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Plan d’action 2017-2020 en énergie du gouvernement: Une occasion ratée.

Cette semaine a été dévoilé le plan d’action 2017-2020 du gouvernement du Québec en énergie.

Ce plan d’action est le premier de trois qui émanent de la politique énergétique du gouvernement2 qui annonce, entre autres objectifs, sa volonté de réduire de 40% la quantité de produits pétroliers consommés au Québec d’ici 2030.

Voici quelques faits saillants des 42 points de ce plan :

  • Point #4 : Former un conseil consultatif des communautés autochtones

Commentaire : Il me semble tout à fait normal que les communautés autochtones soient consultées puisque plusieurs projets énergétiques les concernent. Cela dit, si ces derniers sont consultés, je ne comprends pas que le ministre Arcand3 vienne tout juste de demander un report de la consultation sur le projet Énergie Est puisque l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador a officiellement annoncé son opposition à ce projet4.

Logiquement, le ministre Arcand aurait donc dû annoncer dans son document que son gouvernement se prononçait contre ce projet après avoir consulté les communautés autochtones.

  • Point #6 : Soutenir l’acquisition de véhicules électriques par différents moyens, dont un projet pilote favorisant l’acquisition de véhicules électriques d’occasion et le financement de bornes de recharge en milieu résidentiel et en milieu de travail

Commentaire : Rien de neuf sous le soleil, sinon que les 100 000 VZÉ visés pourront inclure des véhicules lourds et miniers électriques dans le décompte. Cet objectif ne sera pas atteint pour autant.

  • Point #9 : Soutenir l’acquisition ou la conversion de véhicules de transport de marchandises ou de transport minier à l’électricité, au gaz naturel ou au propane.

Commentaire : Ça fait des années qu’on en parle, on ne peut absolument pas qualifier des véhicules fonctionnant au gaz naturel ou au propane de véhicules qui contribueront à « réduire de 40% la quantité de produits pétroliers consommés »1 ou les GES puisque :

  1. Le gaz naturel et le propane sont des produits pétroliers
  2. Il n’y a pas de réduction de GES5 lorsque les camions passent du diesel au gaz naturel lorsqu’on regarde le cycle de vie complet. Au contraire, il y a une hausse des GES. On ne fait que déplacer le problème en passant de la dépendance au diesel à une dépendance au gaz naturel, carburants qu’on importe tous les deux… à moins qu’on ne serve de cela pour justifier des projets d’exploitation de gaz naturel sur le territoire québécois.

Le pire, c’est que nous avons déjà tout expliqué et démontré ces faits au ministre Arcand et qu’il a décidé de faire la sourde oreille à nos arguments scientifiques, économiques et écologiques.

Décidément, Gaz Métro semble avoir beaucoup d’influence et/ou son « bluewashing » fonctionne très bien. Comme le dit d’ailleurs de façon éloquente l’agence Sid Lee6, « Sid Lee a fait du gaz naturel un choix de vie en redéfinissant chaque point de contact de Gaz Métro en une période record de six mois, transformant ainsi un produit naturel en une denrée très populaire »

Y a rien de mieux qu’une bonne pub… qui désinforme et manipule.

C’est ainsi que, selon un sondage mené en 2015 pour le compte de chercheurs de l’École polytechnique de Montréal et du CIRANO7, 27% des Québécois croyaient alors que le gaz naturel était une source d’énergie renouvelable.

Et si vous croyez que le gouvernement a l’intention de faire un grand virage vers le biogaz (ou biométhane), lisez le point #37 qui dit :

  • Point #37 : Adopter en 2017 un règlement qui établit à 5 % la proportion minimale de gaz naturel renouvelable que les distributeurs québécois de gaz naturel doivent injecter dans leur réseau de distribution pour les clients du Québec

Cible : Atteindre 5 % de gaz naturel renouvelable injecté en 2020

Le grand virage vers le gaz naturel renouvelable n’est donc pas pour demain.

S’il y a un gain environnemental à passer au gaz naturel ou au propane, c’est dans le secteur des émissions polluantes… sauf que des camions hybrides et électriques font mieux encore en matière de diminution des émissions polluantes et que des entreprises québécoises en développent en ce moment (voir texte la semaine prochaine sur le sujet).

  • Point #10 : Réaliser un projet pilote, en collaboration avec des entreprises de transport de personnes et de marchandise, visant l’acquisition et l’opération au Québec de véhicules à hydrogène.

