En collaboration avec Alexandre Mercier
Imaginez un tel scénario : aucune station d’essence pendant près de 300 kilomètres sur une route (transcanadienne) donnant accès à une région où vivent plus de 145 000 individus. Inimaginable, n’est-ce pas? Pourtant, il s’agit d’une réalité que vivent bien des électromobilistes de l’Abitibi-Témiscamingue alors que la distance entre la BRCC de Val-d’Or et celle de Mont-Laurier est de 290 kilomètres.
Les électromobilistes le savent, les BRCC (borne de recharge à courant continu) sont essentielles sur le réseau routier du Québec afin de parcourir de longues distances dans des délais raisonnables. Ces bornes rapides de niveau 3 (400 V), permettent aux voitures électriques munies du port de recharge rapide CCS Combo ou ChadeMo de recharger leurs batteries jusqu’à 80 % entre 15 minutes et une heure. Certes, on ne compte pas des milliers de propriétaires de véhicules électriques sur le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue mais cela demeure un problème préoccupant pour les citoyens, leur entourage vivant à l’extérieur de la région, les ressortissants abitibiens ainsi que pour les touristes. En effet, à moins d’avoir un véhicule avec une autonomie de plus de 350 kilomètres, il est impossible à l’heure actuelle de traverser « le Parc » sur une seule charge.
Il est vrai que l’aire de repos « Le Domaine » possède une borne de recharge de niveau 2 (240 V) du Circuit Électrique. Par contre, située à 180 kilomètres de Val-d’Or, la borne de recharge (de niveau 2) demeure tout de même hors de portée pour une grande partie des véhicules électriques présents sur nos routes. Imaginez en hiver! De plus, qui voudrait arrêter pendant quelques heures pour recharger suffisamment sa batterie afin de pouvoir se rendre à Mont-Laurier? Selon les calculs d’Alexandre Mercier, citoyen de l’Abitibi-Témiscamingue et électromobiliste de la région, une voiture électrique qui consomme en moyenne 18 kWh/100 km nécessitera environ 2h45 sur une borne à 6,6 kW afin de recharger 100 kilomètres. En saison hivernale, une voiture électrique qui consomme en moyenne 25 kWh/100 kilomètres aura besoin de près de 4 heures sur une borne 6,6 kW afin de recharger 100 kilomètres. Et je rappelle qu’il n’y a actuellement qu’une seule borne…
PROBLÈME TECHNIQUE
L’absence de BRCC dans la Réserve Faunique La Vérendrye s’explique d’abord et avant tout par une limite technique importante. En effet, le courant électrique triphasé, nécessaire à l’installation d’une borne de recharge rapide de 50 kW, s’arrête à Montcerf-Lytton au sud et au relais du Lac Boyer au nord. Ainsi, il serait présentement très complexe d’installer une BRCC dans la Réserve Faunique La Vérendrye sans apporter d’importants correctifs au réseau électrique d’Hydro-Québec.
CONTRADICTION MINISTÉRIELLE
En février dernier, un porte parole du ministère des Transports du Québec avait affirmé que la nouvelle aire de service du Domaine serait équipée de borne de recharge permettant « aux gens de recharger leurs véhicules dans des délais tout à fait acceptables ». (Radio-Canada, 19 février 2018) Or, le 19 juillet dernier, lors de l’annonce officielle du MTQ sur la construction de nouvelles aires de service au Québec, il est annoncé que SEULEMENT 2 bornes de niveau 2 seront installés dans la nouvelle aire de service du Domaine. Trouvez-vous cela acceptable comme délais d’attendre plus de 3 heures afin de gagner 100 kilomètres d’autonomie? Certainement pas. Il est d’autant plus déplorable que le porte parole du MTQ ait mentionné en février qu’on « pourrait s’attendre à voir des équipements à la fine pointe de la technologie ». (Radio-Canada, 20 juillet 2018)
De plus, dans une lettre du ministre Pierre Arcand, alors au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, datée du 4 novembre 2016, on apprend que lui et son ministère sont au parfum de la situation. En effet, il mentionne d’abord que la trop grande distance entre les BRCC de Val-d’Or et de Mont-Laurier (pas encore installée à l’époque) ne permet pas des déplacements sécuritaires pour les véhicules électriques sur le marché. De plus, celui-ci fait également mention des recommandations du Circuit Électrique quant à la nécessité d’installer de 3 à 4 BRCC dans l’intervalle de la Réserve Faunique La Vérendrye. Pourtant, aujourd’hui le 24 juillet 2018, ces bornes ne sont toujours pas installées et ne sont même pas dans les plans.
DES SOLUTIONS POSSIBLES
Ce qui est davantage surprenant, c’est qu’il existe une alternative à la BRCC de 50 kW et que celle-ci n’ait pas été retenue pour le projet. En effet, comme le mentionne Alexandre Mercier, il y a la possibilité d’installer des bornes intermédiaires à 25 kW qui permettrait tout de même de recharger un véhicule 4 fois plus rapidement que sur une borne de niveau 2 à 6,6 kW.
Une autre solution possible est d’installer des BRCC de chaque côté de la Réserve Faunique La Vérendrye, où le courant électrique triphasé s’arrête. Ainsi, il serait possible pour un électromobiliste de recharger son véhicule en entrant et en sortant du Parc. Selon des informations obtenues par Alexandre Mercier, le Circuit Électrique avait en juin 2017 les fonds pour installer 2 BRCC au nord et 2 autres au sud de la réserve faunique. Celles-ci étaient payées à 50 % par le MTQ et à 50 % par Hydro-Québec. De plus, suite à des démarches personnelles, M. Mercier avait également trouvé des partenaires commerciaux qui pouvaient accueillir les BRCC dans leurs entreprises. Pourtant, un an plus tard il n’y a TOUJOURS PAS de borne de recharge rapide.
DONC …?
Que se passe-t-il dans ce dossier? Est-ce qu’il y a un manque de communication entre les différents acteurs impliqués dans le dossier? Pendant ce temps, l’eau continue de couler sous les ponts et il est toujours impossible de traverser la Réserve Faunique La Vérendrye pour la plupart des électromobilistes.
Sources :
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1084673/domaine-reserve-venrendrye-halte-routiere-bornes-de-recharge
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1113912/nouvelle-aire-service-domaine-2020-route-117
Photographie de couverture : Louis Jalbert
*Lettre du ministre Pierre Arcand, 04 novembre 2016.
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