Batterie

Batteries Li-ion état-solide, 40% plus petites, recharge < 15 minutes, ne prennent pas en feu, d’ici 2028

Dans mon article précédent, sur les batteries Li-soufre, j’ai montré qu’avec une anode en lithium métallique (au lieu du graphite usuel) les batteries peuvent être 2 à 3 fois plus légères. Le fait que le lithium soit deux fois plus léger que le graphite y contribue, mais c’est aussi dû au fait que le lithium métallique peut stocker plus d’énergie électrique que le graphite.

Mais pour y arriver, les chercheurs ont dû développer différentes astuces pour contrecarrer le problème des dendrites. Ces dernières, comme nous l’avons vu, sont des aiguilles coniques en lithium qui croissent sur l’anode, traversent l’électrolyte liquide et peuvent établir un court-circuit en touchant à la cathode, rendant la batterie dysfonctionnelle. Une astuce employée par la compagnie Zeta a été de faire croître des nanotubes de carbones sur l’anode et d’y déposer le lithium métallique. Mais, il y a une autre façon d’empêcher les dendrites de se former, c’est simplement de remplacer l’électrolyte liquide par un électrolyte solide. C’est ce qu’on appelle une batterie Li-ion à état-solide ou simplement batterie solide.

Cela fait 15 à 20 ans que les scientifiques essaient d’en produire, mais ils font face à une difficulté majeure, le contact entre l’électrolyte solide et les électrodes. Un électrolyte liquide épouse parfaitement la surface des électrodes qui comporte des trous et des aspérités à l’échelle microscopique, mais c’est plus difficile d’avoir un bon contact uniformément réparti sur la surface d’un électrolyte solide. Et si le contact n’est pas convenable, cela crée de la résistance électrique et des pertes en chaleur.

Mais, le jeu en vaut la chandelle, car les batteries solides ont de gros avantages! En plus d’être plus légère et plus petites, elles ne peuvent prendre en feu. En effet, les incendies de batteries sont en bonne partie dus à leurs électrolytes liquides qui sont inflammables et contiennent passablement d’oxygène. Une batterie avec un électrolyte solide en céramique ne peut prendre en feu. Voir la vidéo YouTube intitulée «Prologium : à quoi ressemble et comment fonctionne une batterie solide?». Avec les mauvais traitements qu’on fait subir à la batterie solide dans cette vidéo, certaines batterie Li-ion avec électrolyte liquide prendraient violemment en feu, à cause des courts-circuits qui fournissent l’étincelle. Un autre avantage des batteries solides c’est qu’elles peuvent se recharger en moins de 15 minutes.

Dans cet article, nous feront un bref survol des développements significatifs de quelques entreprises qui développent des batteries à état-solide.

Prologium Technology

La compagnie taiwanaise Prologium technology a été fondée en 2006 pour développer et commercialiser des batteries Li-ion à état-solide. Ils ont un portefolio de plus de 650 brevets et ont construit une ligne de production pilote automatisée en 2017. En 2020 Prologium a inauguré une autre ligne de production de deuxième génération avec une capacité de 0,5 à 2 GWh de leurs batteries solides. Ils ont ainsi pu fournir 8000 cellules échantillons de leurs batteries aux fabricants automobiles. Mercedes et Vinfast sont d’ailleurs devenus des investisseurs et partenaires en 2022. Se réclamant la première compagnie au monde à avoir atteint la production de masse de batteries sà état-solide, Prologium a même annoncé en mai 2023 la construction d’une giga-usine de 48 GWh à Dunkerk en France, qui devrait démarrer la production commerciale en 2027, un projet de 5,2 milliards €.

Future giga-usine de batteries solides de 48 GWh  de Prologium à Dunkerk en France, qui devrait démarrer une préproduction en 2026 et la production commerciale en 2027. Source : Prologium.

Question technologie, une des chimies utilisée par Prologium est illustrée ci-dessous. Les cellules ont une cathode dite ternaire composée d’oxyde de nickel, de cobalt et de manganèse. Pour les pros, on appelle cette chimie NCM811, les lettres indiquant les métaux constitutifs et les chiffres leur pourcentages, soit 80% de nickel, 10% de cobalt et 10% de manganèse. Dans la figure, on voit que la cathode est en fait composée d’oxydes métalliques sous forme de grains incorporés dans une matrice appelée catholyte, non spécifié. L’anode est une mince feuille de lithium métallique, et l’électrolyte solide est une céramique à base d’oxydes. Prologium a également développé une batterie à état-solide avec des anodes en silicium.

