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Électrification du Québec : des objectifs de réduction de pétrole et de GES réalisables ?

Le premier ministre François Legault a déclaré lors du congrès général de la Coalition Avenir Québec que 3 grands chantiers seront lancés pour “électrifier le Québec”.
L’objectif est de réduire la consommation de pétrole de 40% d’ici 2030. Par extension, si 40% moins de pétrole est consommé, les émissions de GES doivent suivre une diminution similaire. D’ailleurs, Québec doit dévoiler l’an prochain son plan de réduction des GES qui cible une réduction de 37,5% de ces derniers, d’ici 2030. Cette cible a été officialisée par le précédent gouvernement, pendant la conférence sur les changements climatiques de Paris, en 2015.
Ça laisse donc 10 années pour atteindre cette cible de réduction de pétrole de 40%, et par extension, 37,5% de réduction d’émission de GES.
Pour y arriver, M. Legault a annoncé un plan, lequel prévoit des investissements majeurs, mais uniquement dans le transport collectif. M. Legault a dressé une liste de sept projets qu’il souhaite mettre en branle :
  • Réseau électrique métropolitain (REM)
  • Extension du REM sur la Rive-Nord et la Rive-Sud
  • Prolongement de la ligne bleue du métro
  • Construction d’un tramway à l’Est de Montréal
  • Construction d’un tramway sur le boulevard Taschereau, sur la Rive-Sud
  • Construction d’un tramway à Québec
  • Construction d’un projet de transport sur rail à Gatineau
La question suivante se pose :
Est-ce réalisable de parvenir à réduire la consommation de pétole du Québec de 40% avec un plan comportant essentiellement des projets liés aux transports collectifs ?
Analysons d’abord le portrait actuel de consommation de pétole et d’émissions de GES.


Situation actuelle et cible 2030 – consommation de pétrole pour le secteur des transports routiers

Selon Statistique Canada, le pays a consommé plus de 44 milliards de litres de pétrole pour l’année 2017, uniquement pour les véhicules routiers.

La province ayant enregistré la plus forte augmentation en ce qui concerne les volumes de ventes brutes d’essences a été le Québec (+394,3 millions de litres) tandis que la Colombie-Britannique a affiché la baisse la plus élevée des volumes (-587,6 millions de litres).
En ce qui concerne le Québec, plus de 8,8 milliards de litres d’essence et plus de 3 milliards de litres de diesel ont été vendus pour usage routier (ventes nettes). Nous avons donc un total cumulé de 11,8 milliards de litres de produits pétroliers consommés au Québec, uniquement pour le secteur du transport routier en 2017.
 

Une réduction de 40% de 11,8 milliards de litres de produits pétroliers représente donc 4,72 milliards de litres de consommation à supprimer pour 2030, sur une base annuelle.


Situation actuelle et cible 2030 – rejets de GES (inventaire de 2016 au Québec)

En 2016, les Québécois ont rejeté 78,6 millions de tonnes (Mt) éq. CO2 de GES dans l’atmosphère, un niveau équivalent à ceux de 2015 et 2014, et qui correspond à une diminution de 9,1 % depuis 1990. De ces  78,6 millions de tonnes (Mt) éq. CO2 de GES émis au Québec en 2016, 43 % (33,8 Mt éq. CO2) sont attribuables aux transports, dont 27,0 Mt éq. CO2 pour le transport routier seulement, ce qui représente 34,4% de tous les GES émis au Québec. L’accroissement du parc automobile, l’augmentation de la puissance, du poids et des accessoires des véhicules ainsi que l’augmentation du kilométrage parcouru sont directement responsables de l’importante hausse observée dans le secteur des transports depuis 1990. Toutefois, entre 2011 et 2014, une baisse graduelle des émissions était observée dans ce secteur, mais une remontée est notée ces deux dernières années.

La distribution des émissions de GES a été établie à 17,24 millions de tonnes pour les véhicules automobiles et camions légers (aka VUS) (9,24+8) , alors que les véhicules lourds sont responsables de 9,73 millions de tonnes d’émission de GES. Nous avons donc une répartition de 64% des émissions de GES du secteur des transports routiers attribuables aux véhicules automobiles et camions légers, contre 36% pour les camions lourds.
Une réduction de 37,5% de 78,6 millions de tonnes de GES représente donc 29,48 millions de tonnes de GES à supprimer pour 2030, sur une base annuelle. Cette même réduction de GES (37,5%), appliquée au secteur des transports routiers (27 Mt), représente 10 millions de tonnes à supprimer pour 2030, sur une base annuelle.


Distribution des modes de transports

La SAAQ a publié un dossier statistique ” Bilan 2016 des taxis, des autobus, des camions lourds et des tracteurs routiers”, dans lequel on apprend que la répartition des véhicules routiers immatriculés au Québec va comme suit :

  • plus de 76% des véhicules routiers sont des véhicules de promenade
  • un peu moins de 11% des véhicules routiers sont des véhicules à vocation institutionnelle, professionnelle ou commerciale


Dans ce même dossier statistique, on y apprend que la proportion des autobus représente 2,7% (1.2% + 1.5%) des véhicules routiers, tel que défini dans le tableau suivant :
 


Consommation de carburant

Autobus

Considérant que les autobus représentaient (en 2016) 18 946 véhicules sur les quelques 699 254 véhicules à vocation institutionnelle, professionnelle ou commerciale, soit 2,7%, on peut estimer leur consommation à 2,7% du carburant diesel consommé au Québec, puisque la quasi-totalité de ces véhicules fonctionnent avec ce carburant.
Donc 2,7% de 3 milliards de litres de carburant diesel (voir le premier tableau) représente approximativement 81 millions de litres consommés annuellement.
Véhicules de promenade
Si l’ensemble des véhicules de promenade au Québec (approximativement 5 000 000) consomment 8,8 milliards de litres d’essence, on peut affirmer que 10% de ces véhicules, soit approximativement 500 000 consomment 880 millions de litres d’essence, sur une base annuelle.


