Voitures électriques

Acheter un VÉ, un geste vert ou pas ? 3. Les véhicules autonomes = beaucoup moins de véhicules

Les véhicules routiers auront beau tous être électriques, ça ne règle pas les problèmes de la congestion routière et des stationnements en ville. Par ailleurs, d’ici 2050 l’humanité devrait avoir atteint une population de 10 milliards d’individus sur la Terre, qui voudrons, eux aussi, une part de notre confort pour les transports, entre autres. On se doit donc de changer de paradigme, car on va épuiser toutes les ressources de la planète, très rapidement, et la polluer à outrance encore plus, pour extraire les ressources nécessaires et fabriquer les nombreux véhicules nécessaires, si on continue « business as usual ».
En plus de mettre en place une économie circulaire, on va devoir diminuer de beaucoup le nombre de véhicules par 1 000 habitants. En réalité, le problème relève du fait que nos voitures ne déplacent que 1,2 passagers chacune, en moyenne, alors qu’elles ont presque toutes 5 places. Un article publié dans La Presse, le 20 juin 2018, et signé par Jérôme Laviolette et al. affichait un titre percutant : « Congestion routière 25 millions de sièges vides à combler ». Voici le premier paragraphe de cet article :
« Chaque jour de la semaine dans les grandes villes du Québec, les Québécois transportent avec eux 25 millions de sièges vides dans leur voiture, dont 14,8 millions dans la région de Montréal. Les problèmes de congestion qui s’aggravent sont causés par une vérité qui dérange : nos routes sont saturées de voitures vides. »
Que dire de plus, sinon qu’il est plus que temps d’agir pour remédier à ce gaspillage de ressources, au lieu de multiplier les routes et autoroutes. La solution est simple, le covoiturage. Il faut que nos gouvernements mettent en place des incitatifs pour le favoriser. Le Parti Québécois suggérait une excellente initiative pour cela, aux dernières élections. La technologie est en place pour gérer tout ça, les applications mobiles et la géolocalisation permettent déjà des services comme ceux d’Uber, il ne manque qu’un pas de plus pour faciliter le covoiturage à grande échelle, entre les citoyens qui se déplacent pour leur travail ou leurs études. Il en résulterait des économies importantes pour les utilisateurs et un bienfait pour l’environnement.
À plus long terme, d’ici 5 à 10 ans, ce sont les véhicules autonomes, sans conducteur et mus grâce à l’intelligence artificielle, qui vont révolutionner nos transports. Ils vont nous offrir des services à la demande, porte à porte, avec ou sans covoiturage, à un prix bien moindre que celui de la possession d’un véhicule personnel. Les tarifs seront moins chers en covoiturage, bien sûr. Fini les problèmes de stationnement et les visites aux ateliers d’entretien et réparation, beaucoup moins d’accidents, pas besoin de permis de conduire et choix du type de véhicule selon les besoins ou le budget (VUS, petite voiture urbaine ou microbus). Le nombre de véhicules personnels pourrait bien être réduit d’un facteur trois dans nos villes, à terme! Trop beau pour être vrai ou très loin dans le temps pensez-vous? Attachez vos ceintures, on va plonger dans un futur proche ou la réalité dépasse la fiction.
 
Des technologies qui évoluent très vite
Lorsque Google a commencé ses expériences sur les voitures autonomes en 2009, très peu de gens avaient entendu parler de véhicules sans conducteur, sinon dans les romans ou les films de science-fiction. Mais, voilà qu’en quelques mois, d’octobre 2016 à avril 2017, on assiste à des investissements de 65 milliards $ dans l’industrie automobile pour le développement des véhicules autonomes (VA), selon « The Brookings Institution », et ça continue. Les sommes cumulatives investies dépassent certainement 100 milliards aujourd’hui. Rappelons que le projet Apollo, pour l’exploration de la Lune par des astronautes, a couté 107 milliards $, en considérant la valeur de 2016 de la monnaie. Mais, tout le monde connaissait le programme initié par le président Kennedy pour envoyer des hommes sur la Lune, alors que très peu de gens encore réalisent l’imminence des véhicules autonomes! Pourquoi?
 