Constituants d’une des cellules Li-ion à état-solide de Prologium. Source : Prologium.

Par ailleurs, Prologium a introduit sa deuxième génération de batterie à état-solide à l’exhibition de l’Electric Energy Storage (ESS) à Munich en juin 2023. Les cellules de ces batteries sont très grandes d’où leur acronyme LLCB pour Large Lithium Ceramic Battery. La photo ci-dessous la représente à côté des cellules 21700 et 4680 de Tesla.

Comparaison des dimensions de la nouvelle cellule à état-solide LLCB de Prologium par rapport aux cellules 21700 et 4680 utilisées par Tesla. Pour référence, la cellule 4680 a 8 cm de hauteur. Source : Prologium.

C’est le fait qu’elles ne contiennent pas de liquide qui permet de fabriquer des grandes cellules comme ça. Il ont ainsi éliminé les connections en parallèle des cellules dans un bloc batterie, car ces connections en parallèle de cellules entre elles a pour but de simuler des cellules avec de bien plus grandes électrodes, qui peuvent débiter bien plus de courant électrique. Et comme il y a plus d’électrodes et moins d’emballage du fait de la grandeur des cellules, on augmente la densité d’énergie.

Selon le communiqué de presse de Prologium, la densité volumique d’énergie d’un bloc batterie utilisant les nouvelles cellules LLCB solides est près de deux fois supérieure à celle d’un bloc batterie «mainstream» utilisant des cellules 4680 ou 21700. Ils font bien entendu allusion à Tesla, qui sont les seuls à utiliser ces formats de cellules Li-ion. Pour ce qui est du poids, le communiqué mentionne qu’on pourrait enlever 115 kg au bloc batterie mainstream utilisant les cellules 21700 (Model 3 Long range de Tesla). Sachant que le bloc batterie de la Model 3 LR pèse 480 kg, en en déduit un allègement approximatif de 25% du bloc batterie, dont une bonne partie est due au «packaging». Il est donc très probable que l’augmentation de la densité massique d’énergie des cellules à état-solide LLCB de Prologium ne soit que de 15% à 20% par rapport aux cellules ternaires de Tesla. Un autre point important, qui est mentionné dans le communiqué, est l’excellente conductivité thermique de l’électrolyte solide en céramique et le peu d’échauffement de leurs batteries qui simplifient et minimise le système de régulation de la température.

D’autres avantages mentionnés sur la page performance de leur site Internet sont :

  • la recharge rapide à 80% en 12 minutes,
  • nombre de cycles de recharge  > 1000,
  • très bonne performance aux températures froides.

On y trouve également un graphique radar montrant une comparaison des diverses performances des batteries à état-solide de Prologium avec celles d’une batterie Li-ion traditionnelle et celles de leurs futures batteries en 2025. Ce graphique est reproduit ci-dessous.

Graphique radar des performances relatives des batteries à état-solide de Prologium de 2022 (trait bleu) comparées à celles d’une batterie Li-ion traditionnelle (ligne noire) et celles qu’ils prévoient atteindre en 2025 (trait doré). La zone grise représente les exigences du marché. Dans ce genre de graphique, plus on est loin du centre et meilleur c’est. Ce qui saute aux yeux c’est le grand gain au niveau de la sécurité (Safety) et des capacités de recharge rapide (Fast Charging Capability). Les performances aux basses températures (Low temp. Performance) sont meilleures et le nombre de cycles de recharge (Cycle Life) est supérieur. La densité d’énergie d’un bloc batterie (Pack Energy Density) est également supérieure. À part la sécurité et la recharge rapide qui devraient demeurer identiques, les trois autres performances représentées devraient être significativement augmentées en 2025. Source : Prologium.

La compagnie a fait une vidéo YouTube de présentation de ses nouvelles batteries à état-solide intitulée «Prologium’s Solid-state Battery Solution for Electric Vehicle».

Même si le gain en densité massique d’énergie des cellules n’est pas très élevé, le gain en densité volumique d’énergie est probablement autour de 75%. Cela a permis à Gogoro de développer une deuxième génération de ses batteries Li-ion échangeables, pour ses scooters, passant de 1,7 kWh par batterie à 2,5 kWh sans changer le format de leurs batteries. Ce sont les batteries à état-solide de Prologium qu’ils utilisent maintenant. C’est un gain de 47% sur l’énergie stockée et donc l’autonomie des scooters. Ça veut également dire moins de stations d’échange de batteries car les scooters restent plus longtemps sur la route. C’est génial!

