Opération Nez Rouge… sans consommer!

Christine Théwissen et son conjoint André LeBlanc se sont portés volontaires pour l’opération Nez Rouge 2014 dans la région de Gatineau. Ce service est fourni par des équipes de bénévoles, qui donnent leur temps et l’utilisation de leur voiture personnelle pour aller raccompagner des personnes ayant consommé de l’alcool et ne voulant pas prendre de risques pour conduire. Un point original de ce service est que le véhicule de la personne cliente est aussi reconduit par un membre de l’équipe. Une fois à destination, ce membre redonne les clés de son véhicule au client et embarque dans la voiture d’accompagnement pour aller vers le prochain client. La personne qui se fait raccompagner a donc son véhicule le lendemain chez lui!
Bien que les clients boivent, la majorité des véhicules de raccompagnement … boivent aussi! – de l’essence, bien sûr – Ce qui est original et à souligner dans ce cas-ci est que la voiture d’accompagnement est une superbe Nissan Leaf fournie par Christine et son mari!
On voit ici la Leaf de Christine avec la mascotte de Nez Rouge! Ils ont même fait mettre des appliqués de vinyle indiquant 100% électrique.

La soirée de raccompagnement a bien débuté. Ce soir-là, la température était aux alentours de -10° Celcius en ville et de -15° Celcius sur l’autoroute, ce qui affecte négativement l’autonomie. Quelques directives avaient été soumises au répartiteur de Nez Rouge : éviter de nous envoyer loin à l’extérieur et nous fournir plus des raccompagnements urbains. Mais c’est une directive difficile à réaliser, car souvent, le répartiteur ne connaît pas la destination de raccompagnement. Le client la dévoile quand l’équipe arrive pour le prendre!
Le premier appel a été de Gatineau à Masson-Angers, soit environ 30 km plus un autre 5 km pour partir du point de départ et aller chercher le client. Le trajet s’est déroulé en suivant la route locale, la 148, afin de préserver l’autonomie de la Leaf. Une fois rendus, la directive est de rester sur place en attendant le prochain appel. Cependant, il n’y avait pas de bornes de recharge publiques dans les environs (juste 2 bornes de particuliers qui les partagent via Plugshare), et il est plutôt gênant d’aller sonner à la porte à 2h du matin pour demander une recharge… Il aurait fallu que les bornes des particuliers soient organisées d’avance pour être disponibles de nuit, sans avoir à déranger leurs propriétaires, mais c’est ardu de réaliser cette organisation.
Le deuxième appel fut pour un raccompagnement de Buckingham à Hull! Il fallait donc parcourir 6 km et remonter en altitude pour aller à Buckingham, puis redescendre vers Hull en parcourant 37 km. La distance totale parcourue depuis la dernière charge était donc de plus de 85 km.
Voici le récit de Christine:
Après nous avoir signalé comme disponibles, nous avons quitté la centrale pour revenir faire une pleine charge à la maison en attendant notre premier appel. Donc l’auto était pleine. Je ne sais pas s’il aurait été possible d’installer la prise portative à la Centrale Nez Rouge. C’est un centre communautaire dans le vieux Hull. De toute façon, c’est au courant de la nuit, lorsque nous revenions d’un accompagnement en dehors de la ville, que nous avons eu un problème. Il nous aurait fallu une borne à Buckingham où nous avons attendu 1 heure avant le prochain appel.
Pour le répartiteur, il aurait fallu avoir des trajets qui restaient dans les environs du centre-ville et des bornes disponibles. Il aurait fallu que le répartiteur connaisse la destination du client avant de nous envoyer le chercher. Pourtant, malgré notre requête de ne pas être envoyés en dehors de la ville, notre premier accompagnement était de Gatineau à Masson, donc en campagne.
Ce premier trajet a sérieusement entamé notre autonomie électrique.
Pour revenir vers Gatineau, le bénévole, qui faisait partie de notre équipe et qui conduisait l’auto des clients, a pris l’autoroute, une chose qu’il fallait éviter. Donc, une autre suggestion serait de s’assurer que tous les membres de l’équipe connaissent et respectent les limites d’autonomie du VÉ, puis qu’ils expliquent aux clients la raison qui pousse à éviter l’autoroute.
… Après le désastre du 2e appel, nous n’avons pas pu continuer puisque l’auto n’était plus assez chargée. Donc, retour pas mal gênant à la base pour remettre l’équipement et donner des explications à la personne responsable des répartiteurs car elle ne comprenait pas pourquoi on n’avait pas demandé un survoltage! Bwahahahahahahahaha! ”
On voit que les répartiteurs ne connaissent pas les limites liées à une voiture électrique! Mais il faut connaître l’étendue de leurs contraintes :
“Les répartiteurs ont une tâche énorme et il y a des erreurs à chaque année. Nous n’avons pas été surpris du tout de nous retrouver en campagne. On a déjà oublié notre équipe, envoyé deux équipes pour le même client… Quand on ajoute à ça des clients qui disparaissent, des équipes qui prennent les mauvais clients, des gens qui se font passer pour des clients et surtout tous les problèmes de communication avec les radios, des pannes d’auto des clients… c’est sûr qu’il y aura des erreurs. La destination n’est habituellement pas connue des répartiteurs.”