 
Il faut dire que les investissements sont faits sur une multitude de projets simultanément, un peu partout. Mais, une autre raison est vraisemblablement que les gens ne croient pas que la technologie ait évolué aussi vite. Alors, commençons par faire un survol des technologies requises pour que ça fonctionne.
Les principaux capteurs qui donnent la « vue » aux véhicules sont les caméras, les radars, les sonars et les lidars. Ces deux derniers sont l’équivalent du radar, mais utilisent respectivement les ultrasons et les lasers (lumière infrarouge, invisible), au lieu des ondes radio. Les caméras (il y en a 8 dans les voitures Tesla) identifient les lignes blanches sur la route, lisent les panneaux de circulation et identifient la couleur des feux de circulation. Elles détectent bien sûr les véhicules, les gens et les obstacles. Elles sont assistées dans leur tâche par une panoplie de sonars et/ou radars tout autour du véhicule qui observent constamment, à 360 degrés, l’environnement immédiat pour détecter la position et la distance des obstacles matériels et des gens ou animaux, même lorsque la visibilité est très réduite. Ce sont eux, principalement, qui aident au stationnement automatique ou actionnent les freins lorsqu’un enfant sort brusquement dans la rue.
 

 
Ce que font les lidars relève de Star Treck. C’est généralement une petite tourelle (ou plusieurs) avec un dôme, placée(s) au sommet des véhicules autonomes qui les utilisent. Ce dispositif comporte jusqu’à 64 lasers qui envoient des impulsions lumineuses très brèves pour balayer la scène autour du véhicule, grâce à un miroir rotatif. Le nombre d’impulsions est d’environ un million par sec, présentement, pour l’ensemble des lasers. Le résultat est une carte 3D des rues (maisons, arbres, bornes fontaines, chaines de trottoir, poteaux…,) dans lesquelles passe le véhicule autonome. L’ordinateur calcule simplement le temps que prennent les impulsions réfléchies sur les objets à revenir aux détecteurs lumineux, également situés dans le dôme du lidar, la vitesse de la lumière étant connue.
 

 
En fait, l’utilisation du lidar dans son mode principal présuppose que des véhicules ont déjà cartographié en 3D (avec des lidars) toutes les rues d’une ville. Le véhicule autonome qui circule par après, sait, grâce à son GPS, dans quelle région de la ville il se trouve, à 10 m près. L’ordinateur de bord du VA compare alors la carte qu’il vient de faire de la rue à celles qui sont dans la banque de donnée près d’où il est, et ajuste les cartes de manière à ce qu’elles se superposent. Il détermine ainsi la position du véhicule à quelques centimètres près, et effectue les corrections de trajectoire requises. Les lidars peuvent également détecter les véhicules, les piétons, les cyclistes et les animaux, ou tout obstacle, cela va de soi.
Mais, en 2012, un lidar performant valait 70 000 $ et le véhicule en a besoin de deux, au cas où l’un tombe en panne. Il était donc impensable d’intégrer ces capteurs dans un véhicule commercial, à un prix raisonnable. Tesla a donc décidé de s’en passer et de mettre l’accent, pour son Autopilot (2014), sur les caméras. Après tout, l’humain n’a pas de lidar et utilise ses yeux (caméras). Toutefois, pour faire ça, le conducteur a besoin de beaucoup de puissance cérébrale, ce qui se traduit par des processeurs TRÈS puissants pour l’ordinateur de bord d’un VA. Présentement, l’ordinateur de bord des voitures Tesla peut analyser environ 200 images par secondes, mais Elon Musk, le président, vient d’annoncer que la compagnie a développé un processeur dédié aux algorithmes d’intelligence artificielle mis au point par eux, et qui va analyser 10 fois plus d’images par secondes (2 000 images/sec). Et le nouvel ordinateur de bord sera disponible dans six mois! C’est inoui!
Pour bien montrer la rapidité d’évolution de la technologie, dans mes cours je parle de l’ordinateur le plus puissant de la planète, ASCI RED, en 2000 : 1 000 milliards d’opérations par seconde, une grande maison pour le contenir, 46 million $ (67 M$ aujourd’hui) et 850 000 Watt pour le faire fonctionner. Et juste après, je leur montre le nouveau iPad Pro, lancé le 30 octobre 2018, et ses performances stupéfiantes. En effet, dans la vidéo YouTube « October Event 2018 – Apple » (à partir de 46 min 30 sec du début), on y apprend que cette super tablette numérique, qui tient dans la main, peut réaliser 5 000 milliards d’opérations par seconde (5 fois plus que ASCI RED), coûte moins de 1 000 $ et ne consomme que 12 Watt! Pour y arriver, Apple utilise la technologie 7 nm, c’est-à-dire que les « fils » dans les circuits intégrés sont de l’ordre de 100 atomes de large, soit 1/10 000 de l’épaisseur d’un cheveu!
 

