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Véhicules à hydrogène : que penser des liquides organiques porteurs d’hydrogène, à température et pression ambiante?

Récemment, la compagnie allemande Hydrogenious Technologies vient de lancer son système de stockage d’hydrogène sous une forme liquide, à température et pression ambiante, sans fuite d’hydrogène pendant des mois. Est-ce que cette innovation va changer la donne pour les véhicules à hydrogène?

Présentement, l’hydrogène est distribué et/ou stocké de deux façons principales : sous forme hautement comprimée à 700 bars (près de 700 fois la pression atmosphérique) ou sous forme liquide à -253°C. L’hydrogène liquide prend moins de volume, mais les réservoirs cryogéniques qui le contiennent sont obligés d’avoir des évents pour laisser échapper les molécules d’hydrogène qui se sont réchauffées (l’isolation thermique n’est pas parfaite) sinon la pression monterait trop dans le réservoir.

Le système d’Hydrogenious fait appel à des liquides organiques porteurs dont on peut varier la saturation en hydrogène de façon réversible et stable, en hydrogénant ou en déshydrogénant le liquide porteur, qui reste liquide de -39 °C à 390 °C. L’hydrogénation se fait à des pressions de 30 à 50 bars en présence d’un catalyseur et dégage 10 kWh/kg H2 d’énergie thermique à une température de 150 °C. La beauté du système, c’est qu’on manipule et transporte l’hydrogène via un liquide stable qui peut être stocké pendant des mois à pression et température ambiantes, sans fuite d’hydrogène, et que ce liquide n’est pas explosif. En fait, il a des propriétés similaires au carburant diesel, ce qui permet d’utiliser les mêmes infrastructures.

La récupération de l’hydrogène à partir du liquide organique porteur se fait à la pression ambiante mais nécessite un apport d’énergie thermique de 10 kWh/kg H2 à une température de 300 °C. (Voir la vidéo YouTube ici.)

Pas de stockage à bord des véhicules pour le moment

Pour le moment, Hydrogenious ne prévoit pas installer leur système dans les véhicules proprement dits, mais plutôt aux stations-service pour faire le plein d’hydrogène. Des camions similaires aux camions actuels transportant les carburants pétroliers sont utilisés entre l’usine d’hydrogénation et les stations-service. Et un mini-système de déshydrogénation aux stations permet de récupérer l’hydrogène et de remplir les réservoirs à haute pression des véhicules, via un compresseur.

Il est important de noter que le liquide organique porteur d’hydrogène n’est pas consommé mais constamment réutilisé, et qu’il n’émet pas de gaz à effet de serre (GES), contrairement aux carburants pétroliers. Bien sûr, pour qu’il n’y ait réellement pas de GES il faut s’assurer que la source d’énergie qui va fournir la chaleur pour récupérer l’hydrogène aux stations est renouvelable et n’utilise pas de carburants fossiles.

Bien des avantages pour la distribution mais est-ce suffisant?

On ne peut nier l’immense avantage de manipuler, transporter et stocker l’hydrogène sous forme liquide, sans fuite, à température et pression ambiante, ce qui ne nécessite pas de réservoirs ultraperformants coûteux (haute pression ou cryogéniques). Mais est-ce suffisant pour rendre la filière hydrogène acceptable, voire désirable pour les véhicules?

En fait, malgré tous les avantages du système de la compagnie Hydrogenious que je viens d’exposer, on a toujours le même problème de base, à savoir que l’hydrogène est récupéré à partir des carburants fossiles à 95 %, et que l’usine de production d’hydrogène émet autant de GES que si on avait des voitures qui consomme 5 litres/100 km d’essence. On continue donc l’exploitation des carburants fossiles, ce qui est loin d’être du développement durable.

On nous dore la pilule en disant qu’on va produire l’hydrogène par électrolyse de l’eau avec des énergies renouvelables, sans GES. Mais, l’hydrogène produit de la sorte serait bien plus cher et surtout très inefficace au niveau de l’utilisation de l’énergie renouvelable. Dans mes précédents billets sur la filière hydrogène j’ai démontré qu’on a besoin de 3 fois plus d’électricité pour faire parcourir 100 km à une voiture à hydrogène (produit par électrolyse) que pour une voiture électrique à batterie. Et le système d’Hydrogenious, aussi génial soit-il, va empirer la situation, car il faut dépenser 10 kWh d’énergie sous forme thermique pour libérer 1 kg d’hydrogène à partir du liquide organique porteur. Or, c’est plus du quart du contenu en énergie chimique de l’hydrogène libéré, une autre perte qu’il faut comptabiliser.

Non, je ne vois encore pas d’avenir à la filière hydrogène pour les véhicules. La volonté des fabricants automobiles ou les subventions des gouvernements ne peuvent pas changer les lois de la physique. Et la filière hydrogène c’est soit la continuation de l’exploitation des carburants fossiles, soit un gaspillage éhonté d’énergies renouvelables. Prendre 3 fois plus d’énergie renouvelable pour faire la même chose (rouler 100 km), ce n’est PAS du développement durable.


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