Ceux qui me suivent depuis la sortie de mon livre Rouler sans pétrole en 2008 savent que j’ai toujours fait valoir les avantages des moteurs-roues qui sont :
- plus faible consommation d’énergie;
- plus d’espace pour l’aménagement intérieur des véhicules;
- possibilité d’un système anti-dérapage (contrôle indépendant des 4 roues);
- possibilité de plier les voitures et de les faire tourner sur elles-mêmes.
Le fait de pouvoir plier une voiture ou un scooter permet au véhicule de réduire considérablement l’espace requis pour le stationnement, comme le démontre la voiture électrique citadine espagnole Hiriko (https://www.youtube.com/watch?v=MONIa4zdLdY), qui peut également tourner autour de son centre. Cette petite voiture est munie de 4 moteurs-roues alimentés par un câble électrique flexible. S’il fallait actionner les roues à partir d’un moteur central avec un système de transmission mécanique, ces propriétés de la voiture seraient très complexes sinon impossibles à réaliser.
Mais revenons à l’avantage principal, la plus faible consommation d’énergie. Avec des moteurs-roues à entrainement direct, comme ceux qu’avait mis au point l’équipe de Pierre Couture à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) en 1994, on n’a pas besoin de réducteur de vitesse, ni différentiel, ni cardans, ni joints universels, ce qui réduit la consommation d’énergie de quelques pourcents par rapport à une voiture électrique à moteur central. Par ailleurs, l’efficacité du moteur-roue Couture atteignait 97 % comparativement à 92 % pour les autres moteurs. Mais le gros de la diminution est dû à une récupération très élevée de l’énergie au freinage (85 %), comparativement à celle d’un moteur électrique central.
En effet, avec un moteur central on ne peut freiner derrière le différentiel, il faut freiner au niveau des roues, sinon lorsqu’une roue est sur la chaussée sèche et une autre sur la glace on pourrait perdre le contrôle du véhicule. De plus, un moteur central n’est généralement relié qu’à deux roues motrices, alors qu’on freine aux quatre roues. Par conséquent, en appliquant les freins assez rapidement, la récupération d’énergie au freinage d’une voiture électrique à moteur central est bien moindre qu’avec quatre moteurs-roues. Les calculs démontrent qu’en ville une voiture électrique munie de quatre moteurs-roues présente une consommation d’énergie réduite du tiers environ par rapport à une voiture électrique à moteur central de même catégorie.
Mais ces calculs sous-entendent que le conducteur appuie sur la pédale de frein assez rapidement. Or, lorsque j’ai essayé la i3 de BMW, j’ai été surpris de voir à quel point le freinage régénératif était puissant (60 kW) seulement en enlevant mon pied de l’accélérateur, sans peser sur le frein. À 50 km/h la voiture descend à 10 km/h en moins de 30 m! Et maintenant, GM nous annonce un freinage régénératif encore plus puissant avec la future Chevrolet Bolt qui pourra immobiliser la voiture sans avoir à peser sur le frein. GM parle de «conduite à une pédale». Bien sûr, le frein va toujours être utilisé occasionnellement en cas d’urgence, mais dans le trafic ordinaire, les distances de freinage régénératif sont assez courtes désormais pour ne pratiquement pas avoir besoin d’utiliser le frein mécanique. Pas besoin d’être un pépère qui prévoit un kilomètre d’avance. Par conséquent, le gain en consommation d’énergie d’une voiture à quatre moteurs-roues pourrait bien n’être que de 15 % en ville comparativement à une voiture comme la Chevrolet Bolt, et non 33 %.
Une consommation d’énergie 33 % plus faible signifiait une batterie 33 % plus petite, alors que le prix des batteries en 2008 (date de sortie de mon livre) était de 1000 $ le kWh. Rappelons qu’il est inférieur à 300 $/kWh présentement, et devrait être à moins de 150 $/kWh d’ici 2020. Personne n’aurait pu prédire une chute aussi rapide des prix.
Tout ceci pour dire qu’il serait désormais surprenant qu’un constructeur automobile intègre des moteurs-roues dans ses véhicules, compte tenu de leur principal avantage considérablement amoindri avec la conduite à une pédale, et de l’inertie de l’industrie automobile. En ce qui concerne l’espace accru autorisé par des moteurs-roues, en intégrant la batterie dans le plancher, les espaces dans l’habitacle et le coffre sont désormais très raisonnables avec une voiture à moteur central, sans compter que le bas centre de masse qui en résulte assure une tenue de route exceptionnelle. Et si on veut 4 roues motrices, on peut très bien le faire avec deux moteurs centraux, comme dans les véhicules de Tesla Motors.
Mais, il ne faut pas oublier qu’en 1994, lorsque le moteur-roue Couture a été présenté à l’IREQ, le prix des batteries de haute performance était exorbitant et elles étaient très lourdes. Il fallait donc réduire la consommation d’énergie au maximum, et les moteurs-roues étaient la meilleure solution. De plus, la fonctionnalité de la conduite à une pédale était difficile à prévoir à l’époque sans l’avoir essayé en conduite réelle.
Pierre Langlois
20 janvier 2016
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