 
Et, pour les lidars, l’évolution de la technologie va vite également. Les deux grands défis sont de réduire le coût à quelques centaines de dollars et d’augmenter la portée au-delà de 200 m, même pour des objets peu réfléchissants, afin d’avoir un temps suffisant pour réagir s’il fallait freiner brusquement à 120 km/h.  Pour les objets qui ne réfléchissent que 10 %, la portée des lidars classiques se situe à environ 40 m présentement, limitant la vitesse pour une conduite autonome sécuritaire, en toutes conditions.
La réduction des coûts passe par les technologies lidar dites à état-solide, utilisant des composants fabriqués sur des puces électroniques (matrices de micro-miroirs ou des matrices de lasers à modulation de phase) au lieu de miroirs mécaniques rotatifs, assemblés à la main, chers et plus fragiles.
L’augmentation de la portée au-delà de 200 m fait appel à des lasers ayant une plus grande longueur d’onde (1 550 nm), sans danger pour les yeux, ce qui autorise de plus grandes puissances. La plupart des lasers utilisés jusqu’à présent et leurs détecteurs, moins chers, fonctionnent à une longueur d’onde de 905 nm. Un excellent article qui fait le point sur les lidars appliqués aux véhicules autonomes a été publié dans la revue Optics & Photonics News du mois de janvier 2018.
Les nouvelles compagnies de lidar à surveiller sont : Strobe Inc, qui a été achetée par GM en 2017; Luminar, qui travaille avec Toyota et Volvo; Leddar Tech, une compagnie québécoise qui s’est associée, entre autres, à Aptiv (anciennement Delphi), un gros fabricant d’équipement automobile bien connu; Quanergy, qui annonce des lidars à état solide à 250 $ si commandés en grandes quantités. Toutefois, cette dernière compagnie semble en difficulté, selon Bloomberg.  Strobe, Luminar et Leddar Tech ont déjà des lidars fonctionnant à plus de 200 m, et Strobe de même que Leddar Tech ont une technologie à état solide, compatible avec un coût inférieur à quelques centaines de dollars, en production de masse.
Tous ces développements technologiques impressionnants se passent derrière la scène, sans que le grand publique s’en rende compte. Mais, c’est une réalité et les véhicules autonomes s’en viennent, comme on va le voir ci-après.
 
Waymo, GM, Tesla, Uber, Navya, Zoox et les autres
Le pionnier des véhicules autonomes modernes est incontestablement Google qui a fondé une compagnie sœur, Waymo, en 2016, pour s’occuper des VA. Les deux compagnies sont chapeautées par Alphabet. En octobre 2018, les VA de Waymo (incluant ceux de Google antérieurement) avaient parcouru 16 millions km sur les routes, et augmentent leur kilométrage de 1 000 000 km par mois. De plus, Waymo offre déjà un service de robots-taxis dans la ville de Chandler, près de Phoenix, avec une centaine de Chrysler Pacifica hybrides rechargeables autonomes.
 

 
Par ailleurs, en 2018, la compagnie a commandé 62 000 Chrysler Pacifica pour les équiper de leur système de conduite autonome et 20 000 Jaguar I-Pace tout électrique pour faire de même! Ces véhicules vont être déployés dans les prochaines années, dans plusieurs villes.
Parmi les gros fabricants d’automobiles, c’est GM qui semble avoir pris la pole position. Ils ont d’abord acheté la compagnie Cruise Automation, en 2016, pour plus de 1 milliard $. Cette nouvelle compagnie se spécialise dans les systèmes de conduite autonome (senseurs et logiciel). Ensemble, ils ont développé une voiture autonome électrique de série, basée sur la Chevy Bolt EV, la Cruise AV (photo ci-dessous).
 

 
GM a également acheté la jeune compagnie Strobe inc, en 2017, une pionnière dans le développement des nouveaux lidars à état-solide, dont nous avons parlé plus haut. Enfin, après avoir testé une flotte de 180 voitures autonomes dans trois États (Californie, Nevada et Michigan) GM a annoncé son intention d’offrir son propre service de covoiturage à la demande sans conducteur, en 2019. Dès que les législateurs vont l’avoir approuvé, GM-Cruise veut utiliser une version sans volant ni pédales de la Cruise AV (ci-dessous), ajoutant un siège passager de plus.
 