Commentaire : Le gouvernement a déjà fait l’exercice il n’y a pas très longtemps (2009) à l’aéroport Trudeau8. Ce fut un échec. Tous les véhicules ont été reconvertis au propane. Le gouvernement ne s’en est évidemment pas vanté… mais il va refaire l’exercice.

  • Point #11 : Remplacer tout véhicule léger (de la flotte de véhicules légers des ministères et organisme) par un véhicule électrique ou hybride rechargeable.

Cible : Véhicules légers: 15%

Commentaire : Il y a une énorme marge entre « remplacer tout véhicule léger » et « remplacer 15% de cette flotte » d’ici 2020. Le gouvernement pourrait faire beaucoup mieux que 15% de véhicules légers d’ici 2020.

On en est à 6% à l’heure actuelle9.

  • Point #13 : Soutenir l’expansion de la Route Bleue, notamment par l’ajout de points de service sur l’axe nord-sud

Commentaire : Ça veut dire subventionner les infrastructures de « recharge » pour les camions fonctionnant au gaz naturel. Désolé, mais ça ne tient pas la route pour toutes les raisons évoquées plus haut.

  • Point 26 : Mettre en œuvre la réalisation des projets de conversion des réseaux autonomes développés par les communautés desservies. Proportion de l’électricité offerte aux communautés non raccordées au réseau principal d’Hydro-Québec obtenue de source renouvelable. Nombre de projets réalisés : 6 projets en 2020
  • Commentaire : Excellente initiative. Faudra en faire plus. Il y a présentement 23 centrales de production d’électricité qui fonctionnent au diesel10 sur le territoire du Québec qui ne sont pas raccordées au réseau principal d’Hydro-Québec… sans oublier la centrale TAG de Bécancour (à ne pas confondre avec la centrale au gaz naturel de Bécancour).

Pour donner une idée du potentiel des projets de conversion, sachez que « les coûts de revient de l’électricité des Îles-de-la-Madeleine était annoncé à 34 ¢/kWh en 2012 et que l’électricité produite aux Îles est 336 fois plus émettrice de GES que celle du Québec.

Allumer une ampoule aux Îles-de-la-Madeleine équivaut, en terme d’émissions, à en allumer 336 à Montréal… »11

Le temps est venu d’aller de l’avant avec de tels projets de conversion.

  • Point #29 : Augmenter la puissance hydroélectrique du parc de production d’Hydro-Québec / Mettre à niveau les centrales hydroélectriques dont les équipements de production sont rendus à la fin de leur vie utile

Cible : 1 140 MW d’ici 2025

Commentaire : S’il s’agit de rendre les centrales existantes plus efficaces et ce, à coût raisonnable, c’est une idée valable. S’il s’agit, comme l’indiquait le journaliste de La Presse de développer un nouveau grand projet hydroélectrique, ça ne marche pas.

  • Point 31 : Poursuivre l’accompagnement des quatre projets de mini-centrales hydroélectriques relancés en 2014 jusqu’à leur concrétisation

Commentaire : Très mauvaise idée. On est tellement plus là. Réapproprions-nous plutôt les dizaines de centrales privées sur notre territoire et faisons-en des coopératives en énergie qui profiterons réellement aux communautés locales plutôt que d’autres projets de mini-centrales qui profitent encore trop souvent à des intérêts privés étrangers.

  • Point #34 : Bâtir l’expertise d’Hydro-Québec sur la production centralisée d’électricité de source solaire en réalisant un projet pilote de parc solaire au Québec
  • Point #35 : Évaluer la capacité des technologies solaires à panneaux voltaïques décentralisées à rendre plus efficiente l’exploitation du réseau électrique et à répondre aux besoins des Québécois

Commentaire : Bonnes idées pour les régions qui ne sont pas branchées au réseau ou les citoyens qui veulent passer au solaire. Le prix du solaire est en train de rendre les nouveaux projets hydroélectriques trop onéreux.

  • Point #38 : Contribuer au financement de la construction d’usines de démonstration de biocarburants.

Cible : 1 projet au 31 mars 2020

Commentaire : Quel type de projet de biocarburant ? Biométhanisation, biomasse ou éthanol ? Vu le fait que cette information cruciale est manquante, il est difficile de dire si ça vaut la peine. De plus, en sommes-nous réellement encore à de simples projets de démonstration ?

  • Point #39 : Contribuer au financement des projets d’extension du réseau de distribution de gaz naturel dans les régions non desservies par le réseau actuel, notamment à Thetford Mines, Saint-Marc-des-Carrières et Saint-Éphrem-de-Beauce

Commentaire : Pourquoi subventionner plus de consommation de gaz naturel en subventionnant le développement du réseau ? Mauvaise idée. Il y a de meilleures solutions.

