La fameuse loi Zéro émission: Aura-t-elle l’impact souhaité? Est-ce la solution la plus efficace pour respirer un air plus pur?
Revenons dans les années 90, en Californie, premier endroit en Amérique du nord à se doter d’un programme incitant les manufacturiers à produire des véhicules Zéro Émission. On assista, entre autres, à la naissance de la fameuse EV1 et du Rav4EV. La joie fut de courte durée puisque les constructeurs automobiles s’empressèrent de contester ces mesures et le gouvernement n’eut d’autres choix que d’alléger les restrictions imposées, à un point où, quelques années plus tard, l’offre de VÉs fut réduite à zéro.
Puis, Tesla arriva. Les premières Roadster arrivèrent en 2008 et, à ce moment, c’était le seul VÉ en vente pouvant aller sur l’autoroute (les autres étaient des “boites à savon” limitées à 30 ou 40km/h). Depuis, les gouvernements ont reformulés leurs exigences en matière de loi Zéro Émission et, malgré les pressions des constructeurs, le pourcentage de VÉs vendus augmente à un bon rythme… mais est-ce assez?
La Californie est l’exemple à suivre en terme d’électrification des transports en Amérique du Nord avec plus de 50% des ventes de VÉs aux États-Unis (+250 000 VÉs) mais ces chiffres restent très marginaux sachant qu’ils représentent, pour 2016, une part de marché de +-3.5%. Autrement dit, on parle de 96%+ de ventes d’auto à carburant fossile pour l’état américain où les lois sont les plus sévères!
Peut-être devrions nous nous pencher sur les choix de véhicule que font ces 96%. La mode des dernières années est aux VUS et pick-ups. Les manufacturiers se fendent en quatre pour promouvoir ces modèles “trendy” qui, malheureusement, consomment nécessairement plus que les populaires petites berlines d’il y a 5 ou 10 ans. Ils construisent des VUS et camions en quantités industrielles et les aubaines pour vider leurs cours ne manquent pas. Si cette mode des VUS continue et que la part de marché des VÉs n’augmente pas plus vite, cette tendance aura un impact sur l’environnement peu importe à quelle vitesse l’adoption des VÉs se fera.
Est-ce plus important de faire passer la part de marché des VÉs de 1.5% à 5% ou d’inciter les acheteurs à être plus consciencieux lors de leurs achats en général? À mon avis, les 2 s’imposent. D’ailleurs, si au lieu de s’inspirer de la Californie, nous nous inspirions des pratiques de certains pays d’Europe comme la Norvège qui mène le bal en matière d’achat de VÉs, ce texte n’existerait pas. Ceux-ci fonctionnent avec un principe de Bonus-Malus et ce, depuis près de 10 ans: les taxes où le prix d’achat est affecté en fonction des émanations de CO2 produitent par le véhicule, de la cylindrée du véhicule et de son poids. Les gens sont donc conscientisés et leurs achats sont influencés par la pollution produite par le véhicule choisi. Ils achètent donc de plus petits véhicules et les faibles émissions sont priorisées parmi les critères importants des acheteurs, au même titre que l’accélération, la sécurité ou l’espace intérieur. Le facteur “pollution” est malheureusement complètement inexistant dans les critères évalués par la plupart des nord-américains et cela favorise grandement l’achat de gros véhicules.
Voici quelques statistiques alarmantes tirées des ventes canadiennes de 2017:
-Les ventes de VUS (sans compter les pick-ups) sont passées de 791700 unités à 848500 soit 57000 VUS de plus sur les routes canadiennes.
Le tout pendant que les voitures passaient de 668000 à 641000, pour un déclin de 27 000 unités!
-Les pick-ups occupent encore une fois les plus hautes marches du podium avec des croissances démesurées comme suit:
F150: 155000 unités Croissance de +-10 000 unités vs. 2016. (encore une fois le véhicule le plus vendu au Canada.)
GM/SI* 121000 unités Croissance record de 25 000 Unités.
RAM 98000 unités Croissance de près de 10 000 Unités.
*(GM= Sierra et Silverado combinés.)
Je vous confirme que vous avez bien lu et que ces 3 modèles de véhicules, à eux seuls, ont mis sur les routes canadiennes +- 45 000 pick-ups polluants.
Il m’est difficile de tirer les chiffres de chaque véhicule branchable en ce moment, mais ça ne saurait tarder. Pour le moment, voici les résultats pour les VÉs les plus populaires dans notre beau pays:
Volt: 4300 unités Croissance de +-850 unités.
TeslaS/X 4200 unités Croissance de + de 1500 unités.
Bolt 2122 unités Nouveau modèle donc +2122 unités.
Leaf: 947 unités Baisse de +-430 unités.
