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De l’énergie nucléaire sans déchets radioactifs pour verdir les réseaux électriques et les VÉ ?

D’entrée de jeu, je m’explique sur le point d’interrogation dans le titre. Je vais vous parler, aujourd’hui, du dévoilement récent d’un nouveau réacteur LENR (Low Energy Nuclear Reaction) qui dégage 22 kW d’énergie thermique et consomme seulement 380 Watt d’énergie électrique. Mais il faut mettre un bémol, et voici pourquoi.
C’est la quatrième génération des réacteurs E-Cat d’Andrea Rossi. Il est offert commercialement par Leonardo Corporation et aurait des délais de livraison de quelques semaines. Bien que j’aie déjà écrit des articles sur les premières générations de réacteurs (1, 2), qui ont été validés par des mesures de chercheurs indépendants, le réacteur E-Cat SK, dont je vais vous entretenir, n’a pas fait l’objet de mesures indépendantes et, pour des raisons de propriétés intellectuelles, très peu d’information est disponible, présentement, sur les détails de fabrication et de contrôle. Ce nouveau réacteur n’est donc pas encore scientifiquement avéré.
Leonardo Corporation ne vend pas ses réacteurs, elle les installe et monnaye seulement les kWh d’énergie thermique utilisés, comme on le fait pour l’électricité. Ainsi, les clients sont à l’abri d’une arnaque potentielle puisque si la chaleur n’est pas là et que la facture n’est pas réduite substantiellement, selon les termes du contrat, ils ne payent pas. Par ailleurs, le témoignage éventuel des clients sur les économies qu’ils vont faire va nécessairement valider ou invalider la technologie. Et ça, on devrait le savoir dans une année environ. D’ici là, croisons-nous les doigts, car le potentiel de transformation de nos sociétés est inouï ! Jugez-en par vous-même dans ce qui suit.
 
La présentation du nouveau réacteur E-Cat SK
Le 31 janvier 2019, Andrea Rossi présentait la dernière mouture de son générateur d’énergie thermique, basé sur les réactions nucléaires à basse énergie (RNBE), le E-Cat SK. Pour ceux qui veulent en savoir davantage sur les RNBE (LENR, en anglais), je vous réfère à un article que j’ai écrit en 2014 « E-Cat et LENR : C’est très sérieux! Le scepticisme excessif nuit à la science ».
Un très bon compte-rendu de la présentation récente de Rossi a été fait par Mats Lewan, l’auteur du livre An impossible invention, sur son blogue. L’article est intitulé « My take on the E-Cat SK – Rossi now takes orders ». On y retrouve les liens pour visionner les différentes sections de la présentation.
Je dois dire que j’ai été déçu de la forme de cette présentation, qui est loin de ce qu’on devrait s’attendre du lancement d’un produit aussi révolutionnaire, en admettant qu’il fonctionne tel qu’annoncé. J’aurais bien aimé voir un minimum de décorum, un power point bien fait, de l’infographie, des dépliants à télécharger et un site Internet à la hauteur. Rien de tout ça. On est très loin des présentations de Tesla pour ses nouveaux produits ! Par ailleurs, le peu d’information révélée sur le fonctionnement du réacteur ou sa composition est également frustrant pour un scientifique comme moi. Je comprends que plusieurs millions $ ont été investis en 8 ans pour en arriver là et que Rossi et ses partenaires veulent récupérer leurs billes, mais le résultat c’est que personne d’autres ne peut reproduire leurs dernières expériences, pour le moment.
Ceci étant dit, ayant suivi le dossier Rossi depuis 2011 (date de la première démonstration publique), je sais que ses réacteurs E-Cat (de Energy CATalyser) sont du sérieux. Le rapport Lugano, dans lequel des scientifiques indépendants et chevronnés ont reproduit les mesures de dégagement d’énergie, en témoigne.
 