En fait, il y a deux solutions possibles:
1) Avoir une deuxième Leaf en backup : pendant qu’une fait la tâche d’escorte, l’autre est en recharge sur une borne L2. Quand la première a besoin d’être rechargée, on effectue l’échange et on continue. Pour ce faire, il faut cependant faire quelques ajustements : “Ça demanderait tout un changement dans les procédures pour NEZ ROUGE à cause des assurances. Chaque bénévole a un rôle bien spécifique et ne peut pas changer au cours de la soirée. Il faudrait enregistrer deux autos et deux chauffeurs. Je ne sais pas s’ils accepteraient. Quoique l’équipe pourrait offrir de couvrir le déductible de leur propre véhicule en cas d’accident. Dans notre cas, ça ne changerait rien puisque nous n’avons pas de déductible.”
2) Avoir quelques bornes BRCC (L3) installées et disponibles dans la région couverte par les VÉ qui participent. Voici à cet effet le commentaire de Guy Rousseau : “À Gatineau, soit ils mettent 5 bornes au même endroit, soit ils n’en mettent pas du tout. Les secteurs de Aylmer, Masson-Angers et Buckingham manquent cruellement de bornes. J’espère qu’ils corrigeront la situation en 2015.”
C’est sûr que pour l’organisme NEZ ROUGE, le fait qu’une équipe doive arrêter et ne plus être disponible pour un bout de temps n’est pas l’idéal mais, s’il y a des bornes un peu partout, l’équipe pourrait se recharger entre chaque temps d’attente. Dans notre cas, il aurait fallu se recharger pendant l’heure que nous attendions à Buckingham.
Christine tire la conclusion suivante de sa nuit de raccompagnement :
“Quelle aventure NEZ ROUGE hier soir! Bilan : Il nous faut absolument des bornes de recharge en dehors de la ville et au moins une borne rapide pour l’Outaouais. Tout allait bien jusqu’à ce que nous soyons en train de perdre toute notre énergie sur l’autoroute (50). Si seulement nous avions pu recharger à Buckingham pendant l’heure que nous attendions le prochain appel! Et si le répartiteur avait respecté notre demande de ne pas être envoyés à Masson pour ensuite nous faire un autre long trajet jusqu’à Hull, nous aurions pu mieux nous organiser. Mon conjoint a été obligé de retourner à la maison avec l’auto pour la recharger. Il y avait des bornes tout près mais, rendu là, il était à 1 km de la maison. Le reste de l’équipe (un ami et moi) a reconduit les clients chez eux pour ensuite se retrouver à pied (puisque notre escorte se rechargeait) pour une belle promenade dans une nuit froide d’hiver. Je n’ai pu m’empêcher de rire de la situation : une équipe NEZ ROUGE à pied à 2h30 du matin en train de marcher 2 km jusqu’au Tim Horton le plus près pour se réchauffer en attendant d’être ramassée par une LEAF en partie rechargée. Mon seul regret dans tout ça, c’est d’avoir donné une image négative du transport électrique et de ses véhicules. Nous sommes des pionniers et le système est encore en développement. NEZ ROUGE est un défi difficile à réaliser cette année mais tout pourrait avoir changé d’ici décembre 2015 et nos véhicules électriques demeurent un moyen de transport formidable qui répond à la majorité des besoins des gens. ”
Ainsi, il reste au circuit électrique à installer des BRCC sur les axes routiers importants du Québec (pas juste l’autoroute 40) pour permettre l’utilisation des véhicules électriques à batterie à autonomie limitée dans des contextes de taxis, de livraisons et de transports non planifiables comme l’opération Nez Rouge. Le réseau AZRA va également en installer et la coopérative de bornes de recharge rapides sera aussi prête à participer à ce formidable projet de société pour nous affranchir de plus en plus du pétrole.

Plusieurs restaurants utilisent des véhicules électriques pour la livraison, avec succès. Il faut se rappeller que le point d’attente entre deux appels est nécessairement le restaurant, qui a ses bornes de recharges. Le contexte des taxis électriques et de l’opération Nez Rouge, requièrent une région pourvue d’une infrastructure de recharge. (D’une bonne quantité de bornes de recharge!).
Christine conclu finalement avec: “Nous sommes super contents de voir que nous en inspirons d’autres au lieu de les décourager. J’avais réellement l’impression d’avoir commis une gaffe. Merci la gang! Vos encouragements font chaud au coeur.”
Et l’attitude à retenir: “Ben non voyons… On en rit plus qu’autre chose! Pas eu de conséquences graves, et c’est de l’expérience qu’on glisse dans notre poche pour une prochaine fois”
Personnellement, je félicite Christine et André! Ce sont des gens qui s’impliquent positivement dans la communauté, (c’est leur 9ème participation à Nez Rouge!!!) font des efforts importants pour diminuer leurs émissions de GES, montrant ainsi une grande conscience sociale et environnementale. Ils sont aussi de grands ambassadeurs des voitures électriques! Merci encore!