Image : Programme Roulez électrique du gouvernement du Québec.
Le bagage de connaissances de Daniel sur l’électrification des transports est tel qu’il est incommensurable! Daniel se consacre désormais aux «3E» : Énergie, Environnement et Électrification des transports! Bienvenue dans la communauté de Roulez Électrique, Daniel!
Sylvain Juteau
____________________________________________________________________________________________________________________
Qui est l’Institut des Générations?
Sur leur site Web, on peut lire que :
« L’Institut des Générations (IG) est un organisme sans but lucratif ayant pour mission la création et la diffusion de données, d’analyses et de propositions sur des enjeux liés à l’équité entre les générations. Son objectif premier est de stimuler et d’alimenter les discussions sur ces enjeux, dans un espace ouvert et sans parti pris partisan. L’IG a été créé par des Québécois de différentes générations et de différentes allégeances politiques, mais qui s’entendent tous sur l’importance de stimuler la prograssion du niveau de vie économie et social de toutes les générations du Québec. »
Dans son « budget 2015-2016 », cet institut constitué de jeunes des milieux économique et politique a fait une série de propositions visant l’équité intergénérationnelle. Dans son document, 2 principes touchent plus particulièrement des notions d’environnement et de développement durable. Ceux-ci sont :
Vision à long terme : Tout en tenant compte de l’importance du retour à l’équilibre budgétaire à court terme, le (?) s’inscrit sur un horizon à long terme et favorise l’atteinte de cibles durables plutôt que de résultats à court terme.
Soutenabilité : Une grande importance est accordée aux enjeux touchant l’environnement et le patrimoine non monétaire ou financier légué aux générations futures, afin de positionner l’enjeu de l’équité intergénérationnelle dans un contexte global et structurant.
C’est dans ce contexte que l’IG propose d’abandonner complètement le programme de rabais à l’achat ou à la location de véhicules électriques.
Voici ce qui est écrit dans le document :
Mesure 16 : Abandon du programme Roulez électrique (Programme de rabais à l’achat ou à la location d’un véhicule électrique neuf)
Objectif : Augmenter les revenus du gouvernement du Québec en ciblant les programmes offrant le plus grand impact par investissement, par exemple en termes de services à la population ou de développement de mode de vie plus durables au sein de la population.
La mesure en bref : Nous proposons d’abolir le programme Roulez électrique visant la subvention de l’achat ou de la location de véhicules électriques. Les crédits résiduels sont retournés au Fonds Vert.
Dispositions budgétaires : Cette mesure permettrait d’augmentera [sic] les revenus fiscaux du gouvernement d’environ 51M$ par année, compte tenu de la popularité actuelle du crédit.
Contexte : Malgré le soutien financier offert par le gouvernement, l’acquisition d’une voiture électrique demeure une dépense significativement plus importante que l’achat d’un véhicule traditionnel. Le choix de faire l’acquisition d’un véhicule électrique reste donc d’abord un choix idéologique plus qu’économique. D’un point de vue de lutte aux changements climatiques, cette mesure est nettement moins efficace en terme en coût par tonne de gaz à effet que ne l’est le soutien au développement de technologies vertes. C’est donc cet axe qui sera privilégié.
Il y a plusieurs problèmes avec ces affirmations.
Tout d’abord, en ce qui a trait aux montant de 51M$ par année.
Affirmation #1 :
« Cette mesure permettrait d’augmentera [sic] les revenus fiscaux du gouvernement d’environ 51M$ par année, compte tenu de la popularité actuelle du crédit. »
Comme il s’est vendu environ 2000 voitures partiellement et entièrement électriques en 2014 au Québec, le montant MAXIMUM qu’ont pu coûter ces achats et locations est de 16 millions $ (8 000 $ maximum par véhicule) auxquels s’ajoutent un maximum de 2000 bornes de recharge pour un autre montant de 2 millions $ (1 000 $ maximum par borne).
Total MAXIMUM : 18 millions $
Une bonne partie des 2000 véhicules vendus en 2014 n’ont eu droit qu’à une partie du rabais maximum de 8000 $, car le montant du rabais est ajusté en fonction de la grosseur de la batterie. Ainsi, certains ont plutôt droit à un rabais de 4000 $ ou même seulement de 500 $ pour les voitures hybrides, ce qui fait que le vrai total est moins élevé que 18 millions $.
On est donc très loin du montant de 51 millions $ par an tel qu’écrit dans le document de l’institut des générations. À MOINS QUE l’institut ne considère qu’une voiture électrique fasse perdre des revenus en taxes sur l’essence.
