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Véhicules électriques et financement des routes : remettons les pendules à l’heure

Est-ce vrai que le nombre croissant de véhicules électriques sur les routes menace le financement de celles-ci ?
C’est ce que certains voudraient nous faire croire comme on a pu le lire dans un texte intitulé ” Les autos électriques menacent le financement des routes” qui commençait ainsi (1) :

“Les mesures incitatives de plus en plus importantes pour l’achat de voitures électriques commenceront bientôt à poser un problème de financement des routes, selon un nouveau rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est que les ventes d’essence, dont les taxes servent en partie aux routes, plafonnent et se mettront sous peu à baisser.

Le rapport de l’OCDE suggère de remplacer progressivement les taxes sur le carburant par une taxe sur le kilométrage. Déjà, des projets pilotes en ce sens ont été lancés en Amérique du Nord et certains pays européens imposent une taxe kilométrique plutôt que des droits d’immatriculation sur les camions. « C’est potentiellement un problème parce que c’est une taxe régressive qui touche moins les riches », explique Bertrand Schepper, de l’Institut d’information et de recherches socioéconomiques (IRIS), groupe de réflexion de gauche.
Germain Belzile, de l’Institut économique de Montréal, groupe de réflexion de droite, note que le rapport de l’OCDE concrétise des enjeux dont discutent depuis belle lurette les économistes des transports. « Il va y avoir de grosses pertes fiscales éventuellement avec la baisse des revenus des taxes sur l’essence. Il faut trouver un autre moyen de financer les routes. Il y a aussi d’autres externalités des voitures que les émissions de gaz à effet de serre, par exemple la congestion. Sur ce point, les voitures électriques ne sont pas meilleures.
« L’idée, selon moi, est une taxe proportionnelle au kilomètre. Je ne vois pas vraiment d’autre solution. C’est une forme de péage. J’ai un transpondeur EZ-Pass quand je vais aux États-Unis. Ça marche très bien, on ne ralentit pas beaucoup aux postes de péage. » N’y a-t-il pas un risque de mettre un péage sur les ponts menant à Montréal ? « On n’a pas besoin de faire comme New York et de mettre un péage de 15 $. On peut parler d’un péage de 3 $ en heure de pointe, avec des modulations. »

« De toute façon, il faut trouver une solution à la taxation de la congestion par les véhicules électriques. »”

Ainsi, selon l’OCDE, les pertes de revenus des taxes sur l’essence non perçues par les véhicules électriques poseront de plus en plus le problème du financement des routes.
Cette affirmation m’emmène à poser les questions suivantes :

  • Pourquoi personne parmi eux ne parle de stopper les subventions et autres avantages fiscaux aux compagnies gazières et pétrolières pour financer l’entretien des routes ? Dois-je rappeler que le Fonds Monétaire International (2) a calculé le montant de ces subventions à $54 milliards au Canada en 2017, ce qui équivaut au prorata de la population à plus de $12 milliards pour le Québec ou environ 1500 $ par Québécois par année ?
  • Pourquoi personne parmi eux ne parle de l’impact extrêmement positif des véhicules électriques (lourds et légers) sur la santé des gens grâce à l’éradication des émissions polluantes atmosphériques locales ? Dois-je rappeler que l’an dernier, une étude publié par l’International Institute for Sustainable Development (3) avait révélé que les coûts en santé associés au smog dû aux émissions polluantes atmosphériques des industries et des transports était de $36 milliards pour la seule année 2015 au Canada, soit environ $1000 par année par personne ou 4000 $ pour une famille de 4 ?

 

  • Dois-je rappeler que la première source d’émissions polluantes atmosphériques au Québec est le secteur des transports qui représentaient 62% des émissions polluantes atmosphériques totales du Québec (4) dans le dernier rapport du gouvernement du Québec ?

 

 

  • Ce pourcentage est d’ailleurs encore plus élevé que les émissions de GES des transports qui représentaient 43% des émissions de GES totales du Québec en 2016. On parle donc ici d’un impact positif local ET immédiat sur la santé des gens… ce qui inclut nécessairement une diminution des coûts de soins de santé.


 

  • Il y a présentement 25 millions de sièges vides qui circulent à tous les jours au Québec dans les voitures. (5) Si on encourage les gens à faire de plus en plus de covoiturage, cela posera le même problème des pertes de revenus sur l’essence vu qu’il y aura moins d’auto solo sur les routes, non ?
  • Le nouveau gouvernement du Québec prévoyant finir le REM à Montréal, prolonger le REM ou un tramway sur la Rive-Nord et sur la Rive-Sud de Montréal, prolonger la ligne bleue du métro à Montréal, construire un tramway dans l’est de Montréal, construire un tramway sur le Boulevard Taschereau à Longueuil, construire un tramway à Québec et construire un Projet de transport sur rail à Gatineau, on se retrouvera avec un autre problème de financement des routes puisque de plus en plus de gens délaisseront leur voiture pour utiliser le transport collectif, n’est-ce pas? Or, le transport collectif est en bonne partie financé par les revenus des taxes sur l’essence !

Qu’il s’agisse des routes ou du transport collectif, ces problèmes de sous-financement existaient donc bien avant l’arrivée des véhicules électriques !
Disons les choses de manière encore plus directe : puisque le but visé par le gouvernement est de diminuer les GES de 37,5% en 2030 par rapport à nos émissions de GES de 1990 au Québec, cela implique nécessairement de diminuer notre consommation de produits pétroliers. L’objectif du gouvernement du Québec étant de diminuer de 40% notre consommation de pétrole d’ici 2030…
 

Atteindre nos objectifs impliquera nécessairement

une baisse des revenus des taxes sur l’essence… 

à moins d’augmenter celles-ci pour chaque litre consommé.

 
En résumé, contrairement à ce que ce texte affirme dans son titre, ce ne sont pas les voitures électriques qui menacent le financement des routes. C’est plutôt le fait que les gens qui ont pensé son mode de financement voient ce dossier en silo et se fient depuis trop longtemps aux revenus des taxes sur le carburant. Au moment où nous devons diminuer notre dépendance au pétrole, cette équation ne tient plus. Le financement des routes n’est qu’une petite partie de l’équation complexe mobilité-environnement-santé qu’on doit regarder dans son ensemble.
Il est plus que temps que les gouvernements, les économistes, les urbanistes, les médecins et les écologistes se parlent, car ces dossiers sont interdépendants. La solution sera-t-elle une taxe kilométrique ? Peut-être, mais avant de statuer, les gouvernements n’auront pas le choix de faire une réflexion beaucoup plus approfondie ET élargie.
On est rendu là.
1: http://plus.lapresse.ca/screens/675dcf94-37ef-4d1c-97e2-64f57a5c0cfb__7C___0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal%20Share&utm_content=Screen&fbclid=IwAR1QczHcmOvfnwmakrAb-UGTTc3-D8JHcVYWGKEjMaWpaQ9I-lNyb0U2aKQ
2: https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/201905/09/01-5225469-des-subventions-de-54-milliards-pour-les-energies-fossiles.php
3: https://www.iisd.org/content/smog-costs-canadians-36-billion-annually
4: http://www.environnement.gouv.qc.ca/air/inventaire/rapport2008.pdf
5: http://plus.lapresse.ca/screens/137061c1-190c-4359-aa1a-d77f13d8918d__7C___0.html
 

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