 
Pour le modus operandi d’une flotte de robots-taxis, un bouton a bord permettra d’avoir accès à un humain au centre de contrôle, qui peut prendre en charge la conduite du véhicule à distance, advenant une situation ambiguë pour le pilote automatique, comme un chantier de construction sur la route. Mais, normalement, c’est le pilote automatique, lui-même, qui devrait relayer la conduite au centre de contrôle. Chaque conducteur à distance sera attitré à la surveillance de plusieurs véhicules autonomes. La nouvelle compagnie Phantom Auto, qui voit cette opportunité s’en venir rapidement, développe cette technologie. CNBC a fait un reportage vidéo sur eux, le 5 juin 2018.
 

 
Toujours en relation avec le modus operandi des VA, si un client oublie de fermer sa portière, le VA peut le faire lui-même.
Waymo et GM sont définitivement en tête du peloton des robots-taxis. Waymo a plus d’expérience avec la conduite autonome, mais GM a l’énorme avantage de fabriquer ses véhicules et son système de conduite autonome.
Cependant, il y a d’autres joueurs également. Tesla a l’intention de lancer son Tesla Network vers la fin 2019 (disons 2020), après avoir incorporé dans ses véhicules le futur ordinateur de bord 10 fois plus puissant, dont je vous ai parlé plus haut. L’idée serait qu’un propriétaire d’un véhicule Tesla, convenablement équipé, pourrait le faire travailler aux périodes où il n’en aura pas besoin, à faire du robot-taxi, ce qui lui rapportera un revenu. C’est un centre de contrôle Tesla qui gèrerait tout ça pour le propriétaire du véhicule. Ce dernier choisirait préalablement le profil de client qui lui convient.
Tesla a une carte dans sa manche que les autres n’ont pas. Il y a déjà plus de 150 000 véhicules sur les routes qui sont munis de son Autopilot, et ont déjà accumulé 2 milliards km avec ce système en opération. Mais, attention, lorsque l’Autopilot n’est pas actionné, il fonctionne en mode « shadow », collecte de l’information quand même et apprend presque autant. En fait, la stratégie de Tesla est géniale puisqu’ils ont plus de 150 000 chauffeurs non payés qui « travaillent » à améliorer le système, ce que les autres n’ont pas. Regardez l’Autopilot conduire une Model S dans cette vidéo YouTube, qui date de novembre 2016, et imaginez ce que ce sera avec le prochain ordinateur 10 fois plus puissant, en 2019!
 

 
La compagnie Uber, que vous connaissez bien, offre un service de transport à la demande, connecté, via des citoyens qui utilisent leur propre véhicule et agissent comme chauffeur. Ils ont beaucoup fait parler d’eux par leur non-respect des législations en vigueur concernant l’industrie du taxi. C’est sûr que pour eux, avoir des robots-taxis sans conducteur pourrait augmenter significativement leurs revenus, puisqu’ils n’auraient plus à payer de chauffeurs.
Ils ont donc sauté rapidement dans de développement et l’expérimentation de véhicules autonomes, en partenariat avec Volvo.  En 2016, ils ont commencé à déployer 20 Ford Fusion et 100 VUS XC90 hybrides rechargeables de Volvo, équipés avec leur système de conduite autonome. À l’automne, déjà Uber offrait à Pittsburgh leur service de transport avec quelques VA, incluant un copilote humain derrière le volant, prêt à intervenir s’il y a lieu.
 