Faisons un calcul rapide :
Si les 2000 véhicules vendus ont consommé 0 litre de pétrole plutôt que de l’essence sur 20 000 kilomètres, à une consommation moyenne de 8 l/100 km, cela donne 1600 litres d’essence par année par voiture.
(Ceci est toutefois faux car une bonne part des véhicules qui ont eu droit au programme Roulez électrique utilisent tout de même un peu d’essence. Par exemple, la Chevrolet Volt qui est une voiture rechargeable très populaire ou la Toyota Prius qui est une automobile hybride traditionnelle utilisent toute deux de l’essence).
Si on calcule que sur un litre d’essence vendu à environ 1,20 $, le gouvernement du Québec perçoit environ 35 % de taxes diverses*, un peu plus de 40 cents sont perçus pour chaque litre vendu. Donc,
1600 l X 0,40 $ = 640 $ par an en taxe pour le gouvernement du Québec
640 $ X 2000 voitures électriques vendues en 2014 = 1 280 000 $, dont la majeure partie ne pourrait être retournée au Fonds Vert contrairement à ce qui est indiqué dans le document de l’IG.
Donc, le montant MAXIMUM qui peut avoir été « perdu » par le gouvernement du Québec est de :
16 millions $ + 2 millions $ + 1 280 000 $ = 19 280 000 $
Les chiffres avancés dans ce dossier par l’IG sont donc faux.
Ce total constitue donc environ le tiers du montant avancé par l’IG. De plus, l’IG considère par ailleurs que ce sera un total de 310 millions $ qui sera « sauvé » par l’abandon du programme Roulez électrique, ce qui s’avèrerait tout aussi faux.
De plus, l’IG ne prend de toute évidence pas en compte le potentiel de réinjection d’argent dans l’économie locale que procurera l’argent non dépensé en essence. Faisons un calcul rapide :
Si les mêmes 2000 voitures ne consomment pas en moyenne 8 l/100 km tout en parcourant une moyenne de 20 000 kilomètres,
2000 voitures X 1600 l = 3 200 000 litres X 1,20 $/l = 3 840 000 $
Si on soustrait 50 % de ce montant pour prendre en considération le fait que plusieurs voitures rechargeables utilisent tout de même un peu d’essence, on obtient un total de :
1 920 000 $
Cet argent, dont la plus grande partie sortirait du Québec s’il était dépensé en importation d’essence peut alors être réinjecté dans l’économie d’ici (besoins de base, alimentation, restaurants, vacances au Québec, etc).
Affirmation #2 :
« Malgré le soutien financier offert par le gouvernement, l’acquisition d’une voiture électrique demeure une dépense significativement plus importante que l’achat d’un véhicule traditionnel. »
Cette affirmation est totalement fausse. Qu’il s’agisse d’une Nissan Leaf, d’une Toyota Prius, d’une Smart ED, d’une Kia Soul EV ou d’une Chevrolet Volt, toutes ces voitures ont des coûts d’acquisition tout à fait comparable au coût d’acquisition d’un véhicule équivalent à l’essence. Qui plus est, lorsqu’on y ajoute les coûts d’entretien et de carburant, ces voitures partiellement ou entièrement électriques coûtent à peu près TOUJOURS moins cher que leurs équivalents à essence.
Affirmation #3 :
« Le choix de faire l’acquisition d’un véhicule électrique reste donc d’abord un choix idéologique plus qu’économique. »
Cette affirmation repose elle-même sur un choix idéologique puisque dans leur document l’IG dit : « Vision à long terme : Tout en tenant compte de l’importance du retour à l’équilibre budgétaire à court terme, le (mot manquant ici. Voulaient-ils dire : budget?) s’inscrit sur un horizon à long terme et favorise l’atteinte de cibles durables plutôt que de résultats à court terme. »
Mettre en place un programme pour favoriser l’achat ou la location de véhicules électriques est effectivement un choix idéologique. Ne pas mettre en place un tel programme est AUSSI un choix idéologique. On fait alors le choix de perpétuer la dépendance au pétrole, donc la pérennisation des émissions de GES qui viennent au Québec principalement du domaine des transports, est-il nécessaire de le rappeler. De plus, le Québec a payé 18 milliards $ en importation de pétrole en 2013, ce qui représente le principal vecteur de notre déficit commercial. Doit-on croire que l’IG voit en la pérennisation de cette dépendance au pétrole un modèle de développement économique durable pour le Québec?
Par ailleurs, l’IG oublie les revenus qu’une plus grande utilisation de NOTRE électricité peuvent apporter à l’économie du Québec via Hydro-Québec et des entreprises québécoises de fabrication de bornes de recharge telles que AddÉnergie ou Elmec ou dans des domaines liés à l’électrification des transport individuels et collectif tels que les moteurs, les batteries, les systèmes de gestion de puissance, etc.
