À l’aube de la nouvelle décennie 2020-2029, le temps est venu de revenir sur cette décennie que nous quittons, celle de 2010 à 2019. En tant que seul chroniqueur à s’être spécialisé en électrification des transports depuis plus de 15 ans et à suivre avec intérêt ce dossier depuis 1974 (eh oui!), je peux affirmer que cette décennie que nous quittons aura été LA décennie du virage vers les véhicules électriques… grâce en grande partie à Tesla et Elon Musk.
En 2010, j’écrivais depuis un certain temps des textes sur les véhicules dits “verts” pour le journal Le Devoir. J’y comparais des voitures hybrides, parlais d’émissions polluantes et de GES, mais peu de véhicules enfichables. Des Prius, aux Insight en passant par des monstruosités telles que les BMW X6 Activehybrid, nous venions de terminer la décennie 2000-2009 avec quelques avancées en matière d’hybridation des transports, mais rien de transcendant.
De la I-MIEV… à la Roadster
Tout ça a changé en août 2010 alors que j’ai eu l’occasion de faire l’essai d’une Toyota Prius que le Centre National de Transport Avancé (CNTA) avait modifié en véhicule hybride rechargeable et m’avait gracieusement fourni afin que je puisse la tester. Pour la première fois, je voyais réellement poindre le début d’une nouvelle ère, celle de l’après-pétrole. Je débutais d’ailleurs mon texte ainsi: «15 août 2010, planète Terre, carnet de bord du capitaine. Je suis en plein voyage d’exploration dans un nouveau monde, inexploré, celui de l’après-pétrole. Un monde plus propre, plus silencieux et plus paisible.» (1)
(Crédit photo: Jacques Grenier / Le Devoir)
Les mois qui ont suivi ont été fertiles en nouveautés. Ce fut le véritable début des essais de véhicules de série hybrides rechargeables et 100% électriques avec l’arrivée des Mitsubishi I-MIEV, Nissan Leaf et Chevrolet Volt, trois pionnières à leur manière.
Si la Mitsubishi I-MIEV était une version électrifiée d’une voiture déjà existante fonctionnant au pétrole, les Leaf et Volt étaient 2 concepts originaux qui ouvraient la voie à 2 avenues fort prometteuses: les voitures grand public hybrides rechargeables et 100% électriques.
Quelques mois plus tard, je faisais l’essai d’une petite voiture exotique connue sous le nom de Tesla Roadster. Comme d’autres, j’avais entendu parler de cette petite Lotus Elise modifiée en véhicule sport électrique dont les performances étaient apparemment “intéressantes”.
Intéressante n’était pas le mot juste.
Pour l’époque, ses performances étaient tout simplement stupéfiantes. Cette sensation de prendre place à bord d’une voiture aussi basse et aussi rapide tout en étant silencieuse avec le toit targa ouvert où on n’entendait que le bruit du vent m’a littéralement chamboulé et avait alors modifié à jamais ma perception de ce que pourraient être les véhicules électriques.
Tout ça parce qu’une bande de génies fous menés par le plus fou et le plus génial de tous, Elon Musk, avaient décidé de se lancer à l’assaut du marché automobile, défi que nul autre n’avait réussi en plus d’un demi-siècle dans l’automobile.
Et ce n’était que le début puisque quelques mois plus tard arrivait sur le marché la Tesla Model S, une voiture électrique de luxe au look à la fois élégant et dénudé qui allait bouleverser le monde feutré des constructeurs automobiles de luxe. À la fois performante et pratique, elle trouvait de nouveaux adeptes de mois en mois. Il est d’ailleurs particulièrement remarquable de constater que des Model S datant de plus de 5 ans demeurent plus performantes et offrent toujours plus d’autonomie que des véhicules électriques de luxe offerts par ses concurrents en 2019!
La Model S fut suivie de la Model X, une version VUS de la S avec ses fameuses portes “faucons” qui a elle aussi son lot d’adeptes.
Le coup de tonnerre : la Model 3
Le 31 mars 2016, des centaines de gens faisaient la file sous la pluie à Montréal pour donner leur dépôt de $1000 afin de pouvoir, éventuellement, mettre la main sur une Tesla Model 3, la première voiture “abordable” de la marque Tesla. Après quelques jours, le monde découvrait avec stupéfaction que plus de 300 000 personnes avaient mis un dépôt, chose que personne n’avait jamais vu dans toute l’histoire de l’automobile.
