Il y a une semaine, la sortie du premier ministre Philippe Couillard a ranimé le dossier du monorail québécois de manière totalement inattendue.
Alors que beaucoup de gens croyaient ce dossier en dormance, ces simples mots évoqués par le PM ont ramené ce dossier à l’avant-plan des médias et tout le monde qui s’y connait ou croit s’y connaitre a été invité à se prononcer sur le sujet. Le physicien Pierre Langlois, avec qui je travaille depuis des années, a d’ailleurs donné plusieurs entrevues là-dessus depuis quelques jours car il suit ce dossier depuis des années et s’y connait pas mal plus que la très grande majorité des Québécois.
Car justement, tout le monde ne s’y connait pas. Certainement pas certains commentateurs du tout et n’importe quoi de certains grands médias traditionnels. Comme je ne prétend pas être un spécialiste du sujet, je n’ai pas fait la même grossière erreur et m’en suis tenu à ce qui suit sur le sujet depuis les dernières années.
Les conseils de M. Couture
Lorsque j’étais responsable de la stratégie d’électrification des transports du gouvernement du Québec, j’ai pris le temps de rencontrer M. Pierre Couture, idéateur du projet de monorail à grande vitesse.
Il m’a lui-même dit que ce projet pourrait être intéressant pour le Québec et que pour s’en assurer, il serait d’abord et avant tout nécessaire de voir si tout cela était techniquement et économiquement faisable.
C’est pourquoi, suite aux recommandations de M. Couture lui-même, nous avions prévu dans notre stratégie d’électrification des transports dévoilée en 2013 que nous commencerions l’analyse du projet en faisant d’abord faire par une firme indépendante :
- Une étude préliminaire;
- Une étude de préfaisabilité;
- Une évaluation comparative vis-à-vis d’autres solutions de transport collectif électrique;
- Une étude de marché préliminaire;
- Une analyse des retombées économiques pour le Québec.
Bref, plutôt que d’affirmer à priori que le projet de monorail à grande vitesse était LA chose à faire ou que ce projet ne tenait pas la route, nous proposions de procéder de façon ordonnée par souci de rigueur.
D’ailleurs, il faut toujours se méfier des promoteurs qui poussent pour une technologie spécifique car ils proposent généralement moins la meilleure solution technologique pour l’intérêt d’un projet que la solution technologique qui leur appartient et est donc la plus rentable pour eux.
Les défis étaient évidemment nombreux car il s’agit d’un projet novateur et nous en étions conscients.
Cela dit, lorsque j’entends ou je lis que cette technologie n’a pas été éprouvée et qu’on devrait s’en tenir à ce qu’on connait, je ne peux m’empêcher de penser que si on les écoutait, aucune voiture électrique ne sillonnerait nos routes en 2017.
En effet, selon cette « logique », mieux vaut rester avec ces produits et services qui font partie de nos vies depuis longtemps et qui ont fait leurs preuves telles que la voiture à essence, la pellicule photo, les Polaroid, le pétrole et le gaz, etc.
Après tout, si ça a fonctionné depuis des décennies voire plus d’un siècle alors pourquoi chercher autre chose?
Exit l’innovation, exit l’imagination.
Oubliez le TGV, la fibre optique, les panneaux solaires, les Tesla S ou l’Hyperloop.
Je suis de ceux qui appuient l’innovation. L’électrification des transports, les énergies renouvelables, le transport autonome et l’auto partage sont autant de créneaux issus de l’innovation qui peuvent améliorer notre qualité de vie et aider notre environnement. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont fait que je suis devenu membre de la Coop MGV1 dont la mission est de développer le projet de monorail à grande vitesse. Encourager des gens qui veulent concrétiser un tel projet, ça mérite bien un petit $20.
Sinon, on reste assis confortablement et on regarde le train passer… entre 2 convois pétroliers ou de marchandises.
Le CN, le CP et le TGF
On semble oublier que le train à grande fréquence (TGF) dont certains font la promotion circulerait sur les voies appartenant en majeure partie au CN et au CP. Or, ces 2 compagnies nous ont bien fait comprendre depuis la privatisation des rails que LEUR priorité était le transport de marchandise et que les passagers attendraient. S’il vous arrive de prendre le train, vous savez exactement de quoi je parle.
C’est pourquoi, étant très familier avec le manque de collaboration légendaire de ces 2 entreprises, je me garderais une petite gêne avant d’affirmer que le TGF est une option facilement envisageable… À moins qu’on ne doive les dédommager grassement en échange de l’utilisation de ces rails que nous avons collectivement payés dans le passé et qui leur ont été cédés pour des pinottes.
Si on n’est même pas capable de faire en sorte que le CN s’occupe de repeindre le pont de Québec, disons que j’ai un petit doute sur leur « ouverture » face au TGF.
Horizon 2026?
Notre très court passage au gouvernement a fait en sorte que le temps nous a manqué pour analyser le projet de monorail à grande vitesse. Or, suite à l’arrivée du gouvernement de Philippe Couillard, toute velléité de développement de ce projet a été mis au rancart depuis 2014.
C’est pourquoi j’ai été estomaqué de constater que le premier ministre du Québec lançait une telle balloune sortie de nulle part la semaine dernière… en prenant bien soin d’ajouter que son parti ne regarderait ce projet que s’il était réélu! En fait, ça sentait la diversion à plein nez.
On aura donc perdu au moins 4 ans à ne rien faire, à ne pas l’étudier… et à espérer la réélection du gouvernement Couillard pour que le projet de monorail se fasse à l’horizon 2026???
C’est pourquoi je suis 100% d’accord avec Claude Villeneuve2 lorsqu’il écrit qu’il y a une limite à rire du monde.
Et je trouve cela particulièrement choquant.
1 : https://mgv.coop/fr/accueil-coop-mgv/
2 : http://www.journaldemontreal.com/2017/12/01/rire-du-monde
