Électrification des TransportsPolitique

Les engagements des partis provinciaux en mobilité durable à l’élection 2018

À moins d’une semaine du scrutin, il est important d’avoir le portrait de ce que les différents partis politiques proposent en mobilité durable, sachant que les transports constituent la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec. Dans ce qui suit, les grandes lignes sont présentées.

Le Parti Libéral du Québec (PLQ)

Dans son document Transporter le Québec vers la modernité – Politique de mobilité durable 2030, le PLQ mentionne son objectif de réduction des GES pour 2030, soit 37,5 % sous le niveau de 1990. Un autre engagement, pour 2030 est de réduire l’auto solo au Québec de 20 %. Deux autres documents contiennent les détails des plans d’action : Propulser le Québec par l’électricité – Plan d’action en électrification des transports 2015 > 2020 et Transporter le Québec vers la modernité – Politique de mobilité durable 2030 – Plan d’action 2018-2023.

Il faut rendre à césar ce qui est à César, le PLQ mis en place une loi zéro émission au Québec, copiée sur celle de la Californie. Toutefois, la contrainte sur les fabricants automobiles est trop laxiste. En effet, en 2025 les fabricants vont devoir accumuler une moyenne de 22 % de crédits zéro émission pour les véhicules électriques (VÉ) légers qu’ils auront vendus dans l’année. Mais, comme il peut y avoir jusqu’à 4 crédits par véhicule, selon l’autonomie électrique, les 22 % de crédits se traduisent par 10 % à 12 % des véhicules vendus en 2025. Or, la Californie devrait atteindre 10 % des ventes d’ici la fin 2018. Et au Québec, les gens doivent encore attendre plusieurs mois avant d’avoir un véhicule électrique, ce qui démontre que l’offre est insuffisante.

Pour ce qui est des bornes de recharge rapide (BRCC), le PLQ a fait passer la loi 184, en juin dernier, qui autorise Hydro-Québec à financer les futures BRCC à même les revenus de vente d’électricité pour recharger les véhicules électriques. Cela enlève l’obligation de trouver des partenaires pour le financement, ce qui a écarté un frein majeur à la mise en place de l’infrastructure de recharge rapide du Circuit électrique. Toutefois, plusieurs intervenants, dont le présent auteur, ont fait valoir, en commission parlementaire, l’importance de prendre de l’avance sur les ventes de VÉ et ne pas attendre les revenus sur les recharges des nouveaux VÉ, pour installer de nouvelles BRCC. Car, si les ventes de VÉ ne sont pas au rendez-vous, les BRCC ne sont pas installées, un cercle vicieux. On devrait utiliser le Fonds Vert, au début, afin de bien couvrir le territoire et s’assurer qu’il n’y ait pas de files d’attente, ce qui décourage l’achat de VÉ. Par ailleurs, dans la loi 184, aucune mention n’est faite sur le nombre de BRCC qui seront installées dans les prochaines années, et en commission parlementaire, le ministre Moreau parlait de 250 VÉ par BRCC, ce qui est nettement insuffisant (voir mon article conjoint avec Daniel Breton). On n’aurait que 400 BRCC pour 100 000 VÉ. 

Concernant les rabais à l’achat des VÉ, Philippe Couillard a annoncé le 17 septembre dernier qu’il augmentait de 1 000 $ le rabais, le portant à 9 000 $ pour le maximum. Et il a assuré que son parti allait débloquer les fonds pour maintenir le programme jusqu’en 2020, soit jusqu’à 80 000 à 100 000 VÉ environ, au rythme actuel. Excellent!

En ce qui a trait aux transports collectifs, le parti libéral soutient le REM (Réseau Express Métropolitain) de la Caisse de Dépôt et de Placements du Québec (CDPQ). Mais, les critiques ont dénoncé le manque de transparence de la CDPQ concernant les études d’impact et d’achalandage, et la faible réduction des GES et des voitures en circulation qu’engendrerait le REM, pour le prix exorbitant qu’on annonce.

Par ailleurs, le PLQ a annoncé un engagement intéressant qui est de mettre les transports en commun gratuits pour les étudiants à temps plein et les aînés, et de simplifier l’utilisation pour les autres usagers, en introduisant un Passeport mobilité qui s’appliquerait à l’ensemble des services de transport durable du Québec (autobus, métro, trains, taxis, autopartage, vélopartage).

 


La Coalition Avenir Québec (CAQ)

La CAQ maintient l’engagement de réduire les GES de 37,5 % en 2030 par rapport à 1990.