Les batteries Gogoro de seconde génération utilisent les batteries à état solide de Prologium  et passent d’une capacité de 1,7 kWh chacune à 2,5 kWh, une augmentation de 47% qui augmente d’autant l’autonomie des scooters. Source : Gogoro.

Il est très encourageant de voir que Prologium entre dans la cours des grands en passant à un stade de commercialisation à grande échelle des batteries Li-ion à état-solide, avec sa future giga-usine en France dont la construction démarre en 2024, et son partenariat avec Gogoro qui devient le standard mondial pour les systèmes d’échange de batteries pour scooters.

Solid Power

La compagnie Solid Power a été fondé en 2011 au Colorado et a bénéficié les premières années de subventions du Département de la défense étasunien. En 2017, BMW investit dans Solid Power pour les aider à développer la technologie pour les véhicules électriques. Puis, en 2018, la compagnie effectue une levée de fond de série A en capital-actions auprès de partenaires majeurs internationaux, ce qui s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui. Hyundai et Ford sont également venus des investisseurs-partenaires.

La première ligne de production pilote en continu de la compagnie devient opérationnelle en 2019, sur laquelle les ingénieurs de Solid Power continuent de développer des cellules Li-ion à état-solide toujours plus grandes, puissantes et performantes. La chimie utilisée est celle des oxydes de Nickel, Manganèse et Cobalt (NMC) à la cathode et deux options d’anode, le lithium métallique ou une anode à forte proportion de silicium. L’électrolyte solide est à base de sulfure.

En 2021, la compagnie annonce l’addition d’un second édifice pour la production de leurs cellules et de leur électrolyte solide, dans la région de Denver, en plus d’une entente de partenariat avec SK Innovation, un fabricant de batterie bien connu, de la Corée du Sud. Finalement, cette même année, Solid Power  entre à la bourse NASDAQ sous le symbole SLDP.

En 2022, La compagnie inaugure une nouvelle ligne pilote de production de grandes cellules à état-solide, conçues pour les véhicules électriques. Cette ligne peut produire 15 000 cellules par années qui sont envoyées aux fabricants automobiles comme échantillons pour essais et qualification.

Cellules Li-ion à état-solide de Solid power. Source : Solid Power.

Une nouvelle particulièrement intéressante est sortie en janvier 2023 à l’effet que le Département de la défense attribuait à Solid Power un contrat de 5,6 millions $ pour aider à continuer le développement d’une batterie à état-solide sans cobalt ni nickel avec une cathode au soufre et une anode en lithium métallique, soit une cellule Li-ion à état-solide au soufre!

En ce qui concerne les performances des cellules à état solide de Solid Power, on les retrouve sur la page d’accueil de leur site Internet. Je les ai mises sous forme de tableau ci-dessous, avec les performances des cellules traditionnelles à électrolyte liquide.

Ce n’est pas dit sur leur site, mais j’imagine que la recharge rapide sous-entend à 80%, comme on le fait usuellement. Pour ce qui est des cellules Li-ion traditionnelles (liquides)  j’ai pris les valeurs à différents endroits dont cet article.

Ce tableau nous montre des résultats très encourageants, meilleurs que ceux de Prologium pour la densité massique d’énergie. Les cellules Li-ion à état-solide de Solid Power sont pratiquement 2x plus légères et 2x moins volumineuses que les cellules traditionnelles! Est-ce à cause de l’électrolyte solide? Celui de Solid power est à base de sulfures alors que celui de Prologium est à base d’oxydes.

Mais, il faut faire attention aux chiffres sur la recharge rapide et le nombre de cycles de recharge, car dans l’article «The Next Challenge for Solid-State Batteries? Making Lots of Them» de Gregory Barber, publié le 6 juin 2022 sur WIRED, on peut lire ce qui suit :

« Pour Solid Power, les cellules actuelles de grande taille pour les véhicules électriques ne fonctionnent pas aussi bien qu’elles le devraient à des températures froides, et la durée de vie de la batterie diminue trop rapidement lorsque les cellules sont chargées rapidement à plusieurs reprises. Mais M. Campbell [PDG de Solid Power] affirme que le fait de travailler sur des versions plus petites de la batterie lui permet d’être optimiste.»

Des performances brutes sur un site Internet, sans explications sur les conditions des tests, c’est imprécis et peut souvent être trompeur.