Le rapport Lugano
Des chercheurs d’institutions réputées ont analysé une version 2014 du réacteur E-Cat, avec leurs propres instruments, pendant 32 jours et ont remis un rapport très détaillé (53 pages). Les expériences ont eu lieu dans la ville de Lugano en Suisse, d’où le nom du rapport.  J’ai rédigé un article, lors de la sortie du rapport, pour vulgariser et synthétiser les résultats stupéfiants obtenus.
Voici les grandes lignes. Les chercheurs ont trouvé qu’il se dégageait 3,6 fois plus d’énergie sous forme thermique que l’énergie électrique utilisée pour faire fonctionner le réacteur. Le COP (coefficient of performance) était donc de 3,6. Et, une autre conclusion percutante de ce rapport est que l’énergie dégagée pendant les 32 jours de l’expérience est beaucoup plus élevée que ce qu’on est en droit de s’attendre de réactions chimiques.
En effet, l’énergie thermique excédentaire mesurée était de 1,5 MWh, ce qui correspond à l’énergie dégagée par la combustion de 168 litres d’essence, alors que le réacteur n’avait qu’un volume de 1/10 de litre et que les produits réactifs qu’il contenait avaient un volume au moins 10 fois inférieur au réacteur, soit d’environ 1/100 litre. C’est donc dire que, pour un même volume de « carburant », la poudre du E-Cat a dégagé plus de 16 000 fois l’énergie produite par la combustion de l’essence.
En fait, c’est beaucoup plus que ça, car l’expérience a été arrêtée arbitrairement après 32 jours, mais aurait pu continuer au moins 6 mois, selon Rossi. Par ailleurs, les chercheurs du rapport Lugano ont volontairement réduit le chauffage du réacteur (amorce la réaction) pour éviter que la température ne dépasse 1 400 °C et que le réacteur soit détruit (il y en a un qui a fondu dans leurs expériences). Cette mesure de sécurité a réduit la performance du réacteur. Rossi, lui-même, avait atteint un COP supérieur à 6. Tout ça pour dire que l’énergie dégagée par la poudre du réacteur serait plutôt de l’ordre de 150 000 fois plus élevée que celle de l’essence, pour un même volume, et possiblement plus.
Une telle densité d’énergie est trop élevée pour que ce soit de l’énergie chimique. Pour le moment, seule l’énergie nucléaire peut l’expliquer. D’ailleurs, les chercheurs du rapport Lugano ont analysé la poudre du réacteur avant et après l’expérience et constaté qu’il y avait eu d’importantes transmutations nucléaires. 90 % des isotopes légers du Nickel ont été transmutés en isotopes lourds et le lithium 7 (poids atomique de 7 uma) qui constituait 93 % du Lithium est tombé à 8 % après 32 jours de fonctionnement du réacteur ! Les réactions chimiques ne peuvent faire ça, seules des réactions nucléaires le peuvent.
Et, ce qui est particulièrement remarquable c’est le fait que ces réactions nucléaires n’émettent pas de radioactivité à l’extérieur du réacteur, et que la poudre métallique n’est pas radioactive après 32 jours (pas de déchets radioactifs). C’est donc une énergie extrêmement propre, sans gaz à effet de serre ni émissions polluantes, dont les carburants sont très abondants et bon marché. Et le nickel n’est pas consommé, seul son rapport isotopique change. On peut donc l’utiliser pour fabriquer de l’acier inoxydable après son utilisation dans un réacteur E-Cat !
 
Les performances impressionnantes du nouveau E-Cat SK
 Le réacteur et l’électronique de contrôle sont contenus dans un boitier de 40 cm de large, 45 cm de profond et 93 cm de haut (photo ci-dessous). La puissance est de 22 kW en continu, 24/24, et le poids de 9,1 kg. En mettant 10 réacteurs en parallèle on peut fournir plus de 200 kW de chauffage. Deux tuyaux sur le dessus du réacteur, servent à l’entrée et la sortie du fluide qu’on réchauffe. La consommation électrique du E-Cat SK est de 380 Watt, donnant un COP de 57. Mais, la très grande partie de la consommation d’électricité est pour refroidir l’électronique et le panneau de contrôle. Le réacteur lui-même ne consommant que 0,08 mW, aux dires de Rossi, son COP serait en fait de 22 kW divisé par 0,08 mW, soit 275 000 000 ! Il faut dire qu’une fois démarrée, la réaction s’entretient pratiquement d’elle-même.
 

 
Présentement, un seul réacteur, consommant 380 Watt, chauffe un bâtiment de 3000 pi2 par 14 pi de haut à 16 °C, avec une température extérieure de 0 °C, depuis plus de 2 mois.
Un détecteur à neutrons et un appareil de mesure pour les radiations ionisantes montrent, en permanence, qu’il n’y a pas de radiations nucléaires au-dessus du bruit de fond usuel.
Le cœur de ce nouveau type de réacteur est un cylindre creux transparent de 10 cm de hauteur et 10 cm de diamètre contenant un mélange gazeux. Une décharge contrôlée produit un plasma au centre, dont la température maximale atteint plus de 8 000 °C, vérifiée avec un spectromètre. La grande partie du spectre est dans l’ultraviolet, et la luminosité du plasma est si intense qu’on doit utiliser un filtre protecteur pour le regarder. Ni la composition du gaz, ni sa pression sont données. Le plasma (photo ci-dessous) est contrôlé par des impulsions électriques carrées dont les paramètres ajustent la puissance, grâce à un thermostat. Un fait intéressant, un réacteur a déjà fonctionné une année sans être réapprovisionné en « carburant ».
 

