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Voitures électriques, GES, subventions : Retour sur les affirmations de Normand Mousseau

Il y a quelques jours est paru un livre très intéressant écrit par le physicien Normand Mousseau intitulé Gagner la guerre du climat (Éditions Boréal)1 où celui-ci prend bien le temps d’expliquer l’ampleur du défi qui nous attend en ce qui a trait à la lutte aux changements climatiques et 12 mythes véhiculés par bien des gens sur la lutte aux GES dont ceux-ci :

– La réduction des gaz à effet de serre (GES) mènera automatiquement à une amélioration de notre qualité de vie.

– L’hydroélectricité est la clé pour l’enrichissement du Québec.

– Le Canada est une grande puissance énergétique.

– Il suffit de taxer le carbone pour mettre un frein au réchauffement climatique, ou tout simplement d’acheter des voitures électriques.

– Le pétrole est encore là pour longtemps / Nous arrivons au bout de nos réserves.

– Les provinces ont pris le relais du fédéral dans la lutte contre les GES.

Je suis d’accord avec lui lorsqu’il affirme que le gouvernement du Québec fait beaucoup plus dans les coups d’éclat et la publicité « verte » que dans les actions concrètes fondamentales pour changer l’économie du Québec et diminuer notre dépendance aux hydrocarbures. En fait, Québec « investit » dans des programmes supposés diminuer les GES sans faire de suivi et, tout comme dans le précédent plan de lutte aux GES 2006-2012 très critiqué par le commissaire au développement durable2, celui-ci dépense encore l’argent à l’aveuglette3.

De plus, via la loi 106, ce même gouvernement ouvre la porte au développement des hydrocarbures en sol Québécois4. Et que dire du soutien du gouvernement du Québec au secteur du gaz naturel ? Quant au gouvernement fédéral, il est tellement évident qu’il va exactement dans le sens contraire du bon sens en appuyant une hausse marquée de l’exploitation des sables bitumineux et des pipelines que je ne gaspillerai même pas mon temps à revenir là-dessus.

Le Québec n’a pas atteint son objectif de réduction de GES du protocole de Kyoto5 (malgré les nombreuses fois où le gouvernement Charest a affirmé le contraire) et il n’atteindra pas non plus son objectif de réduction de GES de -20% en 2020 ou son objectif de 100,000 voitures électriques en 20206.

Et il ne pourra pas plus, si on se fie à sa politique énergétique 2016-2030, atteindre son objectif de réduction de GES de -37,5% en 2030, tout cela relevant bien plus de la « bravade » que d’un plan concret et réaliste, comme le dit très justement M. Mousseau

Mais qui s’en soucie, puisque ce gouvernement ne sera plus là en 2030 ?

La voiture électrique comme solution à la lutte aux GES ?

Dans ce livre, M. Mousseau écorche au passage la voiture électrique, ce qui risque de froisser plus d’une personne adepte de cette technologie.

Il dit entre autres que :

« On vise l’électrification des transports, tout en finançant la construction d’autoroutes sans voie réservée pour les autobus et en coupant dans le transport interrégional. »

Encore là, je suis d’accord. Il n’y a présentement pas de plan, de budget digne de ce nom ou de vision en matière de transports collectifs, comme on a pu le lire dans l’article de Bruno Bisson7 du 9 septembre 2016 intitulé « Transports en commun: des voix s’élèvent contre l’absence de plan provincial ».

On peut effectivement y apprendre que : « Selon la coordonnatrice aux communications du cabinet du ministre Lessard, Jacinthe Girard, «?il n’y a pas présentement de politique des transports en commun sur la table?» et le Ministère gère les dossiers réclamant son attention «?au cas par cas?».

C’est notamment le cas en régions rurales, où le Ministère a imposé au printemps de nouvelles règles de financement, obligeant notamment des MRC à éliminer les surplus qui s’étaient accumulés, ces dernières années, dans l’organisation de services de transports en commun locaux. »

Dans un article de Gérald Fillion8 sur le livre de M. Mousseau, on peut lire:

« Quant à l’objectif de 100 000 voitures électriques sur les routes du Québec d’ici 2020, son effet sera « nul » en matière de réduction des émissions de GES. En fait, selon les calculs de l’auteur, ces véhicules représenteraient à peine 2 % de tout le parc automobile, ce qui signifierait une baisse des émissions globales de la province de 0,1 %. Qui plus est, le Québec est toujours très loin du compte, puisqu’un peu plus de 12 000 véhicules électriques roulent actuellement sur nos routes.