Par ailleurs, une ligne de production de 15 000 cellules par année c’est bien, mais très loin des millions produites dans une giga-usine. Il y a donc énormément de travail avant d’en arriver là. Quels seront les taux de rejets? S’ils sont trop importants, le prix des cellules ne sera pas compétitif. C’est pas évident!

Afin de mettre les chances de leur côté pour les coûts de fabrication, Solid Power entend rester le plus près possible des équipements de fabrication des cellules traditionnelles, du moins autant que faire se peut, afin de ne pas avoir à réinventer la roue.

QuantumScape

La compagnie QuantumScape a été fondée en 2010 en Californie avec comme but de développer une meilleure batterie. Selon leur document de Présentation aux investisseurs de août 2023, ils ont acquis 12 années d’expériences pertinentes en recherche et développement, ont plus de 800 employés, plus de 300 brevets et applications pour brevet, 6 accords commerciaux avec des fabricants d’équipement d’origine (OEM) du secteur automobile, et un partenariat aux racines profondes avec le Groupe Volkswagen, qui a investi plus de 300 millions $ depuis 2012.

Un article très intéressant de Bloomberg, intitulé « QuantumScape says its technology is ready to move from the lab to VW’s dealerships…», signé par Akshat Rathi et daté du 14 avril 2021, retrace l’historique de la compagnie. On y apprend que leur premier projet concernait un dispositif pour stocker les électrons dans une structure de «quantum dots», d’où le nom de la compagnie. Après une année, ils ont stoppé le projet voyant que ça ne fonctionnerait pas. C’est alors qu’ils se sont concentrés sur les batteries Li-ion à état-solide. Ils ont recherché quel matériau serait capable de bien conduire les ions lithium et non les électrons pour agir comme électrolyte solide, tout en empêchant les dendrites (voir l’introduction) de se proliférer. Près de 300 personnes ont fait des simulations et des millions de tests, se relayant pour faire le tour de l’horloge, 7 jours sur 7! Et un beau jour en 2015 Eureka!

Mais, trouver un matériau n’était qu’une partie du travail. Comme on peut le lire dans l’article de Akshat Rathi, Il fallait ensuite régler le problème des «ET», dans le sens que le matériau devait bien conduire les ions lithium sans dendrites ET être suffisamment flexible pour ne pas se briser facilement ET facile à fabriquer en grande quantité ET peu couteux ET résister à une recharge rapide ET… Ils ont travaillé sur les ET de 2015 à 2020, année à laquelle QuantumScape est entrée à la bourse de New-York sous le sigle QS. Vous verrez, en consultant l’hyperlien, que la valeur en bourse est de 3,1 milliards $ US en octobre 2023, et était dix fois plus élevée au début 2021.

Donc, en 2021 ils ont acquis de nouveaux bâtiments sur un Campus à San Jose et débuté la construction d’une ligne de production en continu pré-pilote (QS-0) pour leurs cellules Li-ion à état-solide. Cette ligne, inaugurée en 2023, peut produire 200 000 cellules annuellement pour équiper une centaine de véhicules électriques par année afin de faire des tests. Par ailleurs, le Groupe Volkswagen a signé une entente de partenariat avec QuantumScape pour partager les coûts de construction et de mise en opération d’une ligne pilote de production (QS-1) en Allemagne, capable de produire 1 GWh de cellules à état-solide, avec possibilité d’expansion à 20 GWh. C’est donc une future giga-usine qui naîtra, si tout se passe bien.

Le Groupe Volkswagen prévoit également faire rouler des véhicules électriques qu’ils produisent avec des batteries QuantumScape, vers 2025.

Regardons un peu maintenant l’aspect technologique de leurs cellules Li-ion à état­ solide. Chaque cellule de une couche (1 anode et 1 cathode) a les dimensions d’une carte à jouer, pour le moment. Leurs cellules à 24 couches s’approche des dimensions d’un paquet de cartes à jouer. Lorsqu’on double le nombre de couches on double la tension électrique (voltage). Les illustrations qui suivent sont tirées de la Présentation aux investisseurs de QuantumScape (août 2023), que nous appellerons «Présentation QS» dans le texte qui suit. Ci-dessous, des photos de leur électrolyte en céramique à gauche, d’une cellule monocouche au centre et d’un prototype d’une cellule multicouches à droite, tirées de la Présentation QS.