HYDROCARBURES

  • Point #40 : Élaborer le cadre réglementaire applicable aux activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures
  • Point #41 : Élaborer les orientations gouvernementales sur l’aménagement du territoire concernant la mise en valeur des hydrocarbures et la désignation des zones incompatibles avec la mise en valeur des hydrocarbures

Commentaire : Après ce que nous avons vu avec la loi 106 sur les hydrocarbures, il est clair que le gouvernement ne prend pas au sérieux le processus de transition énergétique et, ayant reconduit le droit pour les entreprises gazières et pétrolières de pouvoir exproprier les gens de chez eux, les Québécois ne peuvent trouver cette démarche du gouvernement crédible du point de vue écologique, économique et quand à son acceptabilité sociale.

Conclusion

Si certaines mesures de ce plan d’action semblent intéressantes, la majorité des mesures annoncées sont nettement insuffisantes pour faire en sorte que le Québec diminue sa dépendance aux hydrocarbures de façon marquée car il reste extrêmement timide vis-à-vis cet énorme éléphant dans la pièce : le transport.

En effet, les solutions proposées en transports ne sont vues que sous l’angle technologique. Nulle part est-il question de développer le covoiturage ou de proposer des solutions en auto partage, de mettre le focus sur un accroissement du transport collectif et actif ou de trouver les moyens de diminuer l’auto solo.

Il faut rappeler que12 :

  • De 2010 à 2015, le nombre de véhicules de promenade en circulation au Québec a augmenté de 100,000 par année ;
  • La hausse du nombre de véhicules de promenade circulant sur les routes du Québec a été plus de 3,5 fois plus rapide que l’augmentation de la population du Québec entre 1990 et 2015 ;
  • De 2010 à 2015, les ventes de camions légers (pick ups, minivans et VUS) ont augmenté de 197% ;
  • Le pourcentage d’émissions de GES du secteur des transports par rapport aux émissions totales de GES du Québec est de 41% ;
  • L’évolution des émissions de GES du secteur des transports entre 1990 et 2014 a été de +20,4% ;
  • L’évolution des émissions de GES du secteur des transports routiers entre 1990 et 2014 a été de +26,9% ;
  • L’évolution des émissions de GES du secteur des camions légers entre 1990 et 2014 a été de +120,4% ;
  • L’évolution des émissions de GES du secteur des véhicules lourds entre 1990 et 2014 a été de +90,4% ;
  • La consommation de carburant (essence) des Québécois a augmenté de 247 millions de litres en 2016 par rapport à 2013 ;

Je ne vois pas comment on va diminuer de quelque point de pourcentage que ce soit notre consommation d’hydrocarbures en transports avec les mesures annoncées. Donc, tant qu’on continuera à proposer des mesures qui passent à côté du défi en transport ET qu’on proposera de développer une industrie des hydrocarbures…

… On ne fera AUCUNE transition énergétique digne de ce nom.

Pour un gouvernement qui vient de créer un organisme dont le nom est « Transition Énergétique Québec », ça part plutôt mal.

Ce plan d’action est donc une occasion ratée.

(P.S. : Peut-être est-ce la raison qui explique que ce plan a été dévoilé… un 26 juin?)

1 : http://politiqueenergetique.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/Tableau-PA-PE2030_170626.pdf

2 : https://politiqueenergetique.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/politique-energetique-2030.pdf

3 : https://politiqueenergetique.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/politique-energetique-2030.pdf

4 : http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/473493/les-premieres-nations-du-quebec-disent-non-a-energie-est

5 : http://roulezelectrique.com/les-camions-au-gaz-naturel-emettent-plus-de-ges-que-les-camions-diesel-sur-le-cycle-de-vie/

6 : http://sidlee.com/fr/work/GazMetro/GazMetro

7 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/722748/perceptions-energie-quebec-petrole-sondage

8 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/432952/aeroport-trudeau-hydrogene

9 : http://www.journaldemontreal.com/2017/06/27/seulement-6–de-vehicules-electriques-au-gouvernement-1

10 : http://www.hydroquebec.com/production/centrale-thermique.html

11 : http://www.muniles.ca/wp-content/uploads/2016-01-26_Document-de-consultation.pdf

12 : http://roulezelectrique.com/vehicules-legers-et-lourds-sur-nos-routes-des-chiffres-preoccupants/

13 : http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201706/20/01-5109180-le-quebec-a-encore-soif-dessence.php

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