 
Ce qu’on sait c’est que les premiers réacteurs E-Cat, jusqu’en 2016, étaient constitués de petits cylindres remplis de poudre de nickel en majeure partie, d’aluminium, de lithium, d’hydrogène, de fer, de carbone et d’oxygène, selon les analyses des chercheurs qui ont réalisé le rapport Lugano, mentionné plus haut. La stœchiométrie des éléments Al, Li et H, toujours selon ce rapport, est compatible avec de l’hydrure d’aluminium-lithium (LiAlH4) qu’on utilise, entre autres, pour stocker l’hydrogène et le dégager lorsque chauffé. C’est d’ailleurs en chauffant les cylindres qu’on amorçait la réaction.
Par ailleurs, sur le site de Leonardo Corporation, qui commercialise les réacteurs E-Cat, on peut lire, aujourd’hui, que le Nickel ne serait utilisé que comme catalyseur, et que la réaction principale qui entraine le dégagement d’énergie implique l’Hydrogène et le Lithium. Il y aurait fusion entre les noyaux de ces deux atomes pour donner du Béryllium 8, qui se désintègre en deux noyaux d’Hélium et de l’énergie libérée sous forme de chaleur.
 
Le modèle d’affaire de Leonardo corporation pour le E-CAT SK
La compagnie Leonardo Corporation, qui commercialise le E-Cat SK, n’a pas l’intention de vendre ses réacteurs, mais plutôt la chaleur qu’ils produisent. Il n’y aurait donc aucun déboursé initial du client pour l’acquisition. Celui-ci paierait un montant du kWh thermique consommé, comme on le fait pour l’électricité, et acquitterait une facture mensuelle substantiellement moindre que celle qu’il devrait payer de toute autre source (électricité, gaz naturel, propane, huile de chauffage…). Le tarif plafond est fixé à 20 % en dessous du prix de la compétition et négociable à la baisse pour les gros consommateurs de chaleur.
Le E-Cat SK est disponible, initialement, aux États-Unis, en Suède et au Japon. Présentement, seules les entreprises sont éligibles et non les particuliers, pour des questions d’homologation plus faciles. Les utilisations typiques sont le chauffage de bâtiments ou de serres, les procédés industriels de séchage (usines de pâte et papier, entre autres), le chauffage de l’eau pour les buanderies et les cafétérias (hôpitaux, hôtels, prisons…).
Un tel modèle d’affaire rend impossible une imposture de la part de Leonardo Corporation, qui ne peut vendre disons 1 000 E-Cat SK à 100 000 $ chacun et disparaître dans la Nature, comme certains critiques pourraient le prétendre, en ne voyant en Andrea Rossi qu’un fraudeur. Leonardo Corporation doit fournir l’énergie thermique à ses clients s’ils veulent être payés.
De toute façon, d’ici une année, si les clients sont satisfaits les doutes vont s’estomper.
 
Rêvons un peu
 Admettons que les réacteurs E-Cat SK fonctionnent avec les performances annoncées. Imaginez tout le progrès qu’on pourrait faire dans le développement des réactions nucléaires à basse énergie (RNBE), en y investissant quelques milliards $. On investit bien 30 milliards $ dans le projet ITER de réacteur à fusion thermonucléaire, alors qu’on n’a pas encore produit plus d’énergie qu’on en utilise pour faire fonctionner ces machines à fusion (COP<1). Avec plus d’argent pour la recherche sur les RNBE, on pourrait mieux comprendre les phénomènes, les optimiser et construire divers formats de réacteurs, avec, en bout de ligne, la possibilité de :
– construire des serres chauffées très abordables pour les pays nordiques
– dessaler l’eau de mer pour irriguer nos régions désertiques et donner de l’eau potable
– chauffer nos bâtiments et maisons beaucoup moins cher qu’à l’électricité
– construire un prolongateur d’autonomie à microturbine pour voiture électrique (plus besoin de bornes de recharge) dont on ne fait jamais le plein de «carburant»
– remplacer les bouilloires des centrales au charbon et au gaz par une bouilloire E-Cat
– remplacer le coeur des réacteurs nucléaire à l’uranium par une bouilloire E-Cat
– construire des mini-centrales électriques décentralisées assurant une meilleure robustesse (redondance) que des grosses centrales très éloignées
 Fini les problèmes de pollution dans la production d’énergie et fini les tensions géopolitiques pour le contrôle du pétrole et du gaz naturel. Fini l’importation de fruits et légumes de l’autre bout de la planète, même pour les pays nordiques. De l’énergie bon marché garantirait également l’essor économique des pays sous-développés.
Je vous laisse deviner la suite et m’en faire part dans les commentaires.
 

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