Ceux et celles qui ne connaissent pas encore Sylvain Castonguay ne réalisent pas à quel point cet ingénieur de l’université de Sherbrooke travaille à l’électrification des transports depuis fort longtemps.
En effet, dès sa sortie de l’université, il s’est attelé à la tâche d’électrifier nos transports.
Il a d’abord été engagé en 2004 comme directeur technique du Centre d’Expérimentation des Véhicules Électriques du Québec (CEVEQ) de St-Jérôme, organisme qui est devenu en 2008 le Centre National du Transport Avancé (CNTA). Il en est devenu le directeur général de 2011 à 2015, succédant ainsi à Pierre Lavallée qui avait tenu le fort pendant une quinzaine d’années, soit de 1996 à 2011.
Suite à la fusion du CNTA avec l’Institut du Transport Avancé du Québec (ITAQ/lui aussi à St-Jérôme) pour créer l’Institut du Véhicule Innovant (IVI), Sylvain Castonguay a décidé de voler de ses propres ailes et de lancer sa propre entreprise avec deux autres partenaires.
Le nom : Nordresa
La mission : développer, fabriquer et commercialiser des systèmes de propulsions électriques pour véhicules commerciaux.1
Pourquoi des véhicules commerciaux?
- Parce qu’il y a un potentiel que peu d’entreprises a développé;
- Parce que plusieurs transporteurs connaissent à l’avance le kilométrage qu’ils parcourent dans une journée de travail. Par exemple, la majorité des camions de livraison de Fedex, de Purolator ou d’autres entreprises de livraison du même genre sont sur la route une dizaine d’heures par jour, 5 jours par semaine.
- Parce que plus de 50% de la flotte d’une entreprise du genre a un parcours qui peut être facilement être alimenté par un véhicule de livraison 100% électrique qui n’aura à être rechargé qu’après la journée de travail.
- Parce que, comme Tesla, Nordresa offre 2 formats de batteries qui satisfont une bonne partie de leurs besoins:
- 80 kWh pour 100 kilomètres d’autonomie électrique lorsque le véhicule est rempli de colis;
- 146 kWh pour 200 kilomètres d’autonomie électrique lorsque le véhicule est rempli de colis;
Les batteries sont assemblées par Nordresa au Québec.
Testé en conditions réelles… en hiver
Du 8 décembre 2016 au 14 avril 2017, un premier camion a été testé par des chauffeurs de l’entreprise Purolator, donc en conditions réelles en hiver, ce qui est incontournable pour s’assurer que ce véhicule pouvait faire le travail.
Résultat : les chauffeurs se sont dits enchantés du résultat. L’autonomie s’est avérée amplement suffisante pour que ceux-ci puissent compléter leurs livraisons sans inquiétudes.
Par ailleurs, ils ont particulièrement apprécié :
- Le silence de roulement qui faisait en sorte qu’il était beaucoup plus facile pour eux d’entendre leurs interlocuteurs et d’être entendus;
- La tenue de route améliorée par un centre de gravité abaissé;
- L’accélération (modulée par Nordresa pour qu’elle ne soit pas trop brusque) qui rendait l’expérience de conduite plus agréable. En effet, ce camion est équipé du moteur électrique « Sumo » (de l’entreprise québécoise TM4) de dernière génération qui développe rien de moins que de 1100 à 1200 lb-pi de couple.
- Le tableau de bord numérique qui, tout comme dans une voiture électrique, donne de précieuses informations telles que l’état de la circulation, le niveau de charge, etc.
Certains l’ont même qualifié de « Cadillac des camions de livraison »!
Suite à ce premier succès, l’équipe de Nordresa est allée présenter leur camion en Californie au « Advanced Clean Transportation Expo » à Long Beach au début mai où leur système de propulsion a beaucoup intéressé des transporteurs.
La direction de Nordresa s’attend d’ailleurs à ce que plusieurs unités soient commandées par des entreprises d’ici la fin de l’année 2017. Une première commande a d’ailleurs déjà été passée par une entreprise de déménagement de Montréal.
Rentabilisation en 2 à 5 ans
Le projet de conversion de motorisation de camions se rentabilise en 3 ans pour un camion étant déjà sur la route et en 5 ans pour un camion neuf à raison de 80 km par jour.
Lorsque celui-ci parcoure de 100 à 200 km par jour, le temps de rentabilisation descend à 2 ans pour un camion usagé et 4 ans pour un camion neuf.
Cette technologie a une durée de vie utile de 12 ans et peut opérer à des températures de -40 degrés Celsius jusqu’à +45 degrés Celsius.
Ce système peut aussi être installé dans de petits autobus scolaires ou des navettes.
Un système de recharge rapide peut aussi être installé afin de doubler l’autonomie quotidienne.
Une entreprise qui utilise un tel système peut donc envisager des économies substantielles vis-à-vis un camion similaire fonctionnant à l’essence ou au diésel. (programme éco-camionnage)2
Chauffage d’appoint
Un système de chauffage d’appoint au diésel a été installé à bord de ce camion afin d’assurer un confort et une autonomie suffisante. Ce système nécessite de 3 à 4 pleins… par année, pour un réservoir de 40 litres.
Une solution porteuse d’avenir
Considérant que les camions de marchandise utilisaient 31% de la consommation de pétrole en transport du Québec en 2011, que celle-ci ne cesse d’augmenter et que les GES des véhicules lourds ont augmenté de 90,4% entre 1990 et 2014, toutes les solutions visant à diminuer cette consommation et ces émissions (sans oublier les émissions polluantes) sont les bienvenues.
Or, cette solution provenant d’une entreprise québécoise est non seulement économiquement viable, mais elle est écologiquement bien plus intéressante que les camions de livraison au gaz naturel et au propane promues par certaines entreprises… et le gouvernement du Québec.
Quand passerons-nous aux camions de marchandise légers et moyens dans les villes du Québec alimentés exclusivement à l’électricité?
Dès que possible, je l’espère.
Parce que comme Nordresa vient de le prouver, c’est tout à fait faisable et ce sera payant non seulement pour cette entreprise, mais pour tout le Québec.
1 : http://nordresa.com
2 : http://www4.gouv.qc.ca/fr/Portail/citoyens/programme-service/Pages/Info.aspx?sqctype=sujet&sqcid=3072