 Dans un contexte de fonds publics limités, M. Mousseau se questionne donc sur la pertinence de subventionner l’achat de véhicules électriques. Puisque ces voitures sont fabriquées à l’extérieur du Québec, il estime que la subvention à l’achat revient à expédier des fonds hors des frontières de la province.

« Finalement, poursuit Normand Mousseau, le gouvernement nous donne l’impression d’agir alors qu’il fait du surplace. Comme nous sommes convaincus que le passage à la voiture électrique réglera la question des émissions de gaz à effet de serre, nous accordons beaucoup moins d’attention à l’échec et au gaspillage de fonds qui accompagnent l’action sur le climat depuis une dizaine d’années. »

 Encore là, il a raison.

Je me rappelle d’ailleurs avoir entendu ces 2 mêmes arguments sur la pertinence de subventionner l’achat de véhicules électriques et le fait que ces achats auraient un impact marginal sur les GES globaux du Québec lors du dévoilement de notre stratégie d’électrification des transports en novembre 2013.

GES ou industrie ?

Lorsque j’étais au gouvernement, notre stratégie d’électrification des transports était d’abord et avant tout une stratégie industrielle et non pas une stratégie de lutte aux GES. C’est-à-dire que le but premier de cette stratégie était de créer un créneau de R & D, d’industrialisation, de commercialisation et d’exportation de produits, de technologies et de véhicules associés à ce secteur.

Et c’est justement là où le bât blesse présentement.

 

Alors que LA priorité d’une vraie stratégie d’électrification des transports devrait être de développer un créneau d’expertise et d’emplois, le gouvernement Couillard a coupé le financement de la R & D, de l’industrialisation, de la commercialisation et de l’exportation en électrification des transports de près de 80% annuellement!!9

Ainsi, plutôt que d’appuyer les PME, innovateurs, inventeurs, ingénieurs, « patenteux » et autres entreprises d’ici qui veulent développer des produits et technologies en électrification des transports, on a mis le frein d’urgence sur LA portion la plus importante pour l’avenir de l’électrification des transports. Hormis Autobus Lion, Téo, NovaBus et AddÉnergie, connaissez-vous beaucoup d’entreprises québécoises qui ont reçu un appui digne de ce nom du gouvernement ?

Je connais pourtant plusieurs PME d’ici qui pourraient contribuer à l’essor de l’électrification des transports québécois… et qui « sèchent ».

Ainsi, on ne fait surtout que brancher des véhicules et des technologies faites ailleurs… sur nos bornes. Woupi. Donc, comme le dit très justement Normand Mousseau, on subventionne des véhicules fabriqués ailleurs et qui ne créent que peu voire zéro emploi ici.

De plus, plusieurs entreprises étrangères intéressées à venir investir au Québec dans ce secteur sont en train de tourner les talons pour repartir à cause de l’immobilisme des gouvernements du Québec et du Canada.

Quel flagrant manque de vision et/ou de compétence !

Fini l’Institut du Transport Électrique du Québec, fini le projet Nomade de véhicules d’auto partage faits au Québec, fini la simple possibilité de se pencher sur le projet de monorail.

Pendant ce temps, le gouvernement et la CDPQ Infra annoncent en grandes pompes un projet de REM10 qui aura à peu près ZÉRO impact sur les GES en transport routier du Québec. $6 milliards pour 0,06% de diminution des GES en transports routiers du Québec, ça revient à combien la tonne déjà ? $3,273, selon le GRAME.

Lorsque j’étais au gouvernement, jamais nous n’avons prétendu que l’achat de véhicules électriques permettrait d’atteindre notre objectif de réduction des GES de -25% en 2020 par rapport à nos émissions de 1990. En fait, ce n’était pas son objectif. Ç’était plutôt le job du plan de lutte aux changements climatiques. Or, nous n’avons pas eu le temps d’en dévoiler un et le gouvernement Couillard, après 3 ans, n’a toujours pas dévoilé de plan détaillé de lutte aux GES expliquant comment il arriverait à son but.

