Certains ne voient pas d’un bon œil le vélo à assistance électrique (VAE) en se disant que les gens vont faire moins d’exercice. Mais ils oublient que les VAE vont emmener bien plus de gens à rouler en vélo au lieu d’utiliser un scooter ou une voiture, ou ceux qui en font déjà à en faire plus. Donc, en fait, plus de gens vont faire de l’exercice. Et de toute façon avec un VAE c’est le cycliste qui choisit le niveau d’assistance électrique désiré, selon sa forme physique, les conditions climatiques (fort vent de face) ou la topologie (grosses côtes). Une chose est certaine, on peut aller au travail sans être en sueur en arrivant, peu importe la distance parcourue et les conditions.
Par ailleurs, un VAE offre l’avantage de ne pas nécessiter d’immatriculation ni d’assurance ni de permis, et il peut circuler sur les pistes cyclables très nombreuses, ce que ne peut faire un scooter ou une moto électrique.
À la fin de l’été dernier j’ai eu l’occasion d’essayer le eVox de 2e génération, dit eVox City, conçu et assemblé au Québec par Procycle (Saint-Georges-de-Beauce), et j’ai été franchement impressionné. La première génération était sortie en 2012.
Le design est soigné et plusieurs aspects le distinguent de la compétition. Tout d’abord, le moteur est dans le pédalier et la batterie est basse et au centre du vélo, ce qui lui confère une très bonne stabilité et maniabilité. Ensuite, le moteur ultra silencieux de 500 Watt nominal offre un couple impressionnant de 80 N-m à la roue (vs 50 N-m et moins pour la compétition), ce qui permet de gravir des pentes de 15 % avec un minimum d’efforts. Pour ce qui est de la batterie Li-ion, elle a une tension de 96 Volt (vs 36 Volt ou 48 Volt pour la compétition) qui autorise des recharges rapides d’une heure ou deux seulement, selon la capacité de la batterie (420 Wh, 520 Wh ou 780 Wh), et une autonomie légèrement plus grande (moins de pertes par effet Joule avec une tension plus élevée). Le vélo que j’ai essayé avait une batterie de 780 Wh, et le contrôleur 2017 à 7 niveaux d’ajustement de l’assistance électrique. On peut ainsi rouler, selon notre humeur, entre 10 km/h et 32 km/h (et plus en descendant les côtes) avec ou sans assistance électrique, en pédalant ou sans pédaler. La console de contrôle est munie de diodes électroluminescentes à l’avant pour le soir et donne les informations pertinentes (vitesse, distance parcourue, niveau d’assistance, mode d’assistance, état de charge de la batterie). Du côté mécanique, le eVox City possède 8 vitesses réglables avec la poignée gauche et est muni de freins à disque très efficaces.
Il y a deux modes pour l’assistance électrique. Dans le mode pedelec, il faut pédaler pour que le moteur électrique fournisse une partie plus ou moins importante de l’effort, selon le niveau d’assistance choisi. Le mode liberté, quant à lui, enclenche le moteur électrique comme un scooter ou une moto, en tournant la poignée droite, qui agit alors comme un accélérateur. Lorsqu’on tourne la poignée, le moteur électrique travaille que l’on pédale ou pas. C’est un mode intéressant lorsqu’on veut faire la majorité du trajet sans assistance électrique et n’utiliser le moteur qu’occasionnellement, dans une côte ou pour prendre un petit répit pour les jambes, sans arrêter.
J’ai fait plusieurs randonnées surs la piste La Liseuse à Ste-Catherine-de-la-Jacques-Cartier qui longe la rivière Jacques-Cartier (terre battue et bonnes côtes), et sur un circuit Québec-Lévis via le Pont de Québec à un bout et le traversier à l’autre bout, en empruntant les pistes cyclables près des deux rives et en montant des côtes à pic pour accéder à la haute ville. L’enchantement total! Fini le stress avec les côtes.
Si on le désire, on peut utiliser le eVox sans pédaler. À une vitesse de 27 km/h environ, on parcoure une distance approximative de 55 km sur un terrain plat sans vent, avec la batterie de 780 Wh. Bien sûr, en pédalant et à une vitesse inférieure, disons entre 15 km/h et 20 km/h, on dépasse facilement le 100 km.
Contrairement à la plupart des vélos à assistance électrique, le moteur n’est pas dans la roue mais dans le pédalier, tel que je l’ai mentionné, et il présente une configuration particulière brevetée par Paul Laprade, un pionnier québécois de l’électrification des transports. C’est lui qui avait réalisé le véhicule à trois roues Silence, un T-Rex électrique, en 2007. Malheureusement, des difficultés financières ont empêché le projet de lever à l’époque. On voit M. Laprade avec son bolide sur la photo ci-dessous, prise en 2007, lors d’une journée des «écotechnophiles» que j’avais organisée avec mon cousin Mario Cadrin (voir ICI). Sur cette photo, il est à droite et discute avec Al Cormier, le premier directeur général de Mobilité électrique Canada.
La particularité principale de son système d’assistance électrique est décrite dans son brevet que l’on peut télécharger ICI. La figure 6 du brevet (ci-dessous) nous montre bien de quoi il s’agit.
J’ai coloré le dessin pour qu’il soit plus explicite. Le stator (partie fixe du moteur) est à l’extérieur en brun pâle et les bobinages de fils électriques en brun foncé. Le rotor (la partie du moteur qui tourne) est en bleu avec des aimants permanents (en noir) à sa périphérie. Le centre du rotor est un tube creux dans lequel passe l’axe du pédalier mécanique (en vert). Les paliers sont en rouge. Cette configuration permet au rotor du moteur électrique et au pédalier mécanique de tourner indépendamment l’un de l’autre, sans aucun couplage mécanique entre eux. Une petite poulie sur le rotor (numéro 64 sur le dessin) permet d’entrainer la roue arrière avec une courroie, d’un côté du vélo, alors que l’entrainement mécanique conventionnel avec chaine, plateaux à pignons et dérailleur se trouvent de l’autre côté, comme le montre la figure ci-dessous, également tirée du brevet. Les pédales y sont identifiées par le numéro 31. On y voit également quelques cellules de la batterie (50).
Une poulie plus grande sur la roue arrière permet de multiplier le couple du moteur et d’atteindre un impressionnant 80 N-m à la roue.
Par ailleurs, un autre avantage significatif de cette configuration, baptisée «DynaMe propulsion» est l’élimination des courants de Foucault qui agissent comme un «frottement électromagnétique» lorsqu’on veut pédaler sans moteur ou que la batterie est vide. Ces courants sont générés lorsque les aimants se déplacent devant le stator et interagissent avec les aimants. Dans un moteur-roue, il est impossible d’empêcher les aimants de se déplacer puisqu’ils tournent avec la roue et que le stator reste fixe par rapport au cadre du vélo. Mais, avec le système DynaMe les aimants ne tournent pas lorsqu’on n’utilise que la force mécanique du pédalier, donc pas de «frottement électromagnétique» et plus de facilité à pédaler.
Le seul élément qu’il faudrait améliorer sur le eVox est la jauge de l’état de charge de la batterie qui a tendance à descendre plus vite à mi charge. Mais l’autonomie est tellement grande que ce détail n’est pas majeur, surtout une fois qu’on sait la distance qu’on peut parcourir.
M. Laprade a fondé sa compagnie Propulsion Powercycle et a une entente avec Procycle pour le brevet. Les deux compagnies travaillent en étroite collaboration et Propulsion Powercycle a des locaux chez Procycle.
Soulignons, en terminant, le caractère visionnaire de M. Raymond Dutil, président du Groupe Procycle, qui a cru au concept de M. Laprade et a lancé sa compagnie à fond sur cette voie électrisante! Le produit de ces efforts concertés et soutenus constitue une autre belle raison d’être fiers des réalisations québécoises en électrification des transports.
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