 
Mais, les choses allaient se compliquer pour eux, lorsque Uber a acheté la compagnie Otto (camions autonomes), fondée par un ex-employé de Google, spécialiste de la conduite automatisée. Ce dernier avait copié des milliers de fichiers techniques avant de partir de Google. Waymo, qui a pris la suite de Google, s’en est rendu compte et a intenté une poursuite judiciaire contre Uber, en février 2017, pour vol de propriété intellectuelle. Une entente hors cours a finalement été conclue au début 2018 dans laquelle Uber paye 245 millions $ à Waymo.
Toutefois, les déboires d’Uber n’allaient pas s’arrêter là. Le 18 mars 2018, un de leur VA, avec conducteur derrière le volant, tue un piéton qui traversait la route à la noirceur, en dehors des passages dédiés. Le véhicule était en mode de conduite autonome, à une bonne vitesse, et son système de frein d’urgence était désactivé, semble-t’il parce que le véhicule était en « mode ordinateur », selon les résultats de l’enquête du National Transportation Safety Board (NTSB). Une erreur fatale de protocole. Tous les tests sur route des VA de Uber ont été stoppés, pour un temps indéterminé.
Cet accident très fâcheux démontre clairement à tout le monde qu’on ne peut tourner les coins ronds pour donner un permis de conduire à l’intelligence artificielle (IA), et qu’il ne faut pas sauter d’étapes. Il faut entrainer l’IA des ordinateurs de bord à pratiquement toutes les conditions dangereuses qui peuvent survenir, même si elle ne se produisent que très rarement. Pour ce faire, il faut utiliser intensivement des simulateurs qui peuvent introduire des situations périlleuses, ce qu’on ne peut faire sur les routes.
Le simulateur de NVIDIA Drive Constellation offre un environnement d’entrainement de qualité photo, pour les VA, et permet d’entrainer l’IA sur des milliards de km dans des situations extrêmes d’éclairage (nuit nuageuse sans lune, soleil à l’horizon), de visibilité (orage, brouillard, neige) et de comportements dangereux des autres véhicules, piétons ou animaux.
 

 
Une autre compagnie, Navya, mérite notre intérêt. Cette société française a mis deux VA sur les routes, un minibus de 15 passagers, l’Autonom shuttle et un taxi de 6 passagers, l’Autonom cab. Aucun de ces deux véhicules n’a de volant ou de pédales. Pour le moment, en raison des législations qui ne sont pas encore prêtes pour autoriser ces véhicules, sauf en projets pilotes dans certaines villes, le marché visé est les sites fermés, comme un campus universitaire, un centre industriel, un aéroport, un centre de divertissement ou de villégiature. La vitesse est faible, on parle pour le moment de 50 km/h pour l’Autonom cab et 25 km/h pour l’Autonom shuttle. Mais, au fur et à mesure que l’IA de ces véhicules Navya va apprendre et que les capteurs vont s’améliorer, la vitesse va croitre graduellement.
Lorsqu’on parle de VA, les gens se disent : mais je n’ai pas toujours envie d’être avec un étranger dans un robot-taxi, parfois j’aime être seul. Ou encore si on envoie ses enfants chez leurs grands-parents, on ne veut aucun étranger avec eux dans le véhicule. Alors, soit, il suffit de choisir le type de course qu’on désire. L’application de Navya donne trois options : privé, partagé ou minibus.
 

 
Et ZOOX, ça vous dit quelque chose? Fondée en 2015, maintenant plus de 500 employés, 800 millions $ des investisseurs… Regardez le reportage de Bloomberg Business Week sur YouTube. Rien de tel que du sang neuf pour challenger les séniors!
En fait, à peu près tous les grands fabricants automobiles et les compagnies de covoiturage connecté, à la demande, investissent massivement dans les VA, comme en fait état un article de Bloomberg, daté du 7 mai 2018, et intitulé « Who’s Winning the Self-Driving Car Race ».
Par ailleurs, Didi Chuxing, le Uber chinois, a annoncé qu’elle aura des robot-taxis en 2019. Il est bon de savoir que ce géant chinois a 550 millions d’abonnés (plus que le nombre d’habitants en Amérique du Nord), 30 millions de chauffeurs et effectue 30 millions de courses par jour! Et, Apple a investi 1 milliard $ dans Didi Chuxing en 2016. C’est bien connu, maintenant, que Apple a des projets sur les véhicules autonomes, principalement au niveau des logiciels et de l’intelligence artificielle. Or l’investissement dans Didi Chuxing leur donne accès à d’énormes banques de données en relation avec le covoiturage connecté, à la demande.
 
Trois études prospectives pour l’horizon 2030-2035
La pénétration des véhicules autonomes se ferait plus lentement s’il n’y avait que des particuliers qui en achetaient, car la technologie coûte cher encore aujourd’hui. Sans compter que d’avoir un véhicule personnel avec un véritable mode autopilot c’est peut-être plus reposant pour le conducteur, mais ça ne change pas le nombre de véhicules dans nos villes. On aurait encore des problèmes d’embouteillage aux heures de pointe et les espaces de stationnement seraient toujours aussi envahissants dans nos rues.
La véritable révolution apparait lorsqu’on met en place des services de robots-taxis connectés et qu’on y ajoute le covoiturage, en option. C’est ce qu’on appelle dans la littérature anglophone du TaaS (Transport as a Service), où les gens vont acheter des km et non plus des véhicules personnels, parce que cela va leur coûter beaucoup moins cher et offrir un meilleur service (grosseur de véhicule selon ses besoins du moment, pas besoin de permis de conduire, pas de soucis de stationnement ni de visites aux ateliers mécaniques…). C’est là qu’on réduit de beaucoup le nombre de véhicules sur les routes, car le même véhicule va desservir un grand nombre de passagers dans une journée, en covoiturage ou pas.
Dans ce qui suit, je vais donner les résultats de trois études prospectives, concernant les véhicules autonomes offerts en services de robots-taxis.
 
