Changements climatiques

Le bonus-malus : une solution incontournable

Il y a quelques jours, un sondage Léger (1) commandé en début d’année par Équiterre, Vivre en Ville, la Fondation David Suzuki et l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ) a démontré que les Québécois étaient prêts à adopter un système où les gens paieraient plus pour un véhicule plus polluant et paieraient moins pour un véhicule moins polluant.

Un sondage révélateur

À la question: Êtes-vous favorable à ce que les personnes qui utilisent un véhicule plus polluant paient davantage qu’actuellement?

La réponse fut positive à 54%.

À la question: Êtes-vous favorable à ce que les personnes qui utilisent un véhicule moins polluant paient moins cher qu’actuellement?

La réponse fut positive à 64%.

À la question: Êtes-vous favorable à ce que le gouvernement du Québec décourage les véhicules polluants et nuisibles à la lutte contre les changements climatiques en instaurant une nouvelle taxe?

La réponse fut positive à 55%.


Le ministre Benoît Charrette a affirmé il y a quelques jours que les Québécois étaient prêts à faire des sacrifices… tout en excluant d’entrée de jeu l’imposition d’un système de bonus-malus. Ce sondage semble au contraire révéler que les Québécois sont prêts.

Une idée qui fait son chemin

Depuis plus de 15 ans, cet enjeu est abordé de manière sporadique par des écologistes, des élus et des spécialistes de la mobilité durable. Or, cette idée fait peur. Peur de déranger les habitudes des gens.

En 2011, je cosignais avec André Bélisle de l’AQLPA, Denis L’Homme (ancien sous-ministre à l’Énergie), Pierre Langlois (physicien et auteur de Rouler sans pétrole, Éric Darier (Greenpeace), Jacques Duval (chroniqueur automobile) et Steven Guilbeault (Équiterre) une lettre (2) publiée dans Le Devoir où nous disions que le temps était venu de mettre un tel système en place. D’ailleurs, il était à l’étude depuis plus de 6 ans, soit depuis 2005. La réponse du gouvernement d’alors fut que les gens étaient déjà bien assez taxés et qu’il existait déjà un système de malus à l’immatriculation.

En 2012, lorsque j’étais ministre, je voulais moi-même faire adopter une telle mesure et l’avais d’ailleurs évoqué dans le cadre d’une entrevue que j’avais accordée au journaliste Louis-Gilles Francoeur (3).

À l’époque, je rencontrais une résistance de la part de deux collègues au conseil des ministres. Ces 2 collègues étaient élus dans des circonscriptions agricoles et craignaient qu’un bonus-malus n’affecte leurs électeurs qui devaient se déplacer en véhicules plus gros pour leur travail. Cet argument ne tient pas la route… mais je n’ai malheureusement pas été en place assez longtemps pour pouvoir mettre cette mesure en application.

Un malus existe déjà

Il existe déjà un malus à l’immatriculation pour les véhicules de forte cylindrée (4 litres et plus). Or, ce système comporte deux importantes lacunes:

1- Le malus n’est pas en fonction des émissions de GES du véhicule, mais de sa cylindrée. Voici les montants à payer à chaque année en fonction de la cylindrée du véhicule.

Cette façon de calculer est totalement désuète car certains véhicules à moteurs plus petits consomment plus de carburant et émettent donc plus de GES que d’autres moteurs plus gros. Je rappelle que les émissions de CO2 sont directement proportionnelles à la consommation de carburant et ne peuvent pas être éliminées ou même diminuées grâce à un système antipollution. Le calcul est le suivant:

Tableau de Ressources Naturelles Canada (4)

Ainsi, une voiture qui consomme 7 litres / 100 km et parcoure 20 000 km/ an consommera 1 400 litres d’essence par année. Si on multiplie 1 400 litres X 2,3 kg / L d’essence, on obtient un total d’émissions de 3 220 kg de CO2 par an. Autrement dit, si on prend une Toyota Corolla 2020 dont la cote de consommation est de 7,1 L/100 km, elle émettra presque 2,5 fois son poids (1315 kg) en CO2… à chaque année. Après 10 ans, cela représente 25 fois le poids du véhicule en émissions de CO2.

Évidemment, plus le véhicule consomme, plus il émet du CO2.

Donc, un malus efficace devrait être calculé en fonction des émissions de GES du véhicule. Pas de sa cylindrée.

2- Un malus à l’immatriculation de 36,75 $ pour un moteur de 4 litres ou de $161 pour un moteur de 5 litres ne dissuade personne de passer à un véhicule qui consomme moins de carburant. Il ne fait qu’emmerder légèrement ceux et celles qui veulent se payer un véhicule plus polluant. Croyez-vous vraiment que quelqu’un qui veut se payer une Mustang 5 litres (dont le prix de départ est de $40 000) va être dissuadé par un coût de $161 par année?