À l’intérieur des cellules, on retrouve une cathode de type NMC (oxydes de nickel, de manganèse et de cobalt mélangés avec un catholyte non défini) déposés sur une mince feuille d’aluminium pour collecter le courant. L’anode ne comporte qu’une mince feuille de cuivre sans matériaux actifs et entre les deux l’électrolyte solide en céramique. Ils disent que leurs cellules sont sans anode (anode free). Normalement, on retrouverait une mince couche de lithium métallique sur l’anode, mais ils se contentent du lithium qui se dépose sur la feuille de cuivre lors de la recharge, leur électrolyte étant suffisamment efficace pour diminuer de beaucoup le placage du lithium (qui reste collé à l’anode) diminuant graduellement la capacité de la cellule. L’ajout d’une mince feuille de lithium permet usuellement de pouvoir remettre du lithium dans le circuit s’il baisse trop, ce qui n’est pas le cas avec leur électrolyte maison. Donc moins de lithium est requis ce qui est tant mieux! Ci-dessous, une autre diapo de la Présentation QS montrant la composition de leurs cellules.

Schémas des cellules à une couche, deux couches et d’un paquet de 24 couches de QuantumScape. Source : QuantumScape.

À remarquer que l’électrolyte solide en céramique remplace l’électrolyte liquide et le séparateur dans une cellule traditionnelle. L’électrolyte en céramique agit comme séparateur également.

Question performances, QuantumScape a fait beaucoup de tests sur la longévité de leurs cellules, en cycles de recharge. À partir des graphiques de la Présentation QS, on constate qu’après 800 cycles de recharge, les cellules n’ont perdu que 10% à 12% de leur capacité. Les conditions des tests sont :  en moyenne la recharge et la décharge s’opéraient en une heure chacune, à partir de cellules complètement déchargées pour une température de 25-30 °C. On en conclut qu’avant d’avoir perdu 20% de leurs capacités, les cellules vont pouvoir être rechargées plus de 1000 fois, possiblement plus de 1500 cycles.

Pour ce qui est de la vitesse de recharge, un des graphiques de la Présentation QS compare la vitesse de recharge d’une cellule QuantumScape à état-solide, avec une cathode «energy dense», à la recharge d’un véhicule électrique à longue autonomie (Long Range) qui se vent le plus (Tesla fort probablement). Selon ce graphique, en partant de 10% d’état de charge, on y constate que la cellule QS peut atteindre 80% en 15 minutes, alors que le VÉ populaire à longue autonomie prend 27 minutes pour s’y rendre. Bien sûr ce n’est pas une grosse batterie QuantumScape avec le même système de recharge rapide, mais c’est encourageant. Finalement, en ce qui concerne le gain en densité d’énergie, voici le graphique  de la Présentation QS qui nous donne leur objectif.

Projections de QuantumScape pour les augmentations de densités massiques et volumétriques d’énergie par rapport aux batteries actuelles. Source : QuantumScape.

C’est décevant de ne pas savoir exactement où ils en sont rendus, car je ne l’ai trouvé nulle part. En se référant à  ce graphique, l’objectif de la densité volumétrique d’énergie des cellules QuantumScape est de l’ordre de 1000 Wh/L, ce qui est environ 33% meilleur que les cellules NCA ou NMC avec forte teneur en nickel et anode contenant un mélange graphite-silicium, et 66% meilleur par rapport aux cellules NCA  sans silicium. Mais, je ne crois pas qu’ils soient rendus à 1000 Wh/L, car dans un autre graphique de la Présentation QS, la limite des cellules de 5Ah sur lesquelles ils travaillent depuis quelques années est de 850 Wh/kg.Pour aller plus haut, il faut avoir des cellules plus grandes qu’un paquet de carte à jouer, tel qu’indiqué sur le graphique dont je parte, intitulé «Shifting the Energy-Power Performance Frontier». Mais, ces grandes cellules ne sont pas encore maitrisées que je sache.

Pour ce qui est de la densité massique d’énergie, l’objectif des cellules QuantumScape est d’environ 30% supérieur aux meilleures cellules NCA et NMC actuelles.

À remarquer que si on avait une augmentation de 20% à 30% des deux densités d’énergie ça serait déjà excellent, compte tenu de la recharge en 15 minutes et du fait qu’on maintient un nombre de cycles de recharge supérieur à 1500, tout en étant ultra-sécuritaire.

