du Canada un des pires cancres de la planète en matière de lutte aux changements climatiques et d’électrification des transports.
Timide en transport collectif
Alors qu’à peu près rien n’était fait pour lutter contre les changements climatiques dans le précédent gouvernement, le nouveau gouvernement Trudeau reconnait l’importance de cette lutte et y met des fonds.
En transports collectifs :
- « 923 millions $ sur 3 ans seront affectés au transport collectif au Québec » :
À la page 103 du budget, il est écrit : « Les projets pourraient comprendre des mises a? niveau des voies de métro, des ponts, de la signalisation et des aiguillages du Métro de Montréal.»
Si ce n’est pas rien, ce n’est de fait pas tant que ça, considérant les besoins énormes en matière de transport collectif qu’ont les différentes régions du Québec. Or, ce montant ne couvrira même pas la mise à niveau des infrastructures du métro de Montréal comme on peut le lire dans un document de la STM datant de février 2015 où il est écrit :
« La STM doit aujourd’hui rénover une grande partie des équipements originaux du métro. Le déficit d’investissement de la STM, évalué à 3,9 G$, pèse lourd sur les finances de l’entreprise. Le niveau actuel d’investissement permet seulement de maintenir le déficit d’investissement. Pour y remédier ou du moins, l’atténuer, un important rattrapage sera nécessaire dans les décennies à venir. Afin de résorber ce déficit d’ici 2030, des investissements d’environ 700 M$ par année seraient nécessaires à la suite du PTI 2015-2016-2017. »*
On oublie donc une expansion du réseau de transport collectif assez importante pour avoir un impact réel sur la diminution des GES et de la dépendance au pétrole en transport collectif qui viendra de cette somme. Or, c’est le transport qui est le principal émetteur de GES au Québec et celles-ci sont toujours en hausse, comme nous le verrons plus bas.
* https://www.stm.info/sites/default/files/pdf/fr/stm-memoire_budget-quebec-2015-16_public.pdf
Timide en électrification des transports
Si ce budget comporte quelques timides avancées en matière d’infrastructures d’électrification des transports, la réalité est moins rose du côté de la recherche, du développement et de l’industrialisation de nouvelles technologies pour le Québec.
a. Prolongation du FISA (Fonds d’innovation du secteur automobile)
Ce fonds canadien qui existe depuis 2009 a été prolongé dans le budget d’hier jusqu’en 2021. Or, ce fonds a, entre autres buts, celui d’aider des entreprises qui oeuvrent dans le secteur automobile à (selon le site du FISA)**:
- « Bâtir la capacité de recherche-développement (R-D) dans le secteur de l’automobile au Canada et sauvegarder des emplois axés sur le savoir
- Élargir les plans d’action du gouvernement pour les sciences et la technologie (S-T) et l’environnement
- Favoriser le développement et/ou la mise en application de technologies et de procédés innovateurs et axés sur l’efficacité énergétique »
Or, ce fonds ayant déjà reçu plus de 1,5 milliard $ et qui sera prolongé jusqu’à l’année 2021 a jusqu’à ce jour été dépensé à 100 % pour des projets situés en Ontario. Donc, le Québec qui compte plusieurs entreprises, « start ups » et autres innovateurs dans le domaine de l’électrification des transports, est le grand perdant de ce programme. De plus, ce programme a plus servi à moderniser des usines en Ontario qu’à développer des technologies réellement innovantes dans le secteur.
** https://www.ic.gc.ca/eic/site/auto-auto.nsf/fra/am02258.htm.
b. Des infrastructures destinées à TOUS les carburants de déplacement
En ce qui a trait plus spécifiquement à l’électrification des transports, il est écrit dans le budget :
« Le budget de 2016 propose d’accorder 62,5 millions de dollars sur deux ans, à compter de 2016-2017, à Ressources naturelles Canada afin de soutenir le déploiement de l’infrastructure destinée aux carburants de remplacement, y compris l’infrastructure de recharge des véhicules électriques et les postes de ravitaillement en gaz naturel et en hydrogène.
- 14 millions $ 2016-2017
- 49 millions $ 2017-2018 »
Il est donc question d’installer des infrastructures non seulement pour les véhicules électriques, mais aussi pour les véhicules au gaz naturel et à l’hydrogène. À mon humble avis, j’ai le sentiment que les infrastructures pour véhicules à hydrogène sont dans le budget suite à du lobbying de certains constructeurs. D’ailleurs, Hyundai a livré sa première Tucson à hydrogène il y a quelques jours à peine en Ontario.
Comme les infrastructures pour le remplissage de véhicules au gaz naturel et/ou à l’hydrogène sont plus onéreuses que de simples bornes de recharge, on peut se demander quel montant sera disponible pour les bornes de recharge de voitures électriques à travers le Canada. Donc, 62,5 millions $ sur 2 ans demeure un investissement en électrification des transports (et autres carburants) somme toute assez timide.
Si on ajoute à cela :
- Le fait que le gouvernement fédéral n’offre toujours pas de rabais ou d’incitatif à l’achat d’une voiture partiellement ou entièrement électrique (un des rares pays du monde industrialisé à ne pas le faire),
- Qu’il n’est nullement question d’une loi zéro émission fédérale,
On peut dire que si ce gouvernement est réellement mieux que le précédent, ce n’est pas grâce à ce budget que nous assisterons à une révolution verte dans les transports d’autant plus que celui-ci a décidé de ne pas cesser de subventionner les compagnies pétrolières et gazières.
Nous sommes encore très loin des leaders mondiaux du domaine.
Je rappelle que l’Agence Internationale de l’Énergie a calculé que ces entreprises ont reçu près de 1 milliard $ d’argent public du Canada l’an dernier.
Les GES en hausse en transport au Québec
Le dévoilement d’hier des émissions de GES du Québec de 2013 a d’ailleurs révélé que les GES dans le secteur des transports ont augmenté de 24,8 entre 1990 et 2013 alors que le transport routier plus spécifiquement a augmenté de 31,1 %.***
Si les émissions de GES des voitures ont diminué de 13,4 %, celles des camions légers (VUS et pick-ups) ont augmenté… de 98,9 % et celles des camions lourds de 91,1 %.
Rien que ça.
(En passant, le transport ferroviaire a quant à lui augmenté de 53,4 % durant la même période…)
*** http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/changements/ges/2013/Inventaire1990-2013.pdf