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Émissions de CO2 : le Canada “score” très fort… dans son but

Devant l’immense quantité d’informations ET de désinformation qui circule sur le dossier des changements climatiques, je peux très bien comprendre que les gens soient véritablement mêlés. C’est pourquoi, en cette semaine du climat, je vais tenter de clarifier tout ça avec quelques définitions, chiffres et statistiques qui aideront à mieux comprendre ce à quoi nous faisons face.
Les changements climatiques

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) définit les changements climatiques comme des «changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables». La CCNUCC établit ainsi une distinction entre les changements climatiques attribuables aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat imputable à des causes naturelles. (1)
Ainsi, si au fil des millénaires des changements climatiques ont été causés par des phénomènes naturels, les changements climatiques actuels sont différents et beaucoup plus rapides car principalement causés par des activités humaines, dont la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) et la déforestation.
Or, le Canada fait figure de cancre de calibre mondial en ce qui a trait à ses émissions de GES et à la lutte aux changements climatiques.

Le Canada, champion… des émissions de GES.
Si tout citoyen d’un pays aime à voir celui-ci #1 de quelque chose (hockey, football, richesse, etc), le Canada est au sommet… des pays qui émettent le plus de GES.

  • Top 10 des GES

En 2017, le Canada était dans le top 10 des pays de la planète qui émettaient le plus de CO2, mais contrairement à ce tableau, les émissions de GES du Canada n’étaient pas de 572 Mt, mais de 716 Mt en 2017, ce qui place le Canada en 7e place plutôt qu’en 10e place.
 

 

  • #1 des émissions de GES par habitant du G20

Lorsqu’on regarde de plus près, on constate que le Canada est LE pays du G20 où les émissions de  GES par habitant sont les plus élevées (2), devançant ainsi des pays tels que la Corée du Sud, l’Allemagne, la Chine, la France, l’Arabie Saoudite… et les États-Unis.

  • #1 des véhicules les plus polluants au monde

Selon une analyse récente de l’Agence Internationale de l’Énergie, le Canada est aussi #1 quant aux émissions de CO2 par kilomètre des véhicules(3) parmi les principaux pays de la planète. C’est effectivement au Canada que l’on conduit les véhicules qui émettent le plus de CO2, devançant ainsi des pays tels que les Philippines, l’Australie, la Russie… et les États-Unis. Donc, l’argument voulant que ce soit dû au fait que le Canada est un pays vaste et froid est débouté par le fait qu’on “devance” la Russie, un pays tout aussi froid… et beaucoup plus vaste.
 

 
D’ailleurs, cet argument voulant qu’on demeure dans un vaste pays comme justification pour se déplacer en gros véhicule énergivore est totalement ridicule. Je ne sais pas pour vous, mais je ne connais personne qui se lève le matin à Montréal pour aller travailler à Moose Jaw ou à Vancouver!
Donc, si la population du Canada (37 millions d’habitants en 2018) ne représente qu’une faible proportion de la population mondiale (7,7 milliards d’habitants en 2018), son impact est totalement disproportionné.
Pourquoi les Canadiens “scorent” si fort?
Non, il n’est toujours pas question de hockey. Si les émissions de CO2 des Canadiens sont si élevées, c’est parce que notre économie est basée en trop grande partie sur l’extraction de ressources naturelles, dont les hydrocarbures.
Selon Environnement et Changements Climatiques Canada “Entre 1990 et 2017, les émissions ont augmenté de 18,9 % ou 114 Mt d’éq. CO2. La croissance des émissions du Canada durant cette période est principalement attribuable à l’augmentation des émissions provenant du secteur des mines, de l’exploitation pétrolière et gazière en amont ainsi que du secteur des transports.” (4) 
 

