Les véhicules électriques sont d’autant plus propres que les centrales électriques le sont. Les centrales au charbon, au gaz naturel et nucléaires actuelles doivent être remplacées par des énergies sans pollution ni gaz à effet de serre, ni déchets nucléaires. Malheureusement, les énergies renouvelables sont intermittentes par nature, et doivent avoir en appui des centrales au gaz à démarrage rapide (moins efficaces) ou d’énormes unités de stockage d’énergie pour assurer une production continue d’électricité. Si on veut mettre des batteries, on va devoir avoir une ponction gigantesque sur nos ressources naturelles, encore plus grande que pour l’électrification des transports, ce qui exercerait un stress extrême sur l’environnement.
Il y a donc un très grand besoin présentement d’une nouvelle source d’énergie qui puisse fonctionner 24 heures par jour, tout au long de l’année, peu importe les conditions d’ensoleillement et de vents.
Or, cette nouvelle énergie existe, bien qu’elle ne soit pas encore prête pour la commercialisation. Je vous en ai parlé à quelques reprises (voir mes trois articles antérieurs : 1, 2, 3), il s’agit des réactions nucléaires à basse énergie (autrefois appelée fusion froide).
Bien que plus d’une centaine de chercheurs, depuis 1989, ont démontré qu’il y avait des excès d’énergie dégagée dans plus d’un millier d’expériences, les puissances obtenues étaient en grande majorité inférieures à 10 Watt, avec un COP (Coefficient Of Performance) variant de 1,1 à 1,4 environ. Le COP étant défini comme le rapport de l’énergie produite sur l’énergie à l’entrée, pour faire fonctionner le réacteur. Voici une reproduction d’un histogramme tiré du livre «The science of low energy nuclear réaction» de Edmund Storms (World Scientific, 2007, figure 39) qui fait la compilation de 157 expériences, de 1989 à 2004, où des excès de puissance sous forme de chaleur ont été générés. L’histogramme met en lumière le nombre d’expériences dans des intervalles de 10 Watt, de 0 à 200 Watt.
On y constate que seules 4 expériences sur 157 ont dépassé 100 Watt, et que les puissances dégagées étaient inférieures à 200 Watt.
Ce qui a réellement changé la donne, c’est le réacteur E-CAT (Energy CATalyser) de Andrea Rossi, qui a atteint plus de 10 000 Watt en 2011, avec un COP de l’ordre de 5
Dans mon article «Énergie nucléaire sans radioactivité ni GES: une percée majeure !!», j’ai fait le compte-rendu d’une expérience de validation par une équipe de chercheurs indépendants qui ont démontré, en 2014, des excès de puissance de 2 300 Watt, avec un COP de 3,6. L’énergie excédentaire totale dégagée pendant les 32 jours de l’expérience, avec 1 gramme de «carburant», a été de 1,6 MWh, soit 1,6 GWh/kg. C’est 133 000 plus de densité d’énergie que ce qu’on peut dégager en brûlant de l’essence (12 kWh/kg), donc, beaucoup plus que ne peuvent donner les réactions chimiques. C’est là une indication qu’il s’agit de réactions nucléaires. D’ailleurs, les isotopes légers du Nickel (principal constituant du réacteur, avec l’hydrogène) ont été transmutés en isotopes lourds du même élément (Nickel), ce qui démontre aussi qu’il s’agit bien de réactions nucléaires. Toutefois, c’est une réaction très propre qui ne dégage aucune radioactivité, ni déchets radioactifs, ni gaz à effet de serre. Que demander de mieux!
Je n’ai pas fait de suivi depuis, car la situation s’est compliqué. Une nouvelle compagnie Industrial heat LLC a acquis les droits pour la technologie de Rossi , en 2014, sous certaines conditions. Un réacteur de 1 million Watt a été construit et le COP garanti était de 6. Après une année de test 24h/24h (de février 2015 à février 2016), si le réacteur fonctionnait comme prévu, une somme de 89 million $ devait être versée à Rossi. Mais, cela ne s’est pas produit, et Andrea Rossi a donc annulé la licence de Industrial Heat et lancé une poursuite en cours pour récupérer ses dus. La sortie du rapport de l’examinateur indépendant sur le fonctionnement de ce réacteur de 1 MW a donc été suspendue.
Mais, récemment, le fameux rapport de l’examinateur indépendant a été rendu public dans les documents de la cours, et peut être téléchargé ICI. On peut y lire :
“Consequently the ERV [Expert Responsible for Validation] certifies that for a period of 350 days, not consecutives, the temperature of the steam produced by the plant was greater than 100 C, and the plant consistently produced energy that is at least six times greater than the energy consumed by the Plant.”
“Definitely the guaranteed performances standards have been achieved for the test period”
Soit, en français (traduction libre)
“Par conséquent l’ERV [l’Expert Responsable de la Validation] certifie que pour une durée de 350 jours, non consécutifs, la température de la vapeur produite par le réacteur était plus élevée que 100 °C, et le réacteur a produit de l’énergie qui était systématiquement au moins six fois plus grande que l’énergie consommée par le réacteur.”
“Définitivement, les performances garanties ont été réalisées pendant la période de test”
Mais, de dire que le COP a été plus grand que 6 est presque dénigrant pour la technologie puisque, selon le rapport, il a été de 80 à 100 la très grande majorité du temps. J’ai donc pris sur moi de faire des graphiques montrant le COP à chacun des 350 jours de fonctionnement du réacteur de 1 MW, à partir des tableaux de mesures et de calculs du rapport de l’expert responsable de la validation. J’ai également réalisé un deuxième graphique, montrant l’énergie quotidienne produite par le réacteur. Voici ces deux graphiques.
Le dernier graphique sur l’énergie quotidienne produite fait état d’une valeur près de 20 MWh/jour la grande majorité du temps, ce qui correspond à une puissance de l’ordre de 830 KW.
On est donc très loin des COP de 1,1 à 1,4 du début des recherches sur les réactions nucléaires à basse énergie (années 1990), et les puissances excédentaires dégagées approchent le million de Watt au lieu des quelques Watts du début. C’est une véritable révolution qui s’annonce.
Toutefois, il faut souligner que le réacteur de 1 MW a été conçu pour fournir de la vapeur à 100 °C à un procédé, et que la température n’est pas suffisante pour actionner une turbine et produire de l’électricité. Non pas que ce ne serait pas possible, mais remplacer la bouilloire d’une centrale thermique et produire de la vapeur sous pression à 600 °C c’est un degré de difficulté de plus, qui va demander plus de recherche.
Par contre, lorsqu’on compare avec une thermopompe géothermique, le COP de cette dernière n’est que de 4 à 5, comparativement à 80 à 100 pour le réacteur nucléaire à basse énergie (RNBE) de Rossi. Ça veut dire, 20 fois plus d’énergie produite en chaleur avec un RNBE qu’avec une thermopompe, pour une même quantité d’énergie électrique consommée, avec un fonctionnement 24h/24h. C’est totalement révolutionnaire, surtout que le coût en «carburant» pour chauffer une maison au Québec, en hiver, ne serait que de 1 $ par mois!
Le gros problème pour l’avancement de cette technologie c’est l’absence de financement des gouvernements. On n’aurait jamais développé les centrales nucléaires actuelles sans des subventions à coup de milliards $ de nos gouvernement. Par ailleurs, il n’y a jamais de problème pour donner des subventions aux carburants fossiles. Cherchez l’erreur…
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