Le site de la CAQ nous renseigne sur leurs idées générales en transport. On y trouve un engagement étonnant concernant le troisième lien entre Québec et Lévis. La CAQ propose la mise en chantier immédiate dès un premier mandat, sans même avoir en main les études d’impact. Ce troisième lien va nécessairement se traduire par une augmentation de la circulation automobile, pas réellement du transport durable.

Pour la région de Montréal, la CAQ a présenté un plan pour décongestionner la métropole et les banlieues, le 20 juin 2018, entrainant des investissements de 10 milliards $ d’ici 2030, dans le transport collectif et le réseau routier.

On y retrouve, entre autres, un appui au REM et des prolongements de 39 km proposés vers Chambly au Sud et à Laval, de même qu’un tramway à Longueuil et un à Montréal, le prolongement de la ligne bleue du Métro. On y propose également l’instauration d’incitatifs fiscaux en faveur du covoiturage intelligent, sans préciser. Plusieurs élargissements et prolongement d’autoroutes sont également proposés.

Concernant les VÉ, François Legault, en entrevue pour Radio-Canada, a répondu à la question s’il allait maintenir le rabais sur les véhicules électriques:

« Faut voir, il y a des spécialistes qui disent que cet argent-là pourrait être mieux investi»

Là, je ne peux faire autrement que de dire ATTENTION! S’il fallait qu’il remporte les élections et fasse comme le nouveau premier ministre de l’Ontario, qui a enlevé les rabais sur les VÉ, ça serait une catastrophe. Le Danemark a fait ça en 2015 et les ventes ont chuté dramatiquement.

 


Québec Solidaire (QS)

Dans son document Maintenant ou jamais – Plan de transition économique 300 000 emplois verts pour le Québec, Québec solidaire prône une réduction de GES de 48 % en 2030, par rapport au niveau de 1990.

C’est un objectif irréaliste, car, selon l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre, les GES dans les transports ont augmenté de 25% de 1990 à 2013. Or, si on veut appliquer la diminution de 48 % aux transports, Il faudrait ajouter ce 25% au 48%, ce qui signifie une réduction de 73% par rapport à aujourd’hui, en 12 ans. Sachant que les véhicules neufs achetés aujourd’hui seront encore sur la route en 2030, on réalise le non-sens. Sinon, il faudrait diminuer les GES de l’ordre de 60 % dans les autres secteurs, alors qu’on sait qu’une bonne partie des diminutions depuis 1990 est due aux fermetures d’usines (papetières, raffinerie Shell, usine de magnésium Magnola…).

Et si on veut réduire de 73 % les GES dans les transports, il faut savoir que dans le 40 % de GES dû au transport, la moitié, donc seulement 20 % provient des véhicules personnels. L’autre 20 % est relié aux camions, aux trains, aux bateaux, aux avions et aux véhicules hors route, et ces véhicules n’ont pas commencé à être électrifié. Or, après 8 ans de ventes de véhicules électriques personnels, on en est encore à moins de 1 % du parc de véhicules légers sur nos routes, et 2030 c’est dans 12 ans. Voici une des diapos de mon cours en formation continue sur l’électrification des transports à l’Université Laval, qui détaille notre consommation de pétrole en transport au Québec

QS prévoit d’énormes investissements dans les transports collectifs.

La première mesure de leur plan de transition est de réduire de moitié les tarifs des transports collectifs urbains, dès leur premier mandat, et d’instaurer la gratuité de ce mode de transport d’ici 10 ans.

Avec leur deuxième mesure, QS prévoit un grand chantier de construction de transports collectifs qui monopolisera 8 G$ de plus que le gouvernement actuel, dans un premier mandat (2018-2022), totalisant 20 G$ en 2030.

Un gouvernement QS nationaliserait les transports collectifs interurbains pour remettre du service dans certaines régions qui ont été abandonnées et augmenter la fréquence des services dans d’autres régions/villes. L’offre accrue donnerait « une solution de remplacement attrayante à l’automobile », selon eux.

Enfin, toujours sous la rubrique des transports collectifs QS s’engage à mettre un bureau d’études sur pied pour déterminer la technologie la mieux adaptée pour implanter un lien haute vitesse entre les capitales régionales du Québec.

Comme on dit, on ne peut être contre la vertu. Toutes ces mesures sont très intéressantes. C’est la facture salée qu’elles représentent qui risque de poser un problème.

Voyons ce qu’il en est pour les engagements de QS concernant les véhicules personnels. Deux engagements principaux ressortent.