L’ÉTUDE BCG
La première étude, faite par Boston Consulting Group, a pour titre « Self-Driving Vehicles, Robo-Taxis, and the Urban Mobility Revolution » et a été publiée en juillet 2016. Le scénario où on introduit les robots-taxis électriques en covoiturage est le plus prometteur. En faisant passer le nombre de passagers par véhicule de 1,2 en moyenne à 2, ils obtiennent une diminution du nombre de véhicules de 59 %, des espaces de stationnement de 54 % et des émissions de 85 %. La distribution modale par passager-kilomètre, pour ce scénario est donnée dans leur « Exhibit 15 » ci-dessous, où SDV signifie Self Driving Vehicle (véhicule autonome).
 

 
L’ÉTUDE RETHINKX
La deuxième étude est celle de RethinkX, une compagnie de consultation spécialisée dans les analyses et prédictions concernant les technologies de rupture. Leur étude « Rethinking Transportation 2020-2030 : The Disruption of Transportation and the Collapse of the ICE Vehicle and Oil Industries » a été publiée en mai 2017.
Les résultats sont plutôt optimistes, puisque la conclusion principale est que 10 ans après que les législateurs aient approuvé l’utilisation des véhicules autonomes sur toutes les routes des États-Unis, 95 % des passagers-km vont être accomplis via l’utilisation de robots-taxis (TaaS miles, dans la figure ci-dessous, tirée du rapport). Mais, attention, il ne va pas y avoir 95 % des véhicules qui vont être des robots-taxis, car ceux-ci vont transporter beaucoup plus de passagers que les véhicules personnels.

 
En plus des multiples avantages des VA, dont nous avons parlés, le principal argument pour une adoption aussi rapide des robots-taxis électriques, donné dans le rapport, est le coût du km bien inférieur à celui d’une voiture personnelle à essence. C’est d’ailleurs ce coût bien inférieur et la possibilité d’utiliser un robot-taxi sans permis de conduire qui fait augmenter le nombre de passagers-km sur la figure, rendant l’utilisation des automobiles accessible à plus de gens qui n’en avaient pas les moyens financiers.
Les raisons du moindre coût sont multiples. La principale est que les VA vont être utilisés 80 % du temps au lieu de seulement 5 %, comme les voitures personnelles. Et, dans le scénario central de RethinkX, les VA électriques ont une durée de vie de 800 000 km, soit environ 3 fois plus qu’une voiture personnelle. Même si cette dernière pouvait rouler 800 000 km, elle ne le ferait pas, dû au nombre limité des déplacements quotidiens des propriétaires, même en calculant une longévité de 15 ans. Alors, les frais fixes, comme le coût d’achat, les taxes et le financement sont divisés par trois pour les VA, lorsqu’on les calcule en ¢/km. Par ailleurs, pour un VA électrique le coût de l’énergie (électricité vs essence) est bien moindre, de même que les coûts d’entretien. Et finalement, le fait que les robots-taxis peuvent embarquer plusieurs clients simultanément, dont les trajets sont compatibles, réduit davantage le prix d’une course par passager.
Et, pour ceux qui pourraient mettre en doute la durée de vie de 800 000 km, je vous réfère à mon article précédent qui élabore sur la longévité des moteurs et batteries des véhicules Tesla. Sans compter qu’une compagnie comme GM qui veut offrir des services de robots-taxis va avoir tout intérêt à ce que ses VA puissent parcourir 1 000 000 km, ce qui n’est pas le cas présentement, puisqu’ils vendent des véhicules et non des km. Par ailleurs, le coût d’achat des VA, pour une compagnie comme GM, sera moindre que celui que paierait un individu. Un autre détail à considérer, c’est que les robots-taxis vont parcourir leur 800 000 km en 5 ans et n’auront pas de problèmes avec la rouille.
Ceci étant dit, regardons ce qu’anticipe l’étude de RethinkX concernant l’évolution du parc de véhicules des étatsuniens d’ici 2030 (figure ci-dessous).