Il y a un autre point très intéressant qu’on observe sur le dernier graphique des densités d’énergie, qui concerne les cellules au phosphate de fer (LFP). Car l’électrolyte solide de QuantumScape peut également augmenter leurs densités d’énergie. Elles pourraient passer de 170 Wh/kg à 240 Wh/kg, et de 400 Wh/L à 540 Wh/L! Cela en ferait des batteries très convenables pour des autonomies de 500 km, sans avoir à utiliser de nickel ni cobalt! N’oublions pas que les cellules QuantumScape actuelles en contiennent, en principe, autant que les cellules traditionnelles NCA et NMC.

S’agissant de la température d’utilisation, voici un graphique que j’ai trouvé dans l’article intitulé «A discussion of QuantumScape’s Battery Technology Performance Results», publié le 14 janvier 2021 sur le blogue de QuantumScape.

Le voltage qui décroit ça veut dire moins de puissance disponible donc moins d’accélération et moins de freinage régénératif. On voit qu’à -20 °C il y a environ 20% moins de capacité qu’à 0 °C. En bas de -20 °C ça se dégrade plus vite et il faudrait chauffer la batterie pour les pays nordiques.

Pour ce qui est du prix, en principe, puisqu’il n’y a pas de matériaux actifs pour l’anode et que ça va prendre moins de cellules pour une quantité donnée d’énergie stockée, les cellules devraient coûter moins cher. Toutefois, on ne sait pas encore si QuantumScape va réussir à atteindre ses objectifs ni comment sont les taux de rejet. Il est donc difficile de se prononcer à ce moment-ci.

Conclusion

 Il y a cinq ou six ans, les batteries à état-solide faisaient régulièrement la manchette et beaucoup voyaient en elles l’avenir pratiquement miraculeux des batteries. Toutefois, la recherche et le développement ont étés plus lents que prévu et d’autres technologies ont progressées avec d’aussi bons résultats, comme les batteries avec anode en silicium et les batteries li-soufre. Et, dans les cinq dernières années, la problématique d’une éventuelle pénurie de métaux plus rares comme le nickel et le cobalt s’est précisée. Pour relever ce défi, les fabricants de batteries ont mis beaucoup de ressources afin d’améliorer les batteries au phosphate de fer (LFP), sans nickel et sans cobalt et on a vu Tesla en mettre dans 60% de ses véhicules.

Or, les compagnies de batteries à état-solide ne gravitent pas autour des chimies sans nickel ni cobalt, du moins ce n’est pas leur priorité. Cet aspect, à mon avis, constitue un point faible important. C’est bien beau d’avoir la meilleure batterie au monde, mais si tu n’es pas capable de t’approvisionner en métaux critiques, ça vaut quoi? Par ailleurs, les procédés de fabrication étant différents en bonne partie, et les taux de rejet étant difficile à évaluer présentement, ce n’est pas aussi sûr que les batteries à état-solide vont être moins chères.

Ceci étant dit, il faut reconnaître que les trois compagnies que nous avons regardées de plus près ont fait de l’excellent travail sous plusieurs aspects, en commençant par fabriquer des batteries qui ne prennent pas en feu. Elles ont toutes les trois augmenté les densité volumétriques d’énergie de leurs cellules de 40% à 80%, ce qui est fantastique! Ils ont su maintenir plus de 1000 cycles de recharge, démontré des recharges rapides en moins de 15 minutes et obtenu des performances au froid meilleures que les batteries traditionnelles. À l’exception de Solid Power, qui annonce un gain en densité massique d’énergie de 70% à 85%, les autres sont plus autour d’un gain de 25% à 30%.

Mais, ces gains sont généreux car pas obtenus à partir de cellules produites  dans une giga-usine opérationnelle, et parfois ce sont plutôt des objectifs que des tests réels. C’est pas toujours évident de la savoir. Le secret est très souvent de mise. Une chose est sure, on ne verra pas ces batteries à grande échelle avant 2030.

La grande question qui demeure c’est : «Est-ce qu’il sera possible de produire des cellules à état-solide grand format en très grande quantité avec un taux de rejet raisonnable?». Si les cellules sont trop chères elles vont difficilement trouver preneur.

Mais, rêvons un peu et supposons qu’il soit possible de réduire le volume d’une batterie de 40% et son poids de 25% tout en éliminant les dangers d’incendies et en ayant une recharge rapide en 15 minutes, une batterie qui dure la vie d’un VÉ, à prix compétitif. Qui n’en voudrait pas? Ça serait une révolution!Mais, encore mieux, une batterie à état solide telle que je viens de la décrire qui aurait une cathode au soufre au lieu d’utiliser du nickel et du cobalt! ÇA, ça serait le Paradis sur terre!

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