L’obsolescence programmée : pour confondre nos désirs et nos besoins

Le bagage de connaissances de Daniel sur l’électrification des transports est tel qu’il est incommensurable! Daniel se consacre désormais aux «3E» : Énergie, Environnement et Électrification des transports! Bienvenue dans la communauté de Roulez Électrique, Daniel!

Sylvain Juteau

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Pourquoi se vend et se loue-t-il 3 fois plus de VUS sur les routes du Québec qu’il y a 10 ans? Tout simplement parce qu’il est aujourd’hui considéré « normal » d’en posséder un.

Il y a 10 ans, beaucoup moins de gens considéraient un tel achat comme allant de soi. Ils envisageaient plutôt l’achat d’une compacte ou d’une sous-compacte, moins dispendieuse à l’achat et en carburant, comme logique.

Maintenant, après des années de matraquage publicitaire de la part des constructeurs automobiles, ce type de véhicules est vu comme celui répondant le mieux aux besoins d’un nombre croissant d’automobilistes. Il est important de souligner la quantité impressionnante d’argent « investi » par les constructeurs afin de convaincre les acheteurs de passer des sous-compactes et compactes aux petits et moyens VUS car pour ces dernières, il est plus payant de vendre des VUS que des petites voitures. En effet, le prix de base des VUS est souvent de 5 000 à 10 000 $ plus cher que celui d’une petite voiture en version de base, ce qui implique que les marges bénéficiaires des constructeurs s’en retrouvent améliorées.

Vendre ou louer une petite sous-compacte en version de base est moins payant pour les constructeurs, les concessionnaires et, bien entendu, les vendeurs que vendre ou louer un VUS. Sachant cela, la somme importante d’argent dépensée par les constructeurs dans le but de vendre l’idée que nous avons tous besoin d’un VUS tombe sous le sens, n’est-ce pas?

Et c’est là qu’intervient le débat de fond : nos désirs VS nos besoins.

Confondre nos désirs et nos besoins : l’obsolescence programmée

Depuis la Seconde Guerre mondiale, trois industries se sont développées à un rythme soutenu, celle des relations publiques, des sondages et de la publicité. En effet, avec la fin de cette guerre est survenue la crainte pour les entreprises et le gouvernement américain que l’Amérique ne se retrouve à nouveau en dépression. C’est alors que le concept d’obsolescence programmée, qui avait été introduit dans les années ‘30, est revenu à la mode afin de stimuler la croissance économique. Or, ce concept a été à la base du travail des industries des relations publiques, de la publicité et même, dans une moindre mesure, de l’industrie des sondages.

Si pour beaucoup de gens l’obsolescence programmée représente la conceptualisation et la production de biens ayant une durée de vie limitée par design et ingénierie, en fait sa définition est beaucoup plus large. On considère AUSSI comme obsolescence programmée toute campagne visant à rendre désuet, passé de mode ou insuffisant un produit ou un service qu’une entreprise vous a vendu.

Combien de gens connaissez-vous qui ont échangé un bien qui fonctionnait parfaitement afin de s’en procurer un nouveau, soit disant « supérieur » car plus récent? Êtes-vous de ceux-là? Avez-vous récemment acheté un nouveau téléphone cellulaire, une nouvelle tablette ou une nouvelle télévision alors que l’objet que vous possédiez fonctionnait encore parfaitement? Ou encore, le produit que vous avez échangé ne pouvait être mis à jour, ce qui le rendait désuet?

Ça aussi, c’est de l’obsolescence programmée. Ça veut aussi dire que, d’une certaine manière, VOUS avez été programmé de façon à voir ces gestes de consommation comme allant de soi.

Eh bien, il en va de même pour les véhicules. Les constructeurs automobiles ont, depuis de nombreuses années, intégré ce concept en rendant visuellement désuets les véhicules qu’ils ont mis en marché à peine 3 ou 4 ans auparavant. Regardez à quelle vitesse les modèles ont commencé à changer visuellement à compter des années ‘50. Et ça se comprend. En effet, le fait que les voitures soient en général plus durables qu’elles ne l’étaient il y a 30 ou 40 ans (elles rouillent moins, les moteurs durent plus longtemps, etc.) pose un problème quant aux projections de ventes.

C’est ainsi que les constructeurs ont travaillé à créer de toute pièce un besoin là où il n’y en avait pas pour une grande proportion d’acheteurs. Celui de posséder un VUS car, selon le message véhiculé depuis maintenant 20 ans, nous avons BESOIN :

– d’être assis plus haut afin d’avoir une meilleure vision;

– d’avoir plus d’espace intérieur (ce qui n’est même pas toujours vrai ni nécessaire);

– d’être plus en sécurité (ce concept a été élaboré depuis la guerre du Golfe. On a associé les VUS, dont le défunt Hummer, à la sécurité en ces temps « dangereux ». Regardez comment se promène Stephen Harper et ses gardes du corps. Ils sont tous en Chevrolet Yukon XL noirs.

Un VUS, c’est « cool »?

De plus, calcul moins avouable, l’autre message subliminal derrière la possession d’un VUS est celui auquel veulent s’identifier, inconsciemment la plupart du temps, les acheteurs : être au volant d’un VUS, c’est être identifié comme étant un brin aventurier, sportif, bref, « cool »…

Qu’importe si c’est vrai. Qu’importe si vous êtes sportif ou non. Ici, ce qui compte, c’est la perception, envers les autres aussi bien qu’envers nous-même.

Dans les années où je travaillais dans le milieu du sport (vélo, planche à voile, ski) et trimballais une grande quantité d’équipement sportif, je conduisais une minifourgonnette. C’était logique car le format d’une minifourgonnette comblait mes besoins de travail et de loisirs. Qui aujourd’hui veut être vu au volant d’une minifourgonnette? Plus grand monde. Pourquoi? Parce que l’image de la minifourgonnette a été détériorée au détriment du VUS. Pourtant, tout le monde convient qu’une minifourgonnette est autrement plus utilitaire que la très grande majorité des véhicules utilitaires sport, n’est-ce pas? Car disons-le, une bonne partie des VUS ne sont ni réellement utilitaires et encore moins sportifs!

Si vous voulez savoir à quel point les entreprises travaillent de façon subliminale et insidieuse afin de rendre les VUS « cool », je vous suggère de regarder le documentaire intitulé RHYME PAYS (http://digital.films.com/play/PTSNLJ) où des artistes se sont associés à GM et Mitsubishi pour faire croire aux masses de consommateurs que rouler en VUS, c’est être « cool ». Rappelez-vous des vidéoclips de rap et de hiphop d’il y a quelques années. Combien de Cadillac Escalade y voyait-on? Croyez-vous que c’est dû au hasard?

Voilà les vraies raisons qui se trouvent derrière les hausses des ventes de VUS au Québec comme ailleurs en Amérique du Nord.

Pendant ce temps-là, les constructeurs « investissent » combien d’argent en publicité et relations publiques pour vendre des voitures électriques versus des VUS?

Poser la question, c’est y répondre.

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