Le premier concerne l’implantation d’un système Bonus-Malus, modulé en fonction du type de voiture, de la région, de la taille des ménages et de leurs revenus. Donc taxation importante des véhicules polluants pour donner des réductions aux véhicules électriques, sur une plus longue période. Génial!

Le deuxième engagement important concerne le retrait progressif des véhicules à combustion interne de la circulation. Et là, je vais citer un extrait de leur proposition 10 pour que vous puissiez comprendre le non-sens de ce qu’ils proposent :

« La vente de véhicules hybrides ou électriques sera obligatoire en 2030. Toute vente de véhicule à combustion interne pour usage personnel sera interdite en 2040, et ce type de véhicule sera retiré des routes en 2050. »

Selon ce texte, les fabricants n’ont aucune obligation de vendre des véhicules branchables avant 2040, car les véhicules hybrides ne sont pas branchables, comme une Prius ordinaire qu’on ne peut recharger sur le réseau électrique. La conjonction « ou » entre hybrides et électriques est fatale. C’est donc un recul inacceptable.

Concernant les bornes de recharge rapide, QS n’a aucune position, puisque dans la proposition 8 de leur document Maintenant ou jamais, tout ce qu’on peut lire est:

« Un programme de bornes de recharge publiques, géré par Hydro-Québec, permettra de rendre plus facile l’utilisation des véhicules électriques. »

Pour ce qui est des camions, en plus de mesures (non explicitées) pour améliorer la logistique et diminuer le nombre de camions via un transfert modal (bateaux, trains), QS prévoit, dans un premier mandat, lancer des appels de projet pour expérimenter des caténaires pour alimenter des camions lourds électriques sur les autoroutes, comme pour les trains électriques. Là, je mets un gros bémol. Car il y a beaucoup plus de camions qui circuleraient avec une caténaire de la sorte que de trains sur une voie électrifiée. Cela se traduirait par des bris fréquents des caténaires, surtout que l’entretien des pantographes des camions serait effectué par des centaines de compagnies privées à divers degrés. Sans compter les coûts d’installation et d’entretien en hiver. Mieux vaudrait opter pour des camions électriques à recharge ultra rapide, comme ce que prévoit faire Tesla, avec son Semi (autonomie de 800 km à pleine charge, avec recharge de 640 km en 30 minutes).

Pour diminuer le nombre de gros camions dans les villes, QS veut implanter des centres de consolidation à l’entrée des villes, avec des entrepôts collectifs. Les marchandises pourraient alors être livrées en ville par de petits camions électriques, ce qui serait éminemment une bonne chose.

 


Le Parti Québécois (PQ)

Le PQ a présenté, pour les élections, un document intitulé Lutter contre la crise climatique sérieusement, qui s’articule sur 7 piliers : la gouvernance, les transports, l’aménagement du territoire, les bâtiments, l’industrie, l’économie circulaire et les hydrocarbures. Nous nous concentrerons principalement sur la gouvernance et les transports.

Les premiers engagements présentés dans ce document concernent la gouvernance :

  • Confier au premier ministre le titre de responsable du développement durable et créer un ministère du Climat, de l’Environnement et de l’Énergie, en plus d’un comité interministériel sur le virage vert
  • Faire du premier budget du gouvernement du Parti Québécois celui du virage vert
  • Adapter une loi « antidéficit climatique »
  • Adopter une loi affirmant l’indépendance environnementale du Québec afin d’avoir le dernier mot sur tout projet sur le territoire québécois
  • Revoir les programmes et mettre de l’ordre dans la gouvernance du Fonds vert

Ce sont là toutes des mesures qui démontrent le sérieux et l’audace du PQ pour s’assurer que les projets se concrétisent et qu’il y ait de la cohérence entre les différents ministères, ce qui est essentiel. Le premier ministre responsable du développement durable c’est un signal très fort!

En ce qui concerne la mobilité proprement dite, le PQ veut réduire les GES dans le secteur des transports de 50 % d’ici 2030 par rapport à aujourd’hui, en déployant des moyens sans précédents. C’est un objectif qui va être très difficile à atteindre (voir mon commentaire pour Québec Solidaire).

Le grand projet en transport c’est ce que le PQ appelle « Le Grand Déblocage » qui se concrétise en deux volets : le volet 1 sur les transports collectifs et le volet 2 sur les transports alternatifs (covoiturage, autopartage, transport actif et télétravail). Le PQ veut canceller le REM et le remplacer par le volet 1 de ce projet, qu’ils estiment beaucoup plus performant pour enlever des voitures de la route et réduire les GES, tout en desservant plus de citoyens, de St-Jérôme à Saint Hyacinthe et du Suroit à Joliette.