Dans ce dernier graphique, les véhicules personnels sont en bleu et les robots-taxis en orange. En noir ce sont les véhicules personnels remisés, car leur coût d’opération va être plus élevé que d’utiliser un service de robots-taxis. Ces véhicules personnels qui ne sont plus sur les routes ne trouveront pas preneurs, selon le rapport, et les gens pourraient même avoir à payer pour s’en débarrasser.
Selon RethinkX un peu plus de 80 % des véhicules disparaitraient des villes ! Pour ceux qui se demandent comment 20 % des véhicules peuvent offrir le même service, n’oubliez pas que les robots-taxis vont être sur les routes jusqu’à 20 heures par jour et transporter plusieurs personnes en covoiturage. Sans compter qu’il va y avoir des microbus autonomes de 8, 10 ou 12 passagers.
Maintenant, concentrons-nous sur les réductions de coûts du km d’un robot-taxi électrique vs une voiture à essence personnelle, toujours selon RethinkX. Voici le graphique de leur rapport qui montre d’où proviennent les différentes réductions.
 

 
La terminologie « New IO ICE » dans le graphique signifie « New Individually Owned Internal Combustion Engine vehicle » soit une voiture à essence personnelle neuve. Et, comme nous l’avons vu, TaaS signifie « Transport as a Service » ou service de robots-taxis avec option de covoiturage, dans le présent article. Les montants sont en $/mile qu’on n’a qu’à diviser par 1,6 pour obtenir des $/km.
La réduction significative anticipée dans les coûts d’assurances est due au fait qu’on prévoit que les VA vont avoir 10 fois moins d’accidents qu’un conducteur humain. Premièrement, les VA ont une vision à 360 degrés en permanence, il n’y a pas d’alcool ni de drogue au volant, pas de textos au volant, pas d’excès de vitesse, pas de rage au volant, et pas de fatigue au volant. Tous ces facteurs humains comptent pour plus de 90 % des accidents, selon le rapport. Un autre point qui contribue à diminuer les coûts, les VA électriques vont être programmés pour avoir une éco-conduite exceptionnelle, ce qui diminue de façon significative la consommation d’énergie par km.
Au bout du compte, le coût/km anticipé pour les VA en service de robots-taxis, selon RthinkX, va être de 10 ¢/km au lieu de 41 ¢/km pour une voiture personnelle à essence. Mais, dans le graphique de RethinkX, on ne retouve pas les coûts de gestion de la flotte de robots-taxis, ni les profits de l’entreprise qui offre le service. Comme nous le verrons dans la troisième étude (plus bas), celle de RMI, lorsque la technologie est à maturité RMI ajoute 7¢/km pour la gestion et les profits, ce qui donnerait 17 ¢/km.
Et, si on veut être encore plus précis, il faut compter un transfert de la taxe sur les carburants aux véhicules électriques. Prenons un véhicule à essence qui consomme 8 L/100 km, en moyenne. Sachant que les taxes sur les carburants, au Québec, excluant la TPS et la TVQ, sont de 32 ¢/L, il en résulte une taxe de 2,6 ¢/km pour un véhicule moyen, disons 3 ¢/km. On aurait donc un coût effectif de 20 ¢/km pour un service de robots-taxis électriques, si on est seul dans le véhicule.
Certains pourront objecter qu’on devra changer la batterie au moins une fois. Soit, alors il faudra calculer 100 $/kWh, en 2025, pour une batterie disons de 80 kWh (500 km d’autonomie), ce qui donne 8 000 $. Mais, réparti sur 800 000 km, ça représente à peine 1¢/km. Disons qu’on la change 2 fois et rajoutons 2¢/km, pour un tarif total de 22 ¢/km. Lorsqu’il y a deux passagers, ce qui devrait être le cas en moyenne, le tarif revient alors à 11 ¢/km chacun.
Mais, à quatre dans le robot-taxi, comme ça serait le cas pour un voyage Montréal-Québec, le prix descend à 5,5 ¢/km, soit 13,75 $ pour un voyage Montréal-Québec (250 km) ! Et se déplacer de 5 km en ville coûterait seulement 55 ¢ chacun si on est deux ! Bien sûr, les tarifs seraient encore moindres en microbus autonome, possiblement seulement 10 $ pour un voyage Québec-Montréal.
Là, on comprend pourquoi très peu de gens vont acheter des véhicules personnels, et à quel point c’est un bouleversement énorme de paradigme pour les transports.
 