Que le gouvernement martèle aujourd’hui que son plan d’électrification des transports contribuera à atteindre leur objectif de -20% témoigne soit de leur volonté de déception, soit de leur ignorance.

Cela dit, nous étions persuadés qu’à l’horizon 2030, notre stratégie d’électrification des transports aurait eu un impact réel et positif sur les emplois et les GES du Québec.

Mais nous étions conscients ça ne réglait pas tout, loin de là. 

Et les subventions à l’achat ?

La pertinence de la question posée par M. Mousseau sur la subvention ou non à l’achat de voitures électriques demeure. En effet, lorsqu’on réalise que le plan global d’électrification des transports du gouvernement Couillard dispose d’un budget de $420 millions sur 5 ans et qu’il faudrait encore $680 millions en subventions (approximativement 85,000 véhicules électriques restants pour atteindre 100,000 VÉ X $8000 par véhicule) pour les seuls achats de véhicules, on se rend très vite compte que le calcul ne fonctionne pas.

Imaginez alors l’objectif de 1 million de véhicules électriques en 2030 que le gouvernement a annoncé dans sa politique énergétique: la facture serait de $ 8 milliards si on continuait à les subventionner au même niveau.

Rien que ça.

C’est pourquoi je suis d’avis que nous n’aurons pas le choix de passer à un système de bonus-malus digne de ce nom afin d’encourager le passage vers les véhicules dits « Zéro Émission » et décourager l’achat de ces véhicules énergivores tellement à la mode ces jours-ci. Avec un bonus-malus inspiré du système français11 qui vise la neutralité fiscale, cela ferait en sorte d’accélérer le passage vers les véhicules écoénergétiques et électriques sans grever les finances de l’état.

Un tel bonus-malus s’avèrerait d’autant plus incontournable si les constructeurs automobiles persuadent l’administration Trump de laisser tomber les nouvelles normes CAFE pour 2025 car les véhicules seraient alors beaucoup moins écoénergétiques qu’ils auraient pu l’être d’ici là. Il nous faudrait donc compenser par des règles plus sévères à l’achat des véhicules légers sur le territoire québécois sinon notre consommation de pétrole ne cesserait d’augmenter…et il semblerait, selon le New York Time12, que ce recul majeur vis-à-vis les normes CAFE pourrait être annoncé dans les prochains jours.

Et finalement, nous devons aussi fortement encourager le passage au covoiturage et à l’auto partage comme l’ancien ministre des transports Sylvain Gaudreault l’avait annoncé pour le projet Turcot.

Ça aussi, c’est disparu sous le présent gouvernement.

(N.B. : Je signe ce billet à saveur plus « politique » puisque le point de départ  de cet article, le livre de Normand Mousseau, traite de politiques gouvernementales. C’est aussi pourquoi j’ai bien pris soin de mettre beaucoup de références pour appuyer mes dires.)

 
1 : http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/gagner-guerre-climat-2542.html
2 : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201205/02/01-4521105-le-bilan-environnemental-du-gouvernement-charest-critique.php
3 : http://www.lapresse.ca/environnement/201608/07/01-5008345-le-fonds-vert-pedale-dans-le-vide.php
4 : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201611/15/01-5041585-quebec-garde-la-porte-ouverte-a-lexploitation-des-hydrocarbures.php
5 : http://www.journaldemontreal.com/2015/04/13/quebec-a-depasse-kyoto-faux
6 : http://roulezelectrique.com/loi-vze-au-quebec-attention-les-fabricants-pourraient-navoir-aucun-effort-a-fournir-en-2018-et-tres-peu-en-2019/ 
7 : http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201609/09/01-5018613-transports-en-commun-des-voix-selevent-contre-labsence-de-plan-provincial.php
8 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1019340/mythes-plan-climatique-quebec-deboulonnes-ges-rechauffement
9 : http://roulezelectrique.com/electrification-des-transports-des-objectifs-ambitieux-et-une-coupe-de-80/
10 : http://roulezelectrique.com/projet-de-reseau-electrique-metropolitain-rem-prenons-une-grande-respiration/
11 : http://www.developpement-durable.gouv.fr/bonus-malus-ecologique-prime-conversion-et-bonus-velo
12 : https://www.nytimes.com/2017/03/03/us/politics/trump-vehicle-emissions-regulation.html?smid=fb-share

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