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Le gaz de schiste, une menace pour l’électrification des transports ?

Le gaz de schiste, une menace pour l'électrification des transports ?
Le gaz de schiste, une menace pour l’électrification des transports ?
Comme on dit, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Dans sa dernière infolettre, le physicien Pierre Langlois nous faisait part de son enthousiasme envers l’utilisation du soleil, de l’eau et du CO2 pour produire des biocarburants par biosynthèse. Mais aujourd’hui, ce qu’il a à nous dire n’est pas très encourageant.

Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre Langlois , Éco-Énergie à Montréal et Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Un gros merci à lui.
Un virage INQUIÉTANT: plusieurs compagnies de biocarburants 2G s’orientent vers la transformation du gaz naturel !!!
Bonjour à tous
Comme on dit, les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Dans mon dernier courriel sur la technologie de biocarburant 2g de la compagnie Joule, je vous faisais part de mon enthousiasme envers l’utilisation du soleil, de l’eau et du CO2 pour produire des biocarburants par biosynthèse. Mais aujourd’hui, ce que j’ai à vous dire n’est pas très reluisant.
La technologie Joule ne fonctionne bien que lorsqu’il y a beaucoup de soleil, et donc plus au Sud. Toutefois, d’autres technologies ont été développées pour produire des biocarburants de synthèse de 2ième génération, et qui ne nécessitent pas le Soleil dans le procédé de fabrication. Deux filières principales sont en développement présentement.
Tout d’abord l’éthanol cellulosique produit à partir de la fermentation de la cellulose (transformée en amidon), une fois celle-ci traitée par des enzymes appropriées. La matière principale est de la paille ou les tiges des plantes. Mais il faut optimiser les enzymes pour chaque source de biomasse. La compagnie canadienne Iogen utilise ce procédé.
Une deuxième avenue ne nécessitant pas le Soleil c’est la gazéification de la biomasse par la chaleur (pyrolyse) dans un environnement contrôlé (température, pression, quantité d’air) pour donner un gaz de synthèse, constitué de monoxyde de carbone (CO), de dioxyde de carbone (CO2) et d’hydrogène. Ensuite, à partir de ce gaz de synthèse, on produit des carburants liquides, comme l’éthanol ou de l’essence synthétique. Les procédés de transformation du gaz de synthèse en carburant liquide différent d’une compagnie à l’autre. Certaines compagnies utilisent la voie biologique en mettant au travail des microorganismes modifiés ou sélectionnés (par exemple la compagnie étatsunienne Coskata ), alors que d’autres compagnies y vont par réactions chimiques catalytiques (comme la compagnie québécoise Enerkem ). La grande flexibilité de la filière gazéification dans le choix des matières premières (paille, bois, vieux pneus, plastiques, déchets organiques, boues des usines d’épuration…) la rend particulièrement attrayante, en comparaison de l’éthanol cellulosique par fermentation de la biomasse.
Or depuis une année, les compagnies de biocarburants 2G par gazéification sont plutôt silencieuses et je suis allé voir d’un peu plus près ce qu’elles font et où elles en sont rendues. Malheureusement, ce que j’ai découvert n’est pas très joli.
Depuis un an environ, plusieurs compagnies se réorientent vers la production de carburants liquides à partir du gaz naturel, à partir duquel on peut également produire du gaz de synthèse. Ces compagnies nous disent que la nouvelle abondance et le bas prix actuel du gaz naturel rend l’opération plus rentable que de récupérer et acheter de la biomasse, en raison du boom des gaz de schistes. Elles nous disent également que c’est une étape transitoire qui va aider à rentabiliser les biocarburants 2G issus de la biomasse, qui demeurent toujours leur but ultime. Bref elles ne produiront plus de biocarburants, mais plutôt des carburants fossiles!!!
Deux compagnies bien connues ont annoncé leurs couleurs dans ce sens: Coskata et Primus Green Energy. Par ailleurs, Sundrop Fuels ajoute du gaz naturel en quantité importance à son gaz de synthèse (issu de biomasse) pour fabriquer de l’essence synthétique.
Alors là, avouez qu’on vient de s’en faire passer toute une! Des compagnies de biocarburants 2G qui vont produire des carburants fossiles!!! Et une fois qu’elles vont s’être lancé dans l’aventure du gaz naturel, elles ne s’arrêteront pas de si tôt, malgré leurs belles promesses d’étape transitoire vers la biomasse. On a vu ce que cela a donné avec les énergies vertes. L’utilisation «transitoire» du gaz naturel pour les centrales électriques a pratiquement écrasé l’industrie des énergies renouvelables, en faisant chuter les prix. On le voit bien avec les difficultés qu’a Hydro-Québec à vendre notre électricité à un prix raisonnable.
Le pire c’est que l’Energy Information Agency (EIA) des États-Unis vient d’annoncer que les nouvelles réserves récupérables de gaz de schiste vont faire presque doubler la production de gaz naturel chez nos voisins du Sud, d’ici 2040, selon la courbe qu’ils ont publiée dans la version préliminaire de leur document Annual Energy Outlook 2013. Voir
What is shale gas and why is it important?
Évolution extraction gaz de schiste
Alors si le gaz naturel est transformé en essence ou en carburant diesel, c’est comme si on venait de trouver une grande quantité de pétrole, qui risque de perpétuer le statu quo des carburants fossiles encore bien longtemps, car les prix pourront être maintenus à un niveau relativement bas. C’est une façon détournée de reculer le choc pétrolier, et de retarder l’électrification des transports!
Mais, ce n’est pas tout. On sait depuis les mesures des chercheurs du NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) en 2012 que les fuites de méthane dans les champs de gaz naturel sont bien plus importantes qu’on le pensait (de 4 % à 9 %, au lieu de 2 %), ce qui fait monter énormément les émissions de gaz à effet de serre (GES), car le méthane est 25 fois plus actif que le CO2 pour le réchauffement climatique, sur une période de 100 ans (72 fois plus sur une période de 20 ans!!!). Sans compter qu’il y a également des fuites de méthane dans le transport par gazoduc (en particulier aux stations de compression). Au bout du compte, le gaz naturel, sur son cycle de vie, émettrait plus de GES que le charbon et bien plus que le pétrole. Voir
Methane leaks erode green credentials of natural gas
Je crois que j’en ai assez dit pour que vous compreniez que je ne vous annonce pas aujourd’hui une bonne nouvelle. Et je n’ai même pas parlé de la pollution de nos nappes phréatiques et de tous les autres aspects néfastes des gaz de schistes…
Il ne reste qu’une solution, légiférer pour adopter une loi qui limite les GES par litre de carburant, en prenant en compte les cycles de vie, comme l’a fait la Californie avec son Low carbon fuel standard, qui vise à réduire de 10 % l’intensité des émissions de GES reliées aux carburants, de 2010 à 2020, en comptant les GES sur le cycle de vie (extraction, raffinerie, transport et combustion) et non seulement sur la combustion. Voir
Low Carbon Fuel Standard Program
Malgré cette mauvaise nouvelle, il ne faut surtout pas baisser les bras, mais redoubler d’ardeur pour décarboner nos transports!
Bien cordialement
Pierre Langlois, Ph.D., physicien
Consultant en mobilité durable,
Auteur et conférencier
Téléphone : 418-875-0380
Courriel: pierrel@coopcscf.com
Site Internet: www.planglois.com
Le physicien Pierre Langlois faisant le plein électrique d'une Chevrolet Volt
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Pour consulter les archives des infolettres de Pierre Langlois, cliquez ICI

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