J’en ai déjà parlé en 2000, en 2004, en 2007, en 2010, en 2011, en 2012, en 2014 et aujourd’hui je vais en reparler.
Encore une fois. Il parait qu’il faut beaucoup répéter pour que les gens intègrent certaines réalités.
Depuis près de 20 ans, j’explique à des citoyens que lorsqu’ils achètent un véhicule, ils ne doivent pas faire l’erreur de se fier au prix à la pompe le jour de leur achat. Que celui-ci peut et va presque immanquablement varier, augmentant et baissant parfois de 10, 20, 30 et parfois même 40 cents le litre.
Pourtant, lorsqu’il y a une baisse du prix du pétrole, c’est immanquable et prévisible comme le soleil qui se lève, la plupart des gens recommencent à s’acheter des véhicules plus gros, plus de VUS et d’autres camions légers de toutes sortes qui consomment plus.
Certains constructeurs, concessionnaires, chroniqueurs et consommateurs diront que ces véhicules consomment moins qu’avant. Vrai. Mais lorsqu’on passe d’une Honda Civic 2012 (7,8 L / 100 km) à une Honda CRV 2017 (9 L / 100 km) notre consommation a tout de même augmenté, même si la consommation de la CRV a diminué d’environ 10% par rapport à il y a 5 ans, n’est-ce pas?
Acheter… en pensant à court terme
Un concessionnaire Toyota me racontait l’an dernier qu’il avait observé le phénomène suivant :
- Lorsque le prix à la pompe monte brutalement d’environ 20 cents le litre ou plus, les gens entrent chez lui et s’intéressent à leurs véhicules écoénergétiques ou hybrides;
- Lorsque le prix à la pompe retombe quelques jours plus tard, les gens recommencent à s’intéresser à leurs VUS.
J’ai été témoin dans le passé de crises personnelles et budgétaires vécues par des consommateurs qui s’étaient achetés de gros véhicules énergivores. Ceux-ci se retrouvaient tout à coup littéralement étranglés par une hausse importante du prix du carburant et devaient se séparer de leur gros véhicule… après avoir assumé une perte importante pour s’en débarrasser.
2007 : Le ministre s’en mêle.
En juillet 2007, lorsque le prix du litre de pétrole a augmenté de 12 cents d’un coup, feu le ministre Claude Béchard a demandé des explications aux pétrolières.
Voici ce que disait cet article de Radio-Canada du 10 juillet 2007 :
« Le ministre québécois des Ressources naturelles, Claude Béchard, somme les compagnies pétrolières de justifier cette nouvelle hausse du prix de l’essence. Selon lui, les principaux indicateurs n’ont pas bougé et ne semblent pas justifier cette augmentation. Le ministre Béchard donne 24 heures aux compagnies pour expliquer leur décision par écrit. »1
10 ans plus tard, elles n’ont toujours pas daigné répondre.
2010 : plus de ventes de camions que de voitures
En 2010, alors que j’avais une chronique à la radio de Radio-Canada avec mon ami Jacques Duval à l’émission « L’après-midi porte conseil », j’avais averti les auditeurs qui s’étaient lancés à corps perdu dans l’achat de véhicules plus énergivores (On observait pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale des ventes de camions légers supérieures aux ventes de voitures en Amérique du Nord) que dans quelques mois voire une année ou deux max, une hausse brutale de prix du pétrole ferait en sorte que tout à coup les lignes ouvertes à la radio et à la télé ne dérougiraient pas à cause de l’indignation des gens face aux prix « exhorbitants » du pétrole, blâmant les pétrolières et les gouvernements.
Je leur aussi dit que lorsque cela arriverait (je n’ai pas dit si, mais lorsque), je dirais en onde : « Je vous l’avais bien dit. Pour ceux et celles qui se sont achetés de gros véhicules énergivores sans en avoir absolument besoin, vous ne ne pouvez plaider l’ignorance »
Eh bien, devinez quoi?
C’est exactement ce qui est arrivé en 2011.
Je ne suis alors pas gêné pour le dire en onde.
Le yoyo du prix à la pompe
Depuis 20 ans, le prix du baril est passé de :
- Moins de $20 le baril en 1995 à
- Environ $140 en 2008 à
- Un peu plus de $30 en 2009 à
- Environ $110 en 2013 à
- Moins de $50 en 2017
… Comment alors les consommateurs, les entreprises et les gouvernements peuvent-ils planifier à moyen et long terme?2 Les prix en yoyo, les manipulations et la spéculation rendent cela quasiment impossible.
J’ai eu beau expliquer cela il y a quelques semaines à peine à un parterre de gens d’affaires généralement plutôt avisés, une majorité d’entre eux semble avoir fait la sourde oreille comme si je proférais des élucubrations.
Les guerres pour du pétrole
J’ai acheté ma première voiture hybride il y a bientôt 18 ans pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons économiques et géopolitiques. J’en avais assez d’être à la merci des pétrolières. J’avais aussi compris dans les années 90 que les guerres pour le pétrole comme celles du Koweit, de l’Irak et tant d’autres conflits étaient néfastes voire pathogènes pour notre planète et ses habitants.
En 2016, Samir Saul, professeur d’histoire à l’Université de Montréal affirmait «Le pétrole, c’est l’essence de la guerre!».3
Il avait 100% raison.
Je me souviens ?
C’est pourquoi lorsque je vois pour une ixième fois les lignes ouvertes remplies de gens outrés par la hausse du prix du pétrole à la pompe… qui vont aller dans quelques semaines s’acheter un beau gros VUS car le prix du pétrole aura redescendu, je ne peux que me poser des questions sur l’amnésie collective des gens.
Quelques conseils… une fois de plus.
- Si vous avez ABSOLUMENT besoin d’un véhicule plus gros (genre VUS), je vous invite à aller vers un véhicule hybride ou hybride rechargeable. Il commence à y en avoir sur le marché et ils ne sont pas nécessairement beaucoup plus chers à l’achat.
- Si vous n’avez pas besoin d’un gros véhicule, mais avez besoin d’un véhicule, passez dès que possible à l’hybride, l’hybride rechargeable ou le tout électrique. Vous verrez, c’est souvent bien moins cher que vous ne le croyez et parfois même moins cher que le même format de véhicule à essence, comme je l’ai récemment démontré.4
- Et si vous n’avez pas besoin d’un véhicule, passez donc au transport collectif, au covoiturage ou à l’auto partage.
Pendant ce temps, ma blonde et moi roulons en voitures 100% électriques.
Donc, d’un point de vue personnel, le prix du pétrole, on s’en fout pas mal parce que le prix de l’électricité, lui, est bien moins cher ET prévisible pour des années à venir.
Mais du côté de la société…
Je ne sais pas trop si je dois en rire ou en pleurer.
1 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/360111/essence-prix-quebec
2 : http://www.journaldemontreal.com/2014/11/28/prix-du-petrole-fou-raide-1
3 : http://www.ledevoir.com/non-classe/459685/le-petrole-c-est-l-essence-de-la-guerre
4 : http://roulezelectrique.com/honda-civic-lx-vs-ford-focus-ev-m-le-vendeur-laquelle-coute-le-moins-cher/