Grosso modo, les ventes de VÉs au Canada devraient passer de +-11000 en 2016 à +-16 500 en 2017 (une croissance de +-5000).
Ce qui, à mes yeux, est bien peu face au plus de 1 000 000 VUSs et Pick-ups qui ont été achetés chez nos bons vieux manufacturiers traditionnels.
Je suis tenté de dire que les résultats sont sortis et… Nous fonçons dans le mur… et VITE!
Passons maintenant en mode solution. Tout d’abord, la mode des VUS est TRÈS forte et ça prendra du temps pour la changer. Pouvons-nous accepter, comme société, que les acheteurs soit aussi déconnectés de la réalité et de leurs réels besoins? Il n’est pas rare de voir une famille ayant un duo de VUS alors qu’elle pourrait facilement passer à l’électrique pour un de ses véhicules. Dans les faits, pour la majorité des familles, une des voitures ne sert que pour du “commuting”. Une i-Miev ou une Leaf 2012 suffirait amplement au besoin!
Aussi, pour avoir un effet sur les achat de véhicules en général, il faut que l’impact soit au moment de l’achat du véhicule. Si, lors de son magasinage, comme dans le modèle Européen présenté plus haut, l’acheteur voit une fiche comme celle sur les véhicules vendus de l’autre coté de l’atlantique et qu’il se fait atteindre financièrement (positivement ou négativement) en fonction de la pollution produite, ce critère s’ajoutera rapidement dans ses priorités. En inculquant cette culture, les electromobilistes seraient moins vus comme des extra-terrestres car il serait clair que ce serait une taxe à la pollution pour tous les véhicules et non un rabais pour une infime minorité. Un incitatif de ce type pousserait la TOTALITÉ des consommateurs à prendre un plus petit moteur et à moins polluer, même si le VÉ n’est pas possible pour lui.
Malheureusement, les gens recherchent des aubaines plutôt que de bien évaluer leurs besoins. À preuve, cette publicité Facebook que j’ai vu passer dernièrement… Oui, oui, vous avez bien vu, un JEEP pour 159$ par mois! Est-ce logique? Aucunement, mais c’est bien vrai.
En Norvège la part de marché des VÉs dépasse le 20% depuis déjà plusieurs années! Elle atteint d’ailleurs maintenant les 50%.
Voici le tableau qui est présenté sur la fiche technique des véhicules en Europe:
Chaque lettre équivaut à un impact financier allant d’un avantage de +-6000 Euro, à un malus de 8000 Euro!
Pour simplifier et compte tenu qu’en Amérique du nord, nous sommes champions du phénomène des 2 véhicules par famille, voici un exemple de scénario qui pourrait s’appliquer pour inciter les clients à choisir au moins 1 véhicule rechargeable sur les 2 véhicules dans un même foyer. Le tout serait sous forme d’une TVQ modifiée en fonction du choix de véhicule. Rappelons-nous que la TVQ est de 9,975% dans notre province.
Sur le tableau suivant; En vert sont les choix qui minimiseraient l’impact financier et en rouge les choix qui augmenteraient l’impact financier.
Dans ce scénario, une famille achetant un VÉ de 40 000$ sauverait 8000$ et, si pour le second véhicule, elle prenait une hybride régulière, elle payerait la TVQ régulière.
Si cette même famille choisissait une hybride rechargeable de 40 000$, elle sauverait 4000$.
Le choix d’une grosse cylindrée, qui émet beaucoup de GES (VUS intermédiaire de 40 000$ par exemple), la TVQ passerait à +8000$.
Il est évident que de laisser les manufacturiers faire ce qu’ils veulent, le nombre de VUS et de pickup ne cessera d’augmenter et notre environnement s’en verra grandement affecté.
Qu’en pensez vous?
Quels sont vos véhicules? Je suis curieux de sonder les lecteurs…
Référence; Ventes annuelles canadiennes:
http://www.goodcarbadcar.net/2018/01/2017-year-end-canada-vehicle-sales-rankings-top-280-best-selling-vehicles/
Renaud-Pierre Bérubé
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Renaud-Pierre Bérubé, père de famille et entrepreneur, est très impliqué dans l'électrification des transports au Québec. En 2013, suite à la naissance de son fils, il mit fin à sa carrière de 15 ans en vente et coaching dans le domaine des télécommunications pour joindre les rangs de Tesla. Il y fut le représentant de marché de 2013 à 2014 pour, par la suite, former et diriger l'équipe de vente et de livraison de Tesla Montréal jusqu'à la fin de 2017. Il aura été directement responsable pour la livraison de plus de 2000 VÉs et de beaucoup d'initiatives en électrification au cours de ces années.