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Moins un véhicule électrique roule, plus il pollue? Vraiment?

(Chevrolet Spark EV 2015 achetée d’occasion et ses nouveaux propriétaires: Ève Mary Thaï Thi Lac et Méo)
Dernièrement, une affirmation que le journal Les Affaires a attribué à Mme. Catherine Morency, professeure à Polytechnique Montréal et titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes, m’a fait sursauter:
Voici la citation : “L’auto électrique génère moins de GES que celle à essence, mais si elle est peu utilisée, son empreinte environnementale est plus grande parce que sa fabrication nécessite des métaux rares dont l’extraction est polluante, explique-t-elle.” (1)
Si Mme. Morency a véritablement affirmé ce qui précède, il y a un problème.
Voici pourquoi.
1- Le cycle de vie
Lorsqu’on veut savoir quel est l’impact écologique d’un véhicule, on doit calculer son cycle de vie complet. Cela veut donc dire qu’on calcule:

  • l’impact de l’extraction des matières premières qui entreront dans la composition du véhicule,
  • l’impact de la fabrication du véhicule,
  • l’impact de son transport et de sa distribution,
  • l’impact de son utilisation,
  • et finalement l’impact de sa mise en rancart ainsi que du recyclage de différentes composantes du véhicule.

Évidemment, l’impact de la période d’utilisation comprend l’énergie nécessaire à faire avancer le dit véhicule; pétrole, gaz, électricité, etc + les pièces nécessaires à l’entretien et aux réparations du véhicule ainsi que les pneus à changer périodiquement.

Lorsque nous prenons en considération le cycle de vie complet d’un véhicule à essence ou d’un véhicule électrique, nous considérons que le véhicule durera en moyenne environ 250 000 à 300 000 kilomètres, dépendant de divers facteurs tels que son mode d’utilisation, notre façon de conduire et de prendre soin du véhicule, sa fiabilité, etc.
Mais que celui-ci soit peu ou intensivement utilisé au quotidien, l’espérance de vie moyenne d’un véhicule léger change peu en terme de kilométrage. Ainsi, si un véhicule parcoure 20 000 kilomètres par année, celui-ci devrait durer 15 ans en moyenne grâce à l’amélioration de la durabilité générale des véhicules d’aujourd’hui comparativement à ceux d’il y a 30 ans. Selon Georges Iny de l’APA «En 1990, les véhicules étaient mis au rancart au bout de 180 000 à 200 000 kilomètres en moyenne. Aujourd’hui, ce chiffre se situe entre 280 000 et 300 000 kilomètres. La durabilité des véhicules s’est donc beaucoup améliorée»(2)
Qui plus est, les véhicules hybrides et électriques sont généralement plus fiables que les véhicules à essence , selon une analyse du magazine Consumers Reports datant d’octobre 2017. (3)
Ainsi, même si après 5 ans une personne se départit de sa voiture qu’elle a acheté neuve, ça ne veut jamais dire que cette voiture se retrouve du coup au dépotoir. Cette voiture continuera à être utilisée par un voire plusieurs nouveaux propriétaires qui prolongeront sa durée de vie plusieurs autres années.
2 fois plus 
Pour bien illustrer ce fait, sachez qu’en 2017, pendant que 462 087 véhicules neufs ont trouvé preneurs au Québec, 796 608 véhicules d’occasion ont été achetés durant la même année, ce qui veut dire que pour chaque véhicule neuf vendu au Québec, presque 2 véhicules d’occasion ont été vendus.
Et lorsqu’on regarde les statistiques de ventes de véhicules neufs VS les véhicules d’occasion au Québec, les ventes de véhicules d’occasion sont toujours plus élevées que les ventes de véhicules neufs. Toujours.

   (crédit: CCAQ/Dennis Desrosiers)

Ainsi, le fait de rouler moins au quotidien en voiture électrique ne rend pas son empreinte environnementale plus grande que celle d’une voiture à essence car son cycle de vie complet n’est que prolongé par une utilisation moins fréquente, ce qui est d’ailleurs la même chose pour une voiture à essence.
Et après 300 000 km la voiture électrique émet environ 80% moins de GES qu’un véhicule équivalent à essence au Québec, selon une analyse de cycle de vie faite par le CIRAIG en 2016. (4)
Quant aux impacts néfastes sur la santé humaine liés à l’utilisation du véhicule tels que la pollution atmosphérique, la différence est encore plus grande. En effet, selon cette même étude, les effets néfastes pour la santé lors de l’utilisation du véhicule sont au minimum 30 fois plus importants avec un véhicule à essence qu’avec un véhicule électrique. C’est énorme.(5) Or, ces impacts sont directs et locaux, c’est-à-dire que si les impacts néfastes des GES sont disséminés à travers la planète, les impacts néfastes de la pollution atmosphérique attaquent les gens au quotidien et de façon directe.