 
De 1990… à 2005
En décembre 2002, le gouvernement Libéral de Jean Chrétien ratifiait le protocole de Kyoto (5). Ce protocole établissait les bases de la lutte aux changements climatiques internationale. Le Canada s’était alors engagé à réduire ses émissions de GES de 6% en moyenne pour les 5 années comprises entre 2008 et 2012 comparativement à ses émissions de GES de 1990, année de référence internationale.
Or, l’arrivée du gouvernement Conservateur de Stephen Harper mettra fin à cet engagement. Il se retirera du protocole de Kyoto en 2011 (6), puis fixera en 2015 une nouvelle cible: -30% en 2030… par rapport aux émissions canadiennes de 2005.(7)
C’est ainsi que l’année de référence du Canada est passé, d’un coup de baguette magique, de 1990 à 2005, “oubliant” ainsi les émissions de GES entre les 2.
Comme les émissions de GES du Canada en 1990 étaient de 602 Mégatonnes d’éq. Co2 et que celles de 2005 étaient de 730 Mégatonnes, on a commodément “effacé” 128 Mégatonnes! (8)
Ironiquement, lorsque que Justin Trudeau était dans l’opposition, il dénonçait cette cible trop peu ambitieuse. Une fois au pouvoir, il l’a lui-même adopté en faisant comme si de rien n’était, revenant du coup sur l’engagement de son propre parti à utiliser 1990 comme année de référence dans la lutte aux changements climatiques. De nombreux pays de la planète, dont les pays de l’Union Européenne, utilisent toujours 1990 comme année de référence.(9)
C’est aussi l’année de référence du Québec… sauf que l’objectif de réduction des émissions du Québec est de -37,5% en 2030 par rapport à ses émissions de 1990.
Ainsi, le vrai objectif canadien n’est que de 15% de réduction de ses GES en 2030 par rapport à ses émissions de 1990… objectif qu’il ne pourra même pas atteindre comme le démontrent toutes les analyses. Comme l’écrivait Alexandre Shields du Devoir en 2018 dans un article intitulé GES, le retard du Canada s’accentue“S’il veut atteindre ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et respecter ses engagements en vertu de l’Accord de Paris, le Canada devra être encore plus ambitieux que ce que le gouvernement Trudeau prévoyait. Les plus récentes données déposées à l’ONU démontrent en effet que l’objectif fixé pour 2030 s’éloigne, notamment en raison de la croissance du secteur pétrolier et gazier.” (10)
D’ailleurs Patrick Bonin de Greenpeace réagissait alors ainsi à la publication d’un rapport du gouvernement canadien: “Malgré les beaux discours verts de Justin Trudeau, les données du gouvernement montrent que ses politiques énergétiques sont inadéquates et que le Canada s’éloigne du respect de ses engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris. La complicité du gouvernement Trudeau avec le secteur pétrolier et gazier met littéralement en péril l’atteinte de la cible qu’il s’est fixée pour 2030, alors que cette dernière n’est déjà pas assez ambitieuse par rapport à ce que devrait faire le Canada.”

Les 2 grands responsables: Les sables bitumineux et les transports
Voici quelques chiffres qui ont de quoi figer n’importe qui. Selon les chiffres officiels du gouvernement du Canada (11):

  • Entre 1990 et 2017, les émissions de GES de l’exploitation gazière et pétrolière du Canada ont augmenté de 84%.
  • Entre 1990 et 2017, les émissions de GES de l’exploitation des sables bitumineux ont augmenté de 423%. Je répète: 423% !

Selon le gouvernement canadien “Entre 1990 et 2017, la production de pétrole brut a plus que doublé au Canada. Cette hausse est principalement attribuable à une augmentation rapide de la production de pétrole à partir des sables bitumineux, laquelle est beaucoup plus intensive en GES que la production à partir de sources conventionnelles (ce qui signifie qu’il y a plus de GES émis par mètres cubes de pétrole produit). Par conséquent, ce changement a eu d’importantes répercussions sur les émissions totales de GES de ce secteur.”(12)
 