Le but ultime du Grand Déblocage est de retirer 325 500 voitures à l’heure de pointe matinale dans le grand Montréal d’ici 2025, ce qui représente 25 % de voitures en moins dans les embouteillages, chaque matin, soit 191 fois l’effet du REM, selon le PQ. Le volet 1, à lui seul, enlèverait 133 000 voitures à l’heure de pointe, soit une réduction de 10 %. Le coût anticipé de ce volet est de 7,4 G$, soit un coût similaire au REM. Cela inclurait de nouveaux tramways et des voies réservées pour bus rapides, de même qu’un système de trains de banlieue amélioré.

Pour stimuler de façon importante le covoiturage, un gouvernement péquiste donnerait 8 $ par jour, la première année, et 6 $ par la suite, autant au passager qu’au conducteur, tout ça géré par une application intelligente. C’est 150 000 voitures en moins sur les routes du Québec, pour un coût anticipé de 313 M$ en 4 ans. De plus, les covoitureurs auront accès aux voies réservées, et à des stationnements seront réservés pour les conducteurs, dans les édifices publics et les pôles de transport collectif.

On sait que les voitures en autopartage remplacent 8 à 10 voitures personnelles, et réduisent les distances motorisées de leurs utilisateurs du tiers environ. Le PQ compte rembourser 100 $ par année de frais d’autopartage et quadrupler le nombre d’utilisateurs, ce qui enlèverait, selon eux, 100 000 véhicules sur les routes du Québec, à l’heure de pointe matinale, une mesure totalisant 41 M$ sur quatre ans.

Mais, la principale proposition du PQ c’est une nouvelle « loi zéro émission » avec plus de mordant, élargie au transport collectif et de marchandise. Les cibles de ventes de véhicules électriques ou hybrides rechargeables personnels sont très audacieuses :

  • 25 % d’ici 2025
  • 50 % d’ici 2030
  • 100 % d’ici 2035.

N’oublions pas qu’avec la loi zéro émission actuelle, ce sont des ventes de 10 % à 12 % de véhicules électriques rechargeables qui seront imposées aux fabricants, en 2025.

Par, ailleurs, dans un premier mandat, Le PQ veut installer 2 000 bornes de recharge rapide (le Circuit électrique en a 134 présentement). Très bien!

Autre objectif du PQ en électrification des transports : Atteindre 50 % de taxis rechargeables et 100 % de véhicules d’autopartage rechargeables d’ici 2025. Pour y arriver, un gouvernement péquiste ajouterait un rabais additionnel à l’achat, pouvant atteindre 8 000 $, jusqu’à la fin 2020. C’est une mesure particulièrement intéressante car les taxis sont les véhicules légers qui polluent le plus (beaucoup de kilométrage) et ils constituent une excellente promotion pour les véhicules électriques.

Dans les objectifs du PQ, il y a également d’atteindre 100 % de ventes d’autobus urbains et scolaires rechargeables d’ici 2030, et créer une application mobile permettant d’intégrer tous les titres de transport.

Et, mettre en œuvre ce qu’il faut pour arriver à 15 % de ventes de camions légers de marchandises rechargeables d’ici 2025. De plus, ils ont l’intention d’implanter des centres de consolidation autour des principaux centres urbains pour livrer les marchandises avec des camions de plus petite taille.

Concernant le monorail à grande vitesse, le PQ s’engage à commander la réalisation d’une étude préliminaire, suivie d’une étude de préfaisabilité en vue d’un banc d’essai.

 


Conclusion

Le programme du Parti Québécois me semble celui qui est le mieux articulé et présente le plus de mesures aptes à propulser énergétiquement l’électrification des transports, les transports collectifs et les transports alternatifs, à un prix raisonnable. On pourrait atteindre le statut de leader en Amérique pour les véhicules électriques, un titre qui nous revient, car le Québec est le seul à avoir les 4 As dans son jeu :

  • de l’électricité ultra propre
  • de l’électricité en abondance
  • de l’électricité bon marché
  • on aide notre économie en électrifiant nos véhicules.

En terminant, vous comprendrez que je n’ai mis que les grandes lignes des politiques, car les documents des différents partis totalisent quelques centaines de pages. Vous avez les liens pour ces documents et je vous encourage fortement à aller les consulter vous-mêmes.

Pierre Langlois, 23 septembre 2018

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