(crédit photo: Phil Carpenter / The Gazette)
La dernière fois où un tel engouement avait eu lieu fut en 1955 au salon de l’auto de Paris. Citroën présentait alors la DS, véritable voiture de science-fiction pour l’époque où près de 80 000 exemplaires avaient été réservés durant le salon. 60 ans plus tard, la Model 3 éclipsait littéralement la vénérable DS.
Fait à noter, ces 2 voitures ont eu droit aux mêmes qualificatifs lors de leurs lancements: épurées, révolutionnaires, pourvues d’un aménagement intérieur d’avant-garde, moyennement fiables à leur début, particulèrement agréables à conduire. Bref, il y a fort à parier que la Model 3 deviendra au fil du temps une icône de l’histoire automobile tout comme l’est devenue la Citroën DS lorsqu’on constate la popularité sans cesse croissante de cette voiture un peu partout à travers le monde. Après l’Amérique du Nord et l’Europe, c’est maintenant au tour de la Chine de connaître sa “Model 3 mania”.
2019 : le Cybertruck
Pour bien nous faire comprendre que la fin de la décennie 2010-2019 ne marquera la fin de l’audace chez Tesla, Elon Musk a présenté en novembre dernier son concept de camionnette… à la sauce Tesla: Le Cybertruck. Sortant encore plus des sentiers battus, il a littéralement sonné le monde de l’automobile avec un camion qui semble tout droit sorti d’un film de science-fiction.
Révolutionnaire, iconoclaste, indécent, laid, étrangement beau, bizarre, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce véhicule hors norme, mais une chose est certaine, il ne passera jamais inaperçu et il risque, une fois de plus, de bousculer le monde très conservateur des camionnettes Ford, Chevrolet et RAM.
Et il était temps.
Les autres
Durant cette décennie, d’autres constructeurs automobiles ont offert des véhicules partiellement et entièrement électriques particulièrement intéressants et qui ont contribué de manière positive à l’électrification des transports: Les Chevrolet Volt et Bolt, les Hyundai Ioniq et Kona, les Kia Soul et Niro, la Nissan Leaf, la BMW i3, la Honda Clarity PHEV, la Mitsubishi Outlander PHEV, la Toyota Prius Prime et plus récemment les Jaguar I-Pace et Porsche Taycan.
N’eut été de tous ces modèles offerts par tous ces constructeurs, jamais nous n’aurions connu un tel essor des ventes de véhicules électriques et une démocratisation croissante de ceux-ci vis-à-vis le grand public. Tesla n’aurait jamais pu accomplir cela seul. Mais la réalité est que n’eut été d’Elon Musk et de Tesla, il y a fort à parier que la planète électrique n’aurait jamais avancé de manière aussi résolue des points de vue technologique et symbolique. Je me permets donc d’affirmer que la décennie de 2010-2019 a été celle d’Elon Musk et de Tesla. En effet, n’eut été de cette entreprise, plusieurs grands constructeurs n’auraient jamais pris ce virage. D’ailleurs, nous le voyons encore aujourd’hui, certains d’entre eux ne le font toujours pas dans l’enthousiasme. Ils le font à cause des nouvelles règlementations environnementales… et de Tesla.
J’ai donc très hâte de voir ce que nous réserve la décennie 2020-2029 qui sera à mon humble avis la décennie de l’adoption de masse des véhicules électriques.
À commencer par l’arrivée prochaine du Semi et de la Model Y qui sera, selon Elon Musk, plus populaire que les Model S, X et 3 réunies.
Et je n’ai même pas parlé de son extraordinaire réseau de Superchargers, des Gigafactories, de Space X, des Power Walls ou de la Boring Company !
Cette décennie sera certainement passionnante et je suis persuadé que M. Musk et Tesla n’ont pas fini de nous surprendre.
1: https://www.ledevoir.com/economie/294826/des-resultats-stupefiants-la-toyota-prius-rechargeable-1-8-litre-au-100-kilometres-ou-157-milles-au-gallon