BatterieÉlectrification des Transports

Les futurs véhicules à pile à combustible de Nissan avec production embarquée d’hydrogène à partir de bioéthanol

Récemment, la compagnie Nissan annonçait qu’elle travaillait à développer des véhicules électriques munis d’une pile à combustible à oxyde solide (PAC-OS) et d’un reformeur embarqué pour produire l’hydrogène à partir de bioéthanol (voir ici). Cette avenue offre l’énorme avantage de ne pas nécessiter une nouvelle infrastructure coûteuse et dangereuse (explosions) pour distribuer l’hydrogène, tout en permettant de faire le plein de bioéthanol en 5 minutes.

Dû au fait que le bioéthanol est produit à partir de matières organiques qui ont capté le CO2 de l’atmosphère, il est possible d’avoir un carburant qui n’émet que très peu de GES lorsqu’on considère le cycle de vie du carburant, si le procédé de fabrication du bioéthanol est approprié.L’objectif de Nissan est de pouvoir commercialiser un véhicule avec 600 km d’autonomie au début des années 2020.

Mais, la technologie des PAC-OS  (SOFC en anglais) comporte des défis importants que nous allons regarder de plus près.

1e défi : Produire du bioéthanol de façon durable

Dans le communiqué de presse de Nissan du14 juin 2016, la compagnie mentionne que le bioéthanol est déjà produit en Amérique à partir du maïs et de la canne à sucre. Or, pour ceux qui ont lu mon livre Rouler sans pétrole (Éditions MultiMondes, 2008), en particulier le chapitre sur les nouveaux carburants, vous savez que la production d’éthanol à partir du maïs n’a pas de sens au niveau environnemental et que la production à partir de canne à sucre à trop grande échelle entraine de la déforestation très préoccupante pour la biodiversité et les gaz à effet de serre.

Pour pallier cette problématique de la production durable du bioéthanol, la première chose à faire est de réduire de beaucoup la consommation requise par les véhicules. Il faudrait donc que ces derniers soient hybrides rechargeables, avec une autonomie sur la batterie de 80 à 100 km, afin de pouvoir parcourir plus de 90 % du kilométrage avec l’électricité des réseaux électriques. L’autre mesure importante serait de produire le bioéthanol à partir de résidus et de déchets, afin de réduire de beaucoup la culture de plantes énergétiques. Et enfin, de choisir des plantes énergétiques à haut rendement comme le miscanthus ou le panic érigé, qu’on peut faire pousser sur des terres dégradées impropres à la culture céréalière et maraîchère.

2e défi : Réduire les pertes dues à un fonctionnement à haute température

Les céramiques utilisées dans les PAC-OS ne conduisent les ions qu’à haute température, et en conséquence on doit faire fonctionner ce type de pile à combustible plus de 600°C. Mais si l’on n’utilise son véhicule que 2 heures par jour et qu’on veut pouvoir démarrer en tout temps, cela implique une très bonne isolation thermique et un chauffage quasi permanent de la PAC-OS, d’où une consommation électrique qui peut être plus importante que celle requise pour faire rouler le véhicule.

Il va donc falloir que Nissan puisse réduire la température de fonctionnement le plus possible, ce qui implique de trouver les oxydes métalliques appropriés.

3e défi : Réduire le poids et le volume de la PAC-OS

Pour donner une idée de l’état de l’art en ce qui concerne les PAC-OS, la UPM-570 au gaz naturel, commercialisée par Bloomenergy  a une puissance de 160 kW, un poids de 2270 kg et un volume de 6,8 m3 ( voir ici). Pour comprendre le fonctionnement des PAC-OS voir la petite vidéo de Bloomenergy.

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Maintenant, nous savons que le moteur à essence de la Chevrolet Volt a une puissance de 75 kW pour prolonger l’autonomie. Même en ne prenant que 40 kW (4 fois moins que la UPM-570 de Bloomenergy) ça nous donnerait en première approximation une PAC-OS avec un poids de 568 kg et un volume de 1,7 m3! C’est beaucoup trop lourd et volumineux pour une voiture.

Par ailleurs, selon un article de 2013 du MIT Technology Review les travaux de recherche effectués au Energy Research Center de l’Université du Maryland vont permettre de construire des PAC-OS plus performantes. La clé réside dans le développement de nouvelles céramiques fonctionnant à 650°C, contrairement à 900°C pour d’autres piles sur le marché. La nouvelle compagnie Redox Power Systems travaille présentement à commercialiser cette technologie. Sur leur site Internet (www.redoxenergy.com) on mentionne les caractéristiques anticipées pour leur PAC-OS  de 25 kW, soit un volume de 1 m3 et un poids de 450kg (photo ci-dessous).

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4e défi : Diminuer le prix

Selon un article de 2011 du magazine électronique Wired, les PAC-OS au gaz naturel commercialisées par Bloomenergy se vendraient autour 10$/Watt, soit 10 000$/kW, ce qui donnerait 400 000 $ pour une pile de 40 kW. C’est une technologie TRÈS chère, qui peut se rentabiliser seulement si on peut bénéficier de subventions du gouvernement et si on fait fonctionner les piles 24 heures par jour (production d’électricité pour de gros édifices) dans des régions où l’électricité se vend  cher.

Dans l’article plus récent du MIT Technology Review dont nous avons parlé plus haut, on mentionne que les PAC-OS à «basse température» développées à l’Université du Maryland permettent d’utiliser des matériaux moins coûteux, ce qui devrait se traduire par un coût de 1000 $/kW au lieu de 8000 $/kW pour la compétition. Une telle PAC-OS de 40 kW coûterait quand même 40 000 $. Mais la start-up Redox Power Systems, que nous avons mentionné, n’a pas encore de produit sur le marché.

Conclusion

En résumé, les piles à combustible à oxyde solide sont très chères, très lourdes et très volumineuses. De plus, il faut maintenir la pile à une température élevée (> 600°C) pour être capable de démarrer un véhicule rapidement en tout temps, ce qui pourrait consommer plus d’énergie que celle requise pour faire rouler le véhicule, si on ne l’utilise que deux heures par jour. Enfin, il y a le défi de produire du bioéthanol de façon durable, ce qui est faisable mais nécessite une volonté politique ferme pour encadrer la production, et pour n’en produire que des petites quantités. Il faudrait donc intégrer les PAC-OS dans des véhicules hybrides rechargeables, afin de diminuer de beaucoup la consommation de bioéthanol.

Il semble plutôt improbable que tous ces défis soient résolus en quelques années. Surtout qu’un prolongateur d’autonomie à essence ou bioessence coûte bien moins cher, est beaucoup plus compact et bien moins lourd, et n’a pas besoin d’être maintenu à haute température pour pouvoir démarrer en tout temps.

La balle est dans le camp de Nissan pour nous montrer qu’ils ont fait d’énormes progrès dont personne n’a pas entendu parler.


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