L’ÉTUDE RMI
La troisième et dernière étude que je vous présente est celle produite par le Rocky Mountain Institute (RMI) en 2016, et intitulée Peak Car OwnershipThe Market Opportunity of Electric Automated Mobility Services. Les résultats sont similaires à celle de RethinkX. Voici la figure du rapport RMI qui traite des coûts.

La colonne de gauche représente la répartition des coûts par mile des différentes contributions, pour un service de robots-taxis en 2017 et celle de droite en 2035. La ligne supérieure verte, étiquetée « Personal Sedan TCO », montre le coût total de propriété (TCO = Total Cost of Ownership) d’une voiture intermédiaire (berline) à essence, et la ligne grise pale, étiquetée « Personal Sedan OpEx », représente les coûts d’opération de la berline à essence. À remarquer qu’en 2035, ces coûts d’opération d’une berline à essence sont supérieurs à ceux d’un robot-taxi, surtout si on est deux à bord, auquel cas on divise le tarif du robot-taxi par deux.
La première constatation est qu’en 2035 le coût total pour une berline à essence est de 90 ¢/mile, soit 56 ¢/km, alors que le coût d’un service de robots-taxis est de 35 ¢/mile, correspondant à 22 ¢/km, incluant deux changements de batterie et de moteur. Cette fois, les coûts de gestion de la flotte et le profit du service de transport automatisé sont inclus. Il ne reste qu’à ajouter 3 ¢/km pour le transfert des taxes sur l’essence à l’électricité. On aurait donc au total un coût de 25 ¢/km, soit moins de la moitié du coût d’une berline à essence, en 2035. Si on est deux à bord du robot-taxi, c’est moins du quart du prix. La durée de vie considérée pour les robots-taxis électriques, dans le rapport RMI, est de 490 000 miles, soit 784 000 km. Par ailleurs, dans cette étude, on tient compte du coût de l’infrastructure de recharge (achat, installation et entretien), ce qui pourrait expliquer le prix plus élevé que dans l’étude Rethink.
Pour ce qui est de la pénétration du marché, RMI prévoit qu’en 2035 les ventes de véhicules légers neufs personnels, aux États-Unis, passeraient de 17 millions de véhicules par année aujourd’hui à 6,5 millions, une baisse de 62 %. Et, il se vendrait 6,5 millions de robots-taxis annuellement.

 
 En résumé, d’énormes changements à l’horizon
À la lueur des trois études que je vous ai présentées, il apparait qu’avec des robots-taxis on peut s’attendre à une diminution d’un facteur 3 du nombre de véhicules dans nos villes, à terme, disons d’ici 15 à 20 ans. Ces robots-taxis doivent être électriques pour pouvoir rouler 800 000 km et éliminer les émissions dans nos villes.
Cette réduction très importante va découler d’une réduction des coûts de transport d’un facteur 3 à 6 pour un véhicule léger, par rapport à la possession d’un tel véhicule. Les gens n’achèteront presque plus de véhicules personnels mais vont plutôt s’abonner à des services de robots-taxis, avec option de faire du covoiturage à un tarif deux fois moins cher.
En fait, les services de robots-taxis vont amalgamer le covoiturage, l’autopartage et le transport collectif en un seul service. Pour le transport collectif, je vois très bien des microbus de 8 à 12 passagers qui vont chercher les gens au plus à une centaine de mètres de leur résidence et les reconduisent aussi près de leur destination. On garderait les métros, trains de banlieue et tramways ou monorail, mais les autobus disparaîtraient, au profit des robots-taxis et microbus autonomes.
Il n’y aura plus de congestions routières, et avec les espaces de stationnement libérées on pourra avoir des trottoirs plus larges pour les piétons et plus de pistes cyclables urbaines, plus d’espaces verts
Sans compter que les familles vont économiser 5 000 $ net par année par voiture personnelle, tout en ayant la même qualité de transport. Voici une de mes diapos qui résume les principaux avantages des services de robots-taxis.
 

 
Et pour l’environnement c’est génial, car on utilise au maximum les ressources et l’énergie, au lieu de laisser nos voitures stationnées plus de 90 % du temps et d’être en auto solo plus de 80 % du temps, lorsqu’on conduit.
Toute une révolution!

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