 
Or, la pollution atmosphérique vient de 3 principales sources: les industries, la production d’électricité (ce qui n’est pas un enjeu au Québec)… et les transports. Pour illustrer à quel point la pollution atmosphérique des véhicules peut être mortelle, sachez que la pollution liée à la circulation routière cause environ 21 000 décès prématurés annuellement au Canada, soit approximativement 9 fois plus de morts que ceux causés par les accidents de la route. (6)
2- les “métaux rares” 
Contrairement à ce que Mme Morency affirme, la plus grande utilisation des fameux “métaux rares dont l’extraction est polluante”  se retrouve principalement… dans l’industrie pétrolière et les pots catalytiques des voitures à essence et non pas dans les batteries des voitures électriques, qui n’en contiennent pas.(7)
Si on retrouve des métaux rares dans certains moteurs électriques, ce n’est certes pas fréquent car les moteurs de nombreux véhicules électriques tels que les Renault Zoé et les Tesla S et X n’en contiennent pas. Par contre, on peut trouver des métaux rares dans les petits moteurs électriques d’une automobile: lève-vitres, rétroviseurs, sièges réglables, etc (moteurs qu’on retrouve aussi bien dans les véhicules à essence que les véhicules électriques) ainsi que dans les ordinateurs, les téléphones cellulaire, etc.
Changer nos habitudes
Il est tout de même intéressant de lire un article intitulé “changer ses habitudes plutôt que d’acheter une auto électrique”… alors que beaucoup de gens qui ne veulent pas passer à la voiture électrique donnent comme raison que ça implique pour eux des changements d’habitude qu’ils ne sont pas prêts à faire!
Cela dit, Mme. Morency a raison lorsqu’elle affirme qu’il nous faut beaucoup plus encourager et pratiquer le transport collectif et actif, le covoiturage, l’auto partage… auquel j’ajouterais le télétravail. Si on ne pouvait que diminuer l’auto solo (à essence ou électrique) de manière significative, l’impact serait déjà énorme. Présentement, il n’y a en moyenne que 1,2 personne par voiture en pointe matinale dans le grand Montréal, ce qui veut donc que la majorité des gens pratiquent l’auto solo.
25 millions de sièges vides
Selon une analyse faite par des spécialistes du covoiturage “chaque jour de semaine dans les grandes villes du Québec, les Québécois transportent avec eux 25 millions de sièges vides dans leur voiture, dont 14,8 millions dans la région de Montréal. Les problèmes de congestion qui s’aggravent sont causés par une vérité qui dérange : nos routes sont saturées de voitures vides.”(8)
L’un ET l’autre
Quel que soit le mode de transport que nous utilisons, que celui-ci soit électrique, à essence, individuel ou collectif, moins nous roulons, moins nous polluons. C’est aussi simple que cela. C’est pourquoi le télétravail, lorsque celui-ci peut être appliqué, est une solution tellement intéressante et promise à un bel avenir.
La voiture électrique n’est pas LA solution, mais elle demeure incontestablement une des pistes de solutions incontournables pour diminuer notre empreinte écologique ET améliorer notre santé, en combinaison avec le covoiturage et l’auto partage (qui peuvent très bien être électrique), le transport collectif (qui sera de plus en plus électrique), le transport actif et le télétravail.
En conclusion, il ne faut pas opposer les véhicules électriques aux autre pistes de solutions en matière de mobilité durable. Il faut les additionner et les combiner intelligemment.
Ce n’est pas un ou l’autre, mais bien un ET l’autre.
1: https://www.lesaffaires.com/blogues/evenements-les-affaires/changer-ses-habitudes-plutot-que-dacheter-une-auto-electrique/605231
2: https://www.protegez-vous.ca/Automobile/Fiabilite-et-durabilite-des-autos-des-progres-mais
3: https://www.reuters.com/article/us-autos-reliability/u-s-auto-reliability-dented-by-new-technology-electric-cars-fare-better-report-idUSKBN1CO2IU
4: http://www.hydroquebec.com/data/developpement-durable/pdf/analyse-comparaison-vehicule-electrique-vehicule-conventionnel.pdf
5: http://roulezelectrique.com/rouler-electrique-cest-bon-pour-la-sante-3e-texte-de-4/
6: http://www.cmaj.ca/content/185/18/1557
7: http://roulezelectrique.com/fausses-informations-sur-les-terres-rares-et-les-vehicules-electriques/
8: http://plus.lapresse.ca/screens/137061c1-190c-4359-aa1a-d77f13d8918d__7C___0.html
 
 
 
 

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