Scénario hypothétique

Pour besoins de démonstration, prenons le scénario hypothétique suivant : une révolution du transport est provoquée par un ensemble de projets axés sur le transport collectif et arrive à combler la totalité des déplacements collectifs actuels, en plus de convertir 10% des transports actuellement effectués en mode non-collectif (automobile).
Nous pouvons affirmer que :

  • si TOUS LES AUTOBUS au diesel circulant au Québec sont retirés de la circulation, cela représente une réduction approximative de 81 millions de litre de carburant, soit 1,7% de l’objectif de réduction de 4,72 milliards de litres de produits pétroliers;
  • si 10% des véhicules de promenade sont éliminés (leurs propriétaires ayant choisi d’opter pour le transport collectif, par exemple), cela représente une réduction approximative de 880 millions de litre d’essence, soit 18,6% de l’objectif de réduction de 4,72 milliards de litres de produits pétroliers.
  • Ces 2 réductions représentent 961 millions de litres de produits pétroliers.


Émissions de GES

Nous pouvons affirmer que :

  • si TOUS LES AUTOBUS au diesel circulant au Québec sont retirés de la circulation, cela représente une réduction approximative de 2 000 000 tonnes de GES (5 X 5 X 2.7% de 10,9% de 27 millions de tonnes – en estimant que les autobus parcourent 5X plus de km que la moyenne des véhicules et que leurs moteurs consomment 5X plus que les véhicules automobiles)
  • si 10% des véhicules de promenade sont éliminés(leurs propriétaires ayant choisi d’opter pour le transport collectif, par exemple), cela représente une réduction approximative de 1,7 millions de tonnes de GES (10% de 17 millions de tonnes )
  • Ces deux réductions représentent 3,7 millions de tonnes de GES


Résumé du scénario hypothétique lié aux transports collectifs

Ce scénario a pour but d’illustrer que même si les 7 projets ciblés sur le transport collectif arrivaient à pouvoir retirer TOUS LES AUTOBUS au diesel dans la province de Québec, ainsi que 10% des véhicules de promenade circulant au Québec, la réduction de la consommation de pétrole sera inférieure à 1 milliards de litres, soit moins du quart de l’objectif de réduction annoncé par le M. LegaultDu côté des GES, la réduction de 3,7 millions de tonnes représente que 37% de l’objectif de réduction de 10 millions de tonnes de GES à supprimer dans le secteur du transport routier, pour 2030.


La progression des véhicules électriques

Ajoutons ensuite au scénario hypothétique les réductions liées à l’hypothèse que le Québec disposera d’un million de véhicules électriques en 2030, conformément à l’objectif de la politique énergétique 2030 du précédent gouvernement en matière de véhicules électriques, soit 1 million de véhicules électriques en 2030, ce qui représente approximativement 20% du parc de véhicules légers, si bien sûr ce parc n’augmente pas d’ici 2030.

En posant l’hypothèse que ce million de véhicules électriques sur les routes en 2030 font en sorte qu’un million de véhicules à essence sont retirés de la circulation, nous obtenons une réduction potentielle de 1,7 milliards de litre d’essence, soit 36% de l’objectif de réduction de 4,72 milliards de litres d’essence.
Sur le plan des émissions de GES, ce million de véhicules à essence en moins aurait pour effet de réduire les émissions de GES de 3,4 millions de tonnes. (Si 5 millions de véhicules automobiles et camions légers (VUS) émettent 17 Mt, une règle de 3 confirme que le retrait de 1 million de véhicules retire approximativement 3,4 Mt)
 

Grand Total (scénario transport collectif + 1 millions de véhicules électriques)

Voici la somme des réductions combinées :

Pétrole : 81 millions de litres + 880 millions de litres + 1,7 milliards de litres = 2,6 milliards de litres,  soit 55% de la cible de réduction de pétrole dans le secteur des transports
GES : 2 millions de tonnes + 1,7 millions de tonnes + 3,4 millions de tonnes = 7,1 millions de tonnes, soit 71% de la cible de réduction des émissions de GES dans le secteur des transports


Constats

Le secteur des transports, étant le plus important dans le bilan de la consommation de produits pétroliers et dans le bilan des émission de GES, ne peut pas rater sa cible, car un manque à gagner exigera des efforts irréalisables dans les autres secteurs pour compenser.
Selon l’enquête Origine-Destination de Québec (EOD 2017), entre 2011 et 2017, l’usage de l’automobile a connu une croissance autant aux périodes de pointe (7,1%) que sur une base quotidienne (12,9%).
 

En ne ciblant que le transport collectif, les cibles de réduction de consommation de pétrole et de réduction de GES pour le secteur du transport seront inatteignables, même si le Québec atteint sa cible de 1 million de véhicules électriques en 2030.

MAJ : 3 Juin 22:30 – Une erreur sur les calculs de GES a été corrigée, modifiant les calculs. Un tableau de répartition des GES par type de véhicule a été ajouté pour soutenir les calculs.
Références :
Cette chronique est également publiée sur ELECTRYK.CA
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