En effet, l’idée derrière l’appui à un programme d’électrification des transports est de développer une industrie consacrée à ce champ d’activité. Il s’agit ici d’aider un créneau à grossir afin qu’il puisse un jour être aussi créateur d’emplois de qualité que ceux de l’aéronautique ou du multimédia pour le Québec. Mais pour cela, il faut une masse critique de véhicules électriques circulant au Québec, ce qui attirera ici les principaux joueurs de l’industrie de l’électrification des transports du Québec et de partout dans le monde.
C’est pourquoi il me semble pour le moins incongru qu’un institut qui parle d’équité intergénérationnelle, de développement durable et d’horizon à long terme n’aie pas compris que l’appui à l’achat de voitures électriques est non seulement beaucoup moins cher que ce qu’ils prétendent, mais que cette mesure s’inscrit justement dans une perspective de développement durable à moyen et long terme.
Affirmation #4 :
« D’un point de vue de lutte aux changements climatiques, cette mesure est nettement moins efficace en terme en coût par tonne de gaz à effet que ne l’est le soutien au développement de technologies vertes. C’est donc cet axe qui sera privilégié. »
Cette affirmation ne veut rien dire. S’il est vrai qu’il serait moins cher à court terme d’acheter des crédits carbone, ce n’est pas vrai à moyen et long terme. Plus il y aura de voitures électriques sur nos routes, plus les technologies vertes dans ce domaine pourront être développées au Québec. Il est illusoire de penser que le Québec deviendra un terreau fertile aux technologies vertes en transport si nous ne sommes pas un leader sur les routes. C’est une simple question de logique. Le Québec ne deviendra un leader que si nous avons une masse critique d’entrepreneurs, d’automobilistes, de chercheurs et d’universitaires que gravitent dans ce monde.
En Alberta, les investissements privés et publics dans le domaine du pétrole a créé une masse critique qui a fait d’eux des experts dans le domaine des sables bitumineux; en Ontario, ils ont développé une expertise dans l’automobile; nous avons développé des expertises en multimédia, aéronautique et électricité. Dans tous ces domaines, l’appui gouvernemental initial a été fondamental. Il en va de même pour l’électrification des transports.
Lorsque l’IG affirme qu’il serait plutôt favorable au développement de technologies vertes, elle devrait spécifier car sinon, cela ne veut rien dire. Dans quel domaine? Si on veut VRAIMENT être plus vert au Québec, cela passera obligatoirement par le domaine des transports, dont l’électrification.
De plus, si l’IG appuie un financement accru du transport collectif, il semble oublier que le covoiturage et l’auto-partage électrique constituent des mesures incontournables pour l’avenir du transport durable. De plus, ces mesures coûtent beaucoup moins cher que le transport collectif traditionnel.
Développement économique(?) durable… du pétrole
Pour conclure, il est intéressant de noter dans la section « ENVIRONNEMENT » de leur document que l’IG appuie :
« Mesure 18 : Participation publique dans l’exploitation des ressources naturelles
Objectif: Augmenter les retombées pour l’ensemble des Québécois (y compris les générations de futurs Québécois) de l’exploitation des ressources naturelles en rendant la participation de l’État dans l’exploitation des ressources non renouvelables plus systématique.
La mesure en bref: Nous proposons de modifier la Loi sur les Mines afin que l’octroi d’un bail d’exploitation minière ou d’hydrocarbures s’accompagne d’une prise de participation volontaire de l’État au projet pouvant aller jusqu’à 35 %. Cette prise de participation se fera par l’entremise du Fonds Capital Mines Hydrocarbures de Ressources Québec, filiale d’Investissements Québec dont l’enveloppe s’élève actuellement à 750M$. La filiale assurera également la gestion de ces actifs en fonction des orientations dictées par les politiques gouvernementales, notamment en ce qui a trait au développement économique durable et à la réduction de la dette. »
Ainsi donc, l’IDG se montre favorable à ce que le gouvernement investisse de l’argent public dans des prises de participation dans l’exploitation des hydrocarbures. C’est leur choix, mais l’IG ne peut affirmer qu’il s’agit là de développement durable, spécialement lorsque cette mesure est intégrée à la section ENVIRONNEMENT.
Donc, selon leurs propres termes, l’Institut des Générations veut « stimuler et alimenter les discussions ».
Tant mieux.
Mais encore faudrait-il qu’on parte des vrais chiffres.
Site Web de l’IG : www.institutdesgenerations.org.
Lien vers le budget de l’IG : http://roulezelectrique.com/wp-content/uploads/2015/03/Budgetdesjeunes_2015.03.10_finalVF.pdf.
*Selon les données de la Régie de l’Énergie :