( NDLR: Nous sommes de tout coeur avec les citoyens de Fort Mc Murray qui vivent des moments extrêmement difficiles.
Nous souhaitons que l’incendie soit maîtrisé dès que possible et que la situation se règle pour le mieux.)
Dans le cadre du débat entourant l’avenir énergétique du Canada (dont celui des pipelines), il est important de rappeler comment se sont comportés les albertains depuis les 3 dernières décennies vis-à-vis leur énergie, aussi bien du point de vue économique que du point de vue écologique.
Très peu de redevances
Comme l’illustre le graphique du Parkland Institute (voir ici) de l’université de l’Alberta, les parts de revenus générées par les hydrocarbures ont considérablement baissé depuis les années 80 pour atteindre un niveau plancher depuis 2009.
Selon cet institut, les Albertains ont obtenu une part des hydrocarbures qui représentent un maigre 6% des revenus totaux (voir ici, page 7).
Très peu d’argent de côté
Selon le groupe Better Way Alberta, l’argent mis de côté après presque 4 décennies par les Albertains dans le « Alberta Heritage Fund » totalisait 17,4 milliards $. De leur côté, les Norvégiens ont créé en 1990 un fonds aujourd’hui connu sous le vocable de « Norwegian Pension Fund » où la rondelette somme de 1062 milliards $ a été accumulée.
De fait, l’Alberta a mis si peu d’argent de côté depuis les 3 dernières décennies que cette pratique a été dénoncée par nul autre que l’ancien premier ministre conservateur albertain Peter Lougheed! En 2009, lors d’une entrevue qu’il accordait aux médias, celui-ci affirmait :
« Je trouve ce chiffre alarmant car lorsque j’ai quitté le gouvernement en 1985, le Fonds valait le même montant. Je pense que la province aurait dû bâtir de manière significative dans la diversification de notre économie de plusieurs manières » (traduction) (source ici).
Toujours plus de pétrole
On aurait pu croire que l’arrivée d’un gouvernement néodémocrate changerait la donne. Eh bien non.
Sur le site du ministère de l’Énergie de l’Alberta, on peut lire (traduction):
« La production de pétrole des sables bitumineux est prévue d’augmenter de 2,3 millions de barils par jour en 2014 à 4 millions de barils par jour en 2024, suivant le rythme de la demande, fournissant des emplois pour les Canadiens et créant un base économique solide pour le futur » (source ici).
Ceci représente une hausse de la production de pétrole des sables bitumineux de 75% entre 2014 et 2024, soit 1,7 million de barils de plus par jour. Comme le pipeline Énergie Est pourrait transporter 1,1 million de barils de pétrole par jour, mais que 300 000 autres barils viendraient du Dakota du Nord (voir ici), il manque de place pour 900 000 barils. Donc, une hausse du transport par trains et bateaux est aussi à prévoir.
Toujours aussi peu de redevances
Au début 2016, le gouvernement Notley (voir ici) annonçait qu’il épargnait lui aussi les compagnies pétrolières en :
- Laissant le système de redevances sur les projets d’exploitation pétrolière des sables bitumineux virtuellement inchangé. Ainsi, à compter de 2017, les redevances obtenues pour la production de pétrole et de gaz naturel seront fixées à 5% jusqu’à ce que les revenus cumulés égalent les coûts de forage et de complétion du projet. Suite à cela, les revenus seront ajustés en fonction des prix de l’énergie et la durée de vie des puits. Considérant la faible durée de vie des puits de gaz de schiste, cela risque fort de se traduire par de très faibles revenus pour les albertains.
- Pour les puits forés avant 2017, les taux demeureront inchangés jusqu’en 2026, soit pour les 10 prochaines années.
Source (image) : www.artizans.com
Toujours plus de GES : + 40% de GES…+ 56%
Ces mesures très généreuses envers les pétrolières ont été annoncées 2 mois à peine après que Mme Notley ait annoncé fièrement que l’Alberta limiterait les émissions de GES liées à l’exploitation du pétrole des sables bitumineux à une hausse de 40% entre maintenant et 2030. Sauf que si l’Alberta augmente de 75% son exploitation pétrolière d’ici 2024, cette hausse « limitée à +40% » semble déjà hors de portée. Ça, c’est sans oublier le fait que les émissions de GES globales de l’Alberta ont déjà augmenté de 56% entre 1990 et 2014 (voir ici).
Pendant ce temps, l’objectif d’émissions de GES fixé par le gouvernement du Québec d’ici 2030 vise une baisse de 37,5% sous le niveau de 1990. Le gouvernement Trudeau a quant à lui annoncé qu’il s’engageait à réduire les émissions de GES du Canada de 30% sous le niveau de 2005. Ainsi, pour aider le Canada à atteindre son objectif, le Québec paierait pour les hausses d’émissions de GES de l’Alberta.
90% de production d’électricité fossile
Alors que la production d’électricité du Québec est à 99% renouvelable, la production d’électricité albertaine est à 90% fossile (voir ici). En 2014, 55% de leur électricité était produite à partir du charbon et 35% à partir du gaz naturel, pour un total de 90%. Évidemment, rien n’est fait pour appuyer l’électrification des transports dans cette province, ce qui la met en queue de peloton au pays. Le gouvernement Notley a cependant annoncé l’automne dernier que leurs centrales au charbon seraient fermées d’ici 2030.
Lors du Jour de la Terre de cette année, Mme Notley affirmait même que « Plus la quantité de pétrole acheminée par oléoduc vers les côtes sera grande, « plus nous serons en mesure d’utiliser les revenus pour financer une transition vers une économie à faible émission de carbone et ultimement vers une décarbonisation [de l’économie] » (source ici).
À la lumière des chiffres présentés ci-haut, permettez-moi de fortement douter de cette « prédiction ».
Conclusion
Les Albertains ont fait le choix d’exploiter leur énergie ainsi et c’est leur droit le plus strict. Mais lorsque ces choix ont des impacts sur notre territoire québécois, notre environnement, notre économie et notre sécurité, nous ne pouvons rester les bras croisés et les laisser nous intimider ou nous insulter.
Depuis 30 ans, les Albertains sont devenus des « junkies » du pétrole et ils ont moins besoin de pipelines que d’une cure de désintoxication économique et écologique.