Photo : Volkswagen eGolf.
« Au début ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, puis vous combattent, mais à la fin c’est vous qui gagnez »
– Mahatma Gandhi
Il y aura bientôt 13 ans que j’ai commencé à écrire des chroniques sur les voitures dites « vertes » (car aucune voiture ne l’est réellement), l’environnement, l’énergie et les enjeux géopolitiques qui y sont liés. C’était pour le site Auto123 et le moins que je puisse dire, c’est que mes textes et mon point de vue détonnait dans le paysage médiatique d’alors. Bref, aux yeux des gens qui travaillaient dans le milieu, j’étais un peu vu comme un hurluberlu.
Ainsi, mon point de vue particulier m’a emmené à poser des questions très différentes de celles qui étaient posées par les chroniqueurs automobiles traditionnels.
C’est ainsi qu’au fil de ces années, j’ai découvert que les BMW, Mercedes, Audi et Porsche, bref les prestigieux constructeurs allemands avaient une très haute opinion d’eux-mêmes et de leurs produits.
Ça se comprend. Au fil des décennies, ceux-ci ont fabriqué des voitures solides, sécuritaires, innovantes et la plupart du temps supérieures aux produits américains, coréens, français et japonais. L’ingénierie allemande est réputée mondialement et elle est source de fierté nationale.
Mais fierté peut aussi devenir arrogance.
2004 : 2020-2025
C’est ainsi que lors d’une entrevue que j’avais faite avec des représentants de BMW qui venaient présenter des modèles à hydrogène en 2004, j’avais demandé quelle était leur prévision quant à l’arrivée sur le marché de ces modèles. 2020-2025 fut leur réponse. Ce à quoi je posai alors la question suivante : « Et d’ici 2020-2025, qu’allez-vous faire pour diminuer les émissions de GES et polluantes de vos véhicules ? Les Japonais ont mis sur le marché des voitures hybrides il y a déjà 7 ans. Où en êtes-vous de ce côté ? »
Leur réponse fut qu’il ne croyait pas aux technologies hybrides et électriques. Seuls le diesel et l’hydrogène trouvaient grâce à leurs yeux.
2010 : les premiers au monde
En 2010, lors d’un colloque sur l’énergie organisé par l’ACFAS, un représentant de Mercedes vint nous présenter leur vision de l’avenir de l’automobile. Encore là, même discours. Ils ne croyaient pas à l’hybride et l’électrique… Mais le représentant pris quand même le temps de souligner que Mercedes était le premier constructeur au monde à offrir une voiture à batterie lithium-ion.
Ce qu’il omettait de dire, c’est que la voiture qui offrait cette technologie était une S 400 qui se vendait 110 000 $ et plus… et avait une autonomie électrique d’environ 2 kilomètres. Bref, vraiment pas de quoi se vanter.
2013 : diesel, diesel, diesel
En 2013, lors d’une rencontre avec des hauts dirigeants du groupe Volkswagen, ceux-ci nous faisaient part de leurs perspectives d’avenir. Chez eux, c’était encore plus simple : diesel, diesel et encore diesel, mais attention, « propre », bien évidemment
Lors de ce voyage, j’ai rencontré un jeune ingénieur allemand qui travaillait pour une entreprise qui testait de nouvelles technologies automobiles… et arborait une veste Tesla. Nous avons échangé sur l’avenir de l’électrification des transports et il me dit à un moment donné que le milieu automobile allemand était dans le déni car il était pour eux inconcevable qu’ils puissent se faire donner des leçons d’ingénierie automobile par une entreprise américaine. Il m’avoua même ceci: « Vous ne réalisez pas à quel point il est difficile pour un ingénieur allemand d’admettre qu’une entreprise américaine leur est supérieure ».
2015 : une « farce »
En novembre dernier, Edzar Reuter, un ancien dirigeant de Mercedes qualifiait même Tesla de « farce qui ne pouvait être sérieusement comparée aux grands constructeurs allemands ».
Or, selon les derniers chiffres de vente de voitures de luxe en Europe de l’ouest compilées par Automotive Industry Data pour l’année 2015, les ventes de Tesla ont dépassé celles de… Mercedes. Et la campagne historique de la Tesla 3 leur a apparemment écarquillé les yeux.
Leçons d’humilité
S’il est bon d’être confiant, l’arrogance n’est jamais bonne conseillère.
- On l’a vu dans les années 70 lorsque les constructeurs américains se moquaient des voitures japonaises,
- On l’a vu dans les années 80 lorsque les constructeurs du monde entier se moquaient des voitures coréennes,
- On l’a vu au début du 21e siècle lorsque Bob Lutz s’est moqué de la Prius de Toyota. Toyota approche maintenant les 10 millions de voitures hybrides vendues.
Et on le voit avec la condescendance dont font preuve les Allemands vis-à-vis les voitures électriques en général et Tesla en particulier.
Lorsqu’un constructeur aussi réputé que Porsche offre pour 100 000 $ et plus une voiture hybride rechargeable dont l’autonomie est d’à peine 30 kilomètres et que Mercedes n’a RIEN à offrir d’autres que des commentaires méprisants, je me dis que Elon Musk semble être en train de leur servir une leçon d’humilité qui risque de leur faire mal… et du bien.
Mais ce que je trouve encore plus humiliant pour les constructeurs allemands, c’est de les voir dépassé en technologies d’électrification…
… par Chevrolet.