+ 423%… + 64%.
Croyez-le ou non, la situation est encore pire que ça. En effet, selon un rapport publié par des scientifiques du gouvernement canadien, les émissions de GES de l’exploitation des sables bitumineux sont sous-estimés… de 64%.  Selon cet article publié dans le Journal de Montréal en avril 2019 “Les résultats indiquent que les intensités d’émissions de CO2 pour [ces] installations de sables bitumineux sont […] plus importantes que celles estimées en utilisant les données accessibles publiquement», écrivent des experts principalement à l’emploi d’Environnement Canada dans une étude parue dans la publication scientifique «Nature Communications». Les émissions mesurées sont 64 % plus élevées que celles officiellement rapportées par l’industrie au gouvernement fédéral, conclut-on.
Les scientifiques ont analysé des échantillons d’air captés au-dessus de quatre importants sites d’exploitation de sables bitumineux à ciel ouvert situés dans le nord de l’Alberta. Cette méthode de calcul des émissions est différente de celle généralement employée.” (13) 
Plus 40%… d’ici 2030
Une fois cela dit et malgré toutes ces données plus que préoccupantes, la situation ne semble pas près de s’améliorer. Si le précédent gouvernement néodémocrate de l’Alberta visait une “limite” de 100 Mt de GES des sables bitumineux en 2030 par rapport à ses émissions de 2015 (ce qui représente une augmentation des émissions de GES des sables bitumineux de 40% en 2030 par rapport à 2015), le nouveau gouvernement conservateur de Jason Kenney n’en a fixé aucune. (14)
Or, le gouvernement fédéral sortant soutient cette augmentation de l’exploitation des sables bitumineux. Rappelons-nous les paroles célèbres de Justin Trudeau prononcées en 2017 devant un parterre de représentants de l’industrie pétrolière: “Aucun pays de trouverait 173 milliards de barils de pétrole dans le sol et les laisserait là” (15). 
Ça, c’est sans oublier l’achat d’un pipeline par le gouvernement sortant et la volonté de M. Scheer de relancer le projet de pipeline Énergie Est.
Tant qu’on ne s’attaquera pas aux sables bitumineux, les promesses de Justin Trudeau et Andrew Scheer n’auront aucune crédibilité car ni l’un ni l’autre ne sont prêt à confronter ce lobby.
Lorsqu’il est question de changements climatiques, le Canada “score” donc très fort… dans son propre but. À quelques heures de la marche pour le climat, espérons que les jeunes sauront secouer les élus, les entreprises et les citoyens de ce pays car on ne peut vraiment pas dire qu’on s’en va dans la bonne direction.
1: https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/08/WGI_AR5_glossary_FR.pdf
2: https://www.climate-transparency.org/wp-content/uploads/2018/11/Brown-to-Green-Report-2018_rev.pdf
3: https://www.iea.org/topics/transport/gfei/
4: https://www.canada.ca/content/dam/eccc/documents/pdf/cesindicators/ghg-emissions/2019/national-GHG-emissions-fr.pdf
5: https://ici.radio-canada.ca/nouvelles/dossiers/kyoto/kyoto2-page1.html
6: https://www.lapresse.ca/environnement/201112/12/01-4477179-le-canada-se-retire-du-protocole-de-kyoto.php
7: http://www.aqlpa.com/actualites/cible-canadienne-de-reduction-des-ges
8: https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/indicateurs-environnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html
9: https://ec.europa.eu/clima/citizens/eu_fr
10: https://www.ledevoir.com/societe/environnement/521132/ges-le-retard-du-canada-s-accentue
11: https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/indicateurs-environnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html
12: https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/indicateurs-environnementaux/emissions-gaz-effet-serre.html
13: https://www.journaldemontreal.com/2019/04/23/sables-bitumineux–des-emissions-de-co2-jugees-beaucoup-plus-importantes-1
14: https://www.nationalobserver.com/2019/05/01/news/trudeau-government-offers-kenney-oilsands-exemptions-if-he-protects-notleys-cap
15: https://www.cbc.ca/news/world/trudeau-no-country-would-find-173-billion-barrels-of-oil-in-the-ground-and-leave-them-there-1.4019321
 

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