Des exemptions existent déjà

Pour ceux et celles qui n’ont pour le moment pas le choix de se déplacer en véhicule plus polluant dans le cadre de leur travail ou parce qu’ils ont une grosse famille, sachez que des exemptions sont déjà prévues dans le système de malus actuel.

Ainsi, un:

  • véhicule adapté pour le transport de personnes en fauteuil roulant
  • minibus pour une famille de 9 personnes ou plus vivant sous le même toit
  • taxi
  • véhicule utilisé par une école de conduite
  • ambulance
  • dépanneuse
  • véhicule utilisé pour du transport d’écoliers
  • véhicule de ferme
  • corbillard

n’a pas à payer de malus.

On pourrait facilement ajouter des exemptions pour les grosses familles ou les travailleurs de la construction qui, pour le moment, ne peuvent pas se procurer un véhicule moins polluant. CELA DIT, ce n’est qu’une question de temps avant que des véhicules de travail moins polluants arrivent sur le marché. En effet, dès l’an prochain, des pickups électriques de Ford, GM, Tesla, Rivian, etc seront disponibles. Quant aux véhicules pour les grosses familles, Toyota s’en vient dès ce printemps avec le tout nouveau Toyota Highlander 2020 qui peut accueillir 8 passagers et dont la consommation est de 6,7 L/100 km, ce qui est plus frugal que la consommation d’une Honda Fit.

Autrement dit, des alternatives s’en viennent.

Des GES et une consommation d’essence en hausse vertigineuse.

Sachant que:

  • Les émissions de GES des transports routiers ont augmenté de 49,6% entre 1990 et 2017;
  • Les émissions de GES des camions légers et des véhicules lourds ont augmenté de respectivement de 127,1% et de 170,8% durant la même période;
  • La consommation d’essence a augmenté de 24% entre 2013 et 2018. C’est énorme;
  • Le gouvernement veut diminuer ses émissions de GES de 37,5% entre 1990 et 2030;
  • Le gouvernement veut diminuer la consommation de produits pétroliers de 40% d’ici 2030 par rapport à 2013;

Le gouvernement, s’il est sérieux, n’aura pas le choix. Un système de bonus-malus est absolument incontournable. Un tel malus pourrait s’appliquer lors de l’achat afin d’encourager les bons choix de véhicules. Sinon, leurs objectifs ne resteront que ça, des objectifs. Ayant déjà été de ceux qui ont averti les gouvernements précédents sur de tels enjeux et sachant que le Québec a déjà raté ses 2 précédents objectifs de réduction des GES (Kyoto de 2008 à 2012 et celui de 2020), je ne sais que trop bien ce que représente la fixation d’objectifs… sans se donner les moyens de les atteindre.

Des signes encourageants

En terminant, pour ceux et celles qui sont cyniques et affirment que les “bottines des Québécois ne suivent pas leurs babines” alors qu’une majorité qui ont répondu au sondage se disent favorables à un bonus-malus, je rappelle que:

  • Le Québec est le marché #1 de véhicules électriques au Canada avec 47% du marché.
  • Le Québec est le 6e plus gros marché per capita de véhicules électriques et hybrides rechargeables au monde.
  • Les Québécois vivent dans LE pays (le Canada) où les véhicules émettent le plus de CO2 par km de tous les pays de la planète… devant les États-Unis. La pente est donc abrupte pour les Québécois qui vivent dans une région du monde où on valorise les gros véhicules;
  • C’est ici que les plus grosses manifestations nord-américaines ont eu lieu pour la planète l’an dernier.

Ainsi, malgré la popularité croissante des véhicules plus gros, j’ai aussi vu au fil des ans une évolution encourageante des comportements des Québécois.

Le temps est donc venu d’aider les Québécois à faire la transition grâce à un bonus-malus … ainsi qu’une loi Zéro Émission dignes de ce nom. Je reviendrai d’ailleurs sur ce sujet très bientôt.

1 : http://equiterre.org/sites/fichiers/12987-014_rapport_equiterre_1.pdf

2 : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/317734/transport-et-bonus-malus-l-heure-des-choix-difficiles

3 : https://www.ledevoir.com/societe/environnement/360574/le-ministre-breton-priorise-le-bonus-malus

4: https://www.rncan.gc.ca/sites/www.nrcan.gc.ca/files/oee/pdf/transportation/fuel-efficient-technologies/autosmart_